Qui a dit qu'en France on ne sait pas faire de bonne folk music ? Sûrement une personne avec des oreilles en plâtre. Simon MERLE vit en Ardèche Nord, aime les guitares en bois et les harmonies vocales.
Pourquoi son album n'est-il pas sorti autrement qu'en autoproduction ? Parce que beaucoup de responsables de maisons de disques ont le même type d'oreilles que celui qui a dit qu'en France on ne sait pas faire de bonne musique folk...
Rencontre avec un drôle d'oiseau.
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C'est donc sur une plateforme numérique (rien que d'écrire cela fait mal aux doigts, aux yeux et surtout à l'âme) qu'il vous faudra découvrir les merveilleuses chansons de Simon MERLE, toutes en douceur, en retenue. Avec beaucoup de tenue. Sans harmonica auprès d'un feu de bois, ni sueur virile sous une chemise bûcheron, l'esthétique folk est plutôt raffinée, quasiment de la pop au ralenti, comme chez BELLE & SEBASTIAN ou Elliott SMITH, l'américain qui a parfois réussi à être les BEATLES à lui tout seul. Sur de chaleureux arpèges ou accords plaqués en douceur sur des guitares (acoustiques bien évidemment), notre oiseau pose sa voix gracile, parfois fragile, comme le faisait Johnny THUNDERS sur son chef-d'oeuvre Hurt me, voire comme les frangins GODREY (Nikki SUDDEN et EPIC SOUNDTRACKS). Des choeurs célestes apportent une luminosité Wilsono-McCartneyenne bienvenue (MERLE n'a pas forcément envie de nous tirer des larmes sur la longueur) et les nappes de claviers font office de flutes et de cordes, financièrement inaccessibles pour une autoproduction ; sur le papier, ça paraît cheap, mais à l'écoute on n'imagine pas mieux fait avec un orchestre tâcheron d'un pays de l'Est. On garde les arrangements Bontempi, on garde tout.
Tout patron de maison de disques qui se respecte devrait le signer sur le champ, sans même lui faire passer un entretien d'embauche. Quoique...
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E N T R E T I E N //// E N T R E T I E N //// E N T R E T I E N
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"Je suis mélancoliste ou optimique..."
Après 10 ans passés dans le groupe indé The BANKEES, vous décidez de sortir un disque en solitaire. Pourquoi cette envie ?
J'avais envie de me renouveler, d'assumer mon identité réelle. The BANKEES était un groupe « fictif » : j'étais parfois accompagné par des amis, mais je faisais généralement tout sur les disques. Donc on ne peut pas vraiment dire que je me lance en solo, mais plutôt que j'assume cette solitude.
Comment décrire votre album autrement que par le fait que vous l'ayez "conçu pour faire la fête... seul dans le noir" ?
Je voulais enregistrer un album sincère, personnel et sombre, comme peut l'être parfois l'humeur. En l'écoutant, je me dis qu'il y a encore un peu trop de lumière.
Musicalement, cet album plutôt folk s'inscrit dans un esprit plus britannique qu'américain. Est-ce en accord avec vos goûts, voire vos influences ?
Oui, j'aurais bien aimé enregistrer un album de folk californien comme le premier CROSBY, STILLS & NASH, mais comme l'ambiance n'était pas très ensoleillée et que j'enregistrais seul, j'ai préféré être hanté par l'esprit de Nick DRAKE. Concernant mes goûts, j'alterne régulièrement entre la côte Ouest et la Perfide Albion. Je passe naturellement des BYRDS à FAIRPORT CONVENTION, de Neil YOUNG à Richard THOMPSON... Récemment, j'ai découvert deux trésors cachés anglais : l'album Recital des HONEYBUS et l'album From home to home de FAIRFIELD PARLOUR, tous deux enregistrés au début des années 70 et rapidement oubliés. Cet amour pour la musique du passé ne m'empêche pas d'aimer des choses d'aujourd'hui (Tony MOLINA, The RADIO DEPT., WEYES BLOOD...) Je consomme beaucoup de musique, tout le temps et partout.
Votre voix m'évoque celles de regrettés beautiful losers : Johnny THUNDERS, Nikki SUDDEN et EPIC SOUNDTRACKS. Les avez-vous déjà écoutés ?
Je vois ce que tu veux dire. Quelque chose d'un peu nasal et traînant. J'écoutais Johnny THUNDERS à une époque, je connais moins Nikki SUDDEN et EPIC SOUNDTRACKS, mais j'aimerais être aussi cool qu'eux. On m'a déjà dit que ma musique ressemblait au groupe COMET GAIN qui a écrit la chanson The Godfrey Brothers, donc il y a assurément un lien ! En tout cas je n'aime pas spécialement ma voix, mais si je l'ai trouvée, c'est déjà ça.
Les harmonies vocales semblent vous plaire. Quels sont vos modèles (j'ai quelques idées) ?
Ah oui, j'aime énormément enregistrer les choeurs. Mon grand père faisait partie des Petits Chanteurs à La Croix de Bois ... Mais de manière plus évidente, je suis écœuré (sic) par la beauté des harmonies des BEATLES, des BEACH BOYS, de CSNY ou des ZOMBIES. Leurs harmonies élèvent des morceaux parfois simples à un niveau stratosphérique.
On sent beaucoup de mélancolie dans vos paroles. Est-ce un état nécessaire à la création ?
Je suis mélancoliste ou optimique, enfin un mélange de mélancolie et d'optimisme qui n'est pas toujours dosé de la même façon à chaque album. Il faut en tout cas un déclencheur, une forme d'excitation qui peut être triste ou joyeuse, spirituelle ou sensuelle, pour que le processus de création commence, et vire ensuite à l'obsession.
"Etre un artiste ancré localement qui cherche à atteindre l'universel"
La production dépouillée et les subtils arrangements laissent toutefois percevoir des envies d'orchestrations plus luxuriantes. Songez-vous un jour à enregistrer avec plus de moyens ?
J'en rêve et en même temps, j'en ai peur. J'aimerais jouer dans la catégorie supérieure, mais je ne suis pas sûr d'être à la hauteur. Finalement, ça m'arrange presque de ne pas avoir les moyens. J'ai moins de pression et les limites techniques m'obligent à être inventif. Mais je dis peut-être ça pour me consoler.
Vous semblez être très attaché à vos racines d'Ardèche, (cf. le projet conceptuel Vissenty sur votre quartier d'enfance). Toutefois, cela ne se ressent pas du tout dans les chansons (ni sur la pochette) de ce nouveau disque. Pensez-vous un jour évoluer vers une folk plus ancrée dans un territoire comme celle de Jean-Louis MURAT ?
L'album Vissenty était une manière pour moi de m'enraciner de nouveau en Ardèche après un exil de plus de 10 ans, et de m'inscrire dans un imaginaire familial. C'est ce qui a donné à l'album son thème, son concept pour guider l'écriture des paroles. Musicalement, l'album sonnait moins sixties et psychédélique que le précédent. Il était plus influencé par la pop des seventies (Elton JOHN, 10cc, Paul SIMON...)
Je me suis un peu éloigné de cette nécessité de l'enracinement pour le nouvel album, et la pochette retranscrit également mon amour pour la culture japonaise. L'idéal, c'est d'être un artiste ancré localement qui cherche à atteindre l'universel. Seule une bonne mélodie, et l'émotion qu'elle suscite, peut le permettre. Il me semble que si les chansons de MURAT sont bonnes, c'est parce qu'elles dépassent les frontières de l'Auvergne.
Quels sont vos projets à plus ou moins long terme ?
J'ai terminé un petit roman qui raconte l'histoire tragique de l'incendie du studio Mastrou Records à Lamastre (Ardèche). Le personnage principal enquête pour trouver le coupable, et se cherche une nouvelle vie en dehors de son métier d'ingénieur du son. J'espère qu'il sera publié avant la fin de l'année. Pour ce qui est de la musique, je ne sais jamais quand le prochain album arrivera : dans deux ans ou dans deux mois. D'une manière général, j'ai du mal à évaluer mon travail, parce que je manque de reconnaissance. J'aimerais donc favoriser tout ce qui permettrait d'améliorer et de partager mes chansons. Voici donc quelques projets « rêvés » : jouer sur scène avec un groupe, signer avec un label, continuer à répondre à des interviews comme celle-ci...
Article + propos recueillis par bingO
(29 juin 2021)
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Simon MERLE. Simon Merle (Autoproduction, 2021)
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Pour prolonger...
Simon MERLE : Bandcamp
Johnny THUNDERS : Hurt me
Nikki SUDDEN & The JACOBITES : Death is hanging over me
EPIC SOUNDTRACKS : I don't know
The BANKEES : Bandcamp
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Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #742 (30/06/2021)
Rock à la Casbah #756 - Retro-best of 21, Vol. 1 (22/12/2021)
Dans nos archives écrites :
Ne pas souffrir pendant la fête de la musique (Playlist // Juin 2021)
Article et interview WIZZZ in Ardecha (25/08/2021)
Ce que je retiens de 2021 par bingO
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The BANKEES, vrai faux-groupe avec attitude
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Photographies : collection personnelle Simon MERLE
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