The Worst of 2021

Spécial Coups de latte (2021)
          Qui aime bien châtie bien, paraît-il...
Avant de se lancer dans les inévitables best-ofs de fin d'année jusqu'à l’écœurement, un premier coup d’œil dans le rétro histoire de repérer dix mauvais élèves ayant rendu des copies décevantes et/ou discutables, voire même carrément consternantes pour certains.

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          Si 2021 aura été une année discographique foisonnante qui n'aura pas manqué de joyaux, ça ne sera pas grâce à ces artistes. Je troque donc le costume du Père Noël pour celui du Père Fouettard et enfile mes chaussons de rock & roll les plus pointus pour décerner quelques tatanes (plus ou moins appuyées et méritées) à...
 
ENDLESS BOOGIE. Admonitions (No Quarter, 2021)
      Il n'est jamais évident d'évaluer le cas d'ENDLESS BOOGIE sur disque tant les longs mantras soniques du vinylmaniac Paul MAJOR et sa bande sont avant tout taillés pour la scène. Le gang de New York, une nouvelle fois épaulé par Matt SWEENEY ainsi que Kurt VILE (Counterfeiter) à jusqu'à présent toujours su marquer sa discographie de brûlots incandescents et sauvages (Smoking Figs In The Yard, Mighty Fine Pie ou encore Back In '74) au milieu de jams aussi enthousiasmants que parfois interminables. Mais attention à ne pas pousser le bouchon un peu trop loin cette fois-ci... En effet, Admonitions ressemble à s'y méprendre aux albums autoproduits du groupe (dédiés à son versant le plus monolithique) enregistré, une fois n'est pas coutume, avec un son digne de ce nom. Ce qui fait un peu beaucoup avec la pantagruélique compilation de chutes de studio (The gathered and scattered, 17 morceaux pour 3 heures) déjà sortie quelques mois auparavant. Plombé par The offender, une introduction fleuve du long de ses complaisantes 22 minutes, le dernier album d'ENDLESS BOOGIE ne nous offrira qu'un seul bâton de dynamite avec l'indiscutable Bad Call, dont on se demanderait presque ce qu'il vient faire là. Le lancinant et progressif Jim Tully, qui dépasse lui aussi le cap des 22 minutes, donne enfin à voir tout ce qui fait d'ENDLESS BOOGIE un groupe hypnotiquement fascinant. Deux beaux moments surnageant difficilement dans un ensemble assez complaisant. À tel point qu'on ressentira surtout du soulagement à l'heure où le très minimaliste Incompetent Vilains of 1968 vient clore Admonitions, comme si l'ingé son avait oublié d'éteindre l'enregistrement pendant le décrassage post-match de Paul MAJOR. Il faut dire que l'album avait déjà bien été salopé par le précédent The conversation, chiant comme la pluie et d'un vide abyssal. Pour une fois, Paul MINOR.

 
COURTNEY BARNETT. Things take time, take time (Milk ! Records, 2021)
      L'addition pour madame BARNETT ? Un confinement, une rupture avec Jen CLOHER, un déménagement, le début d'une psychanalyse, la perte de son fidèle backing-band Dave MUDIE et Bones SLOANE au « profit » d'une alliance douteuse avec Stella MOZGAWA (WARPAINT), tout ça pour nous proposer un album de pop de chambre, le thermomètre coincé sur zéro. On ne pourra certes pas enlever un refus évident de capitaliser sur le succès des deux albums précédents (sans compter la magnifique compilation inaugurale A sea of split peas). Mais c'est un peu aussi le hic, tant le plan B concocté ressemble dans ses meilleurs moments à un album de démos réussies. Si l'indéniable talent de songwriter qui a fait la force de BARNETT depuis ses tonitruants débuts ne s'est pas envolé (même si Splendour ou Take it day by day laissent quelque peu planer le doute), on a pourtant très peu de moments de grâce sur ce disque mal fagoté. Éloge à la beauté du quotidien ainsi qu'à la nécessité de laisser les choses mûrir et de garder espoir, blablabla, Things take time, take time est un disque salement frustrant, malgré sa pochette plutôt réussie. Des morceaux comme Rae Street ou If I don't hear from you tonight auraient mérité une production moins austère et rachitique, et je ne sais pas moi, qu'on leur rajoute UN VRAI PUTAIN DE GROUPE derrière, plutôt que cette boîte à rythme toute naze et la cold wave mal assumée refourguée par Stella MOZAGWA. Histoire de ne pas partir complètement fâché et éteindre complètement la flamme de la hype, on conseillera le live confiné From where I'm standing qui sauve de justesse l'année 2021 de Courtney BARNETT. Au boulot, si tu veux récupérer ton totem d'immunité, Courtney !

 
The BLACK KEYS. Delta Kream (Nonesuch, 2021)
      Quelle putain de déchéance ! Je me souviens d'une interview avec le groupe à l'époque de Rubber Factory, où ils avaient tiré à boulet rouges, et avec humour, sur METALLICA et STEELY DAN tout du long. Résultat, plus de quinze ans plus tard, the joke is on them : Dan AUERBACH et Patrick CARNEY sont devenus un groupe aussi boursouflé que les deux pré-cités, envoyant du tube FM friendly à tire larigot et tentant de faire passer la pilule avec des clips supposément humoristiques. Ça fait pleuvoir les awards et évidemment un carton en écoles de commerce et chez les ménagères d'âge moyen, mais c'est à peu près tout. Et ça n'est pas en nous fourguant ce Delta Kream, disque de reprises des idoles du duo (John LEE HOOKER, RL BURNSIDE, Junior KIMBROUGH, entre autres) qu'ils s'en sortiront mieux. Alors comme ça on tiendrait l'album du retour aux sources ? Vraiment ? Désolé, mais on reste encore à des années lumières du BLACK KEYS des débuts, intouchable jusqu'à ce qu'il se mette à la production en masse d'hymnes pour pubs automobiles. Ici, une suite de morceaux, certes pas tous désagréables, mais manquant cruellement d'âme. Ce qui est évidemment très embêtant vu le pedigree dans ce domaine des artistes repris... Seuls point positifs de ce disque ? La bonne idée d'avoir oublié d'inviter l'affreux DANGER MOUSE à la production, et le fait que l'autre blues revivalist d'Eric CLAPTON s'est encore plus couvert de ridicule cette année. I can't take this BS anymore indeed. En attendant que l'ancien-duo-devenu-auberge-espagnole d'Akron se remette au boulot, on préférera logiquement continuer à carburer au Ass pocket full of whiskey de RL BURNSIDE accompagné par le BLUES EXPLOSION, parfait télescopage de blues old school avec une relève inspirée.
 
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pere_fouet_500.jpg, by Bingo
 
MOGWAI. As the love continues (Rock Action, 2021)
     Il y a quelque chose d'assez déconcertant dans le fait que MOGWAI ait du attendre aussi longtemps pour sortir son premier disque à se poser au sommet des charts britanniques. Ce qui est encore plus déconcertant, c'est que la couronne se soit posée sur la tête de ce As the love continues, certes beaucoup moins raté que l'imbuvable Rave tapes, mais qui nous prouve que le groupe semble un peu s'être mis en pilotage automatique depuis le départ de John CUMMINGS. On retrouve tous les ingrédients classiques du groupe : un morceau d'ouverture éthéré sorti de sa torpeur par une explosion symphonique de guitares et de synthés, le désormais traditionnel clin d’œil aux PIXIES (Richie Sacramento), chanté par un Stuart BRAITHWAITE qui ne surprend plus beaucoup, un mur du son qui ressemble désormais plus à la frontière de TRUMP qu'à la Grande Muraille de Chine et des claviers, beaucoup de claviers. On ne doute pas que ça puisse encore secouer sur scène, mais on ne regrettera pas moins cette période, plus simple, où le groupe se sublimait sur la simple force de ses guitares telluriques et se faisait le plus beau descendant de SLINT. Ici, seuls Drive the nail et Pat Stains, s'en feront de lointains échos. Pour ce qui est de la capacité du groupe de se renouveler et proposer de nouvelles pistes à chaque nouvel album, ce n'est désormais plus qu'un lointain souvenir. Ça reste évidemment toujours plus écoutable que M83, mais ça commence grandement à sentir le réchauffé…

 
The WAR ON DRUGS. I don't live here anymore (Atlantic)
     Tout sauf une surprise. Adam GRANDUCIEL continue de courir après ses marottes habituelles (la trinité SPRINGSTEEN – CURE – DYLAN) dans un registre de plus en plus grandiloquent et solennel, mais dansant par endroits quand même, hein. Un comble pour un disque qui démarre par le minimaliste Living proof, presque convaincant. La suite est attendue, convenue : ah c'est sur qu'on va en avoir pour notre compte en termes de production XXL, de jérémiades et de dancefloor mollasson. Respect quand même à un morceau comme I don't wanna wait qui a branché sa pompe à 80's à un niveau hautement supérieur à la limite tolérée. Coincé dans ce cauchemar qui nous laisse penser que la B.O. des enfers doit être fournie par Nostalgie et Chérie FM, I don't live here anymore n'attend désormais plus qu'une chose : dégueuler toutes ses boursouflures stadium rock dans des arènes en sérieux état d'effritement. C'est bon Adam : ton plan DYLAN perdu en boîte de nuit ne fonctionne plus et a atteint le point de non-retour. Et si on passait à autre chose ?

 
THEE MORE SHALLOWS. Dad Jams (Monotreme Records, 2021)
     Puisqu'on a décidément vu un paquet de choses largement plus improbables ces dernières années, on a fortement espéré que le retour-qu'on-n'avait-pas-vu-venir de Dee KESLER et son THEE MORE SHALLOWS vienne relever les compteurs de l'insurpassable More deep cuts, petit bijou de pop bricolée, intelligente et incisive sorti il y a seize ans. Hélas, c'est plutôt du côté du semi-réussi Book of bad breaks que ce Dad Jams penche. Même si une electro évidemment lofi a ici remplacé la clique Anticon, on reste en droit de penser que KESLER pourrait faire bien mieux que de se lancer dans ses errements fluopop qui atteignent parfois le navrant (ces claviers sur Cold picture, sérieux...). Ça part dans tous les sens, chaque morceau essayant d'imposer une foule d'idées et de structures surprenantes pour un final, parfois comiquement maladroit, mais surtout digéré et oublié une fois écouté (ce qui ne sera pas plus mal pour ce final salopé sur Drinking Tang). À des années lumière des deux premiers albums du groupe, qui ne méritait pas de prêter son nom à cette totale sortie de route. Less deep cuts, donc.
 
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pere_noel440.jpg, by Bingo
 
Steve GUNN. Other you (Matador, 2021)
     On est ici beaucoup plus sur de la déception qu'un raté. Mais j'ai beau multiplier les tentatives, je n'arrive toujours pas à trouver un charme particulier à Other you. Peut-être est-ce que les albums précédents de Steve GUNN avaient mis la barre trop haut ? Other you ne manque pourtant pas d'arguments avec sa production (merci Rob SCHNAPF) et sa technique impeccables, épaulé par un casting folk de très bon goût (Bridget ST JOHN, Jeff PARKER, Julian BARWICK et une Mary LATTIMORE qui a co- écrit Sugar kiss). Peut-être qu'il manque simplement un ou deux morceau vraiment mémorables, tant l'ensemble se perd dans un doux marasme ronronnant. Disque idéal pour faire le ménage (ou la sieste), Other you nous rappelle cependant avec sa superbe conclusion, le très délicat Ever feel that way, pourquoi on est en droit d'attendre plus de Steve GUNN. Cela ne l'empêche néanmoins pas de rester dans le haut du panier folk-rock actuel, mais on attend la suite de pied-ferme... et avec une légère pointe d'appréhension.

 
LEWSBERG. In your hands (Autoproduction, 2021)
     Toujours autant fasciné par le VELVET UNDERGROUND, le quatuor hollandais se prend le mur avec son troisième album. Comme quoi tout peut aller très vite dans le monde de la musique : on est très loin de l'insolente grâce fragile du groupe et son sophomore In this house, belle réussite inattendue de 2020. Aucune surprise ici tant les recettes de LEWSBERG sont appliquées sans avoir bougé d'un iota, mais passées au Lexomil. A l'instar du disque de Courtney BARNETT, In your hands se prend les pieds dans le tapis de sa bedroom pop confinée : plombé par un rythme lénifiant de A à Z, l'album impose un surplace frustrant à LESWBERG. On aurait pu y croire sur All things, mais le morceau retourne rapidement dans le rang, malgré un violon plus John CALE que jamais. Lieve vrienden, il va vite falloir digérer de ne pas avoir été choisi par Todd HAYNES pour mettre en musique son dernier documentaire... On retrouve, pour la peine, un LEWSBERG plus à l'aise pour passer son oral de rattrapage.
 

SNAIL MAIL. Valentine (Matador, 2021)
     Pendant que certains échouaient piteusement entre les quatre murs trop étroits de leur chambre, d'autres s'amusaient à faire tapis en misant sur un arsenal sonique, prêts à faire sauter la banque. La juvénile Lindsey JORDAN appartient décidément à cette seconde catégorie. Pour son deuxième album, SNAIL MAIL a mis les petits plats dans les grands... pour mieux s'y prendre les pieds, joyeusement et dans un grand fracas. Très réussi, le single Valentine et sa montée scotchante rappelle les plus belles envolées des débuts. Mais sans omettre pour autant de nous dévoiler ses grosses ficelles, tirées par des claviers putassiers. Comme Lucy DACUS quelque mois avant elle, JORDAN a confirmé cette tendance actuelle des chanteuses indie de s'embourber dans une pop synthétique qui n'a pas besoin d'elles, après quelques albums très convaincants dans leurs styles respectifs (on citera également Sharon VAN ETTEN, Angel OLSEN, la liste est longue...). Souhaitons néanmoins un prompt rétablissement à Lindsey JORDAN, dont les cordes vocales fatiguées ont dores et déjà fait capoter la date prévue à L'Épicerie Moderne en février. Heureusement que ROSALI et Julie DOIRON étaient là pour protéger le temple et la f(l)amme cette année.

 
Bill CALLAHAN & BONNIE « PRINCE » BILLY. Blind date party (Drag City/Domino, 2021)
     Ça n'était pas gagné d'avance, mais Will OLDHAM a réussi, presque par miracle, à nous convaincre de ne pas débrancher son respirateur artificiel cette année. La raison ? La résurrection du projet SUPERWOLF avec Matt SWEENEY (CHAVEZ, ENDLESS BOOGIE), qui sans atteindre les sommets du songwriting oldhamien, tient plutôt bien la route. Mais Will OLDHAM ne pouvait pas traverser cette année 2021 sans se prendre une nouvelle fois les pieds dans le tapis. Et, parce que c'est toujours mieux à deux, autant inviter un Bill CALLAHAN embarqué dans cette embarrassante affaire aux allures de naufrage (sabordage ? ). L'idée de départ était pourtant louable : inviter un artiste différent (mais tous issus du catalogue Drag City) sur chacune des reprises de ce disque. Mais malgré ce casting cinq étoiles (David PAJO, Alasdair ROBERTS, Mick TURNER et Sir Richard BISHOP, pour ne citer que quelques noms), Blind date party est une consternante collection d'idées qui ont mal tourné. On se retrouve condamné à errer dans ce musée des horreurs tout du long de ces 19 (!!!) reprises où un second degré très discutable finit trop souvent par tourner au super kitsch. On se demande encore comment on pourra effacer de notre mémoire ces guitares outrageuses et hors de propos sur le délicat Our anniversary de SMOG, affreusement salopé. Un peu plus convaincant quand il joue sur une approche folk épurée (Blackness of the night, I've been the one, Night rider's lament), ce duo de choc de la lose va même jusqu'à nous rappeler les errements electro de Neil YOUNG le temps du Arise therefore de PALACE/OLDHAM, qui n'avait pourtant rien demandé à personne. Et encore moins mérité un tel traitement. Éprouvant. 
P.S : Will OLDHAM à l'époque où il n'avait pas encore perdu son manuel de l'autoreprise réussie, c'est ici.

 

Eric F.

(28 décembre 2021)
 


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Dans nos archives écrites :
Ce que je retiens de 2021 par bingO (31/12/2021)

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Photographies et illustrations : DR
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