It's WEDNESDAY I'm in love

Chronique (2023)
          Véritable phare au milieu d'une année jusque là plutôt décevante qualitativement parlant, Rat saw god fait plus que confirmer tout le potentiel du groupe d'Asheville... il le consacre !
 
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          À peine cinq secondes. C'est le temps qu'il faut à WEDNESDAY pour envoyer la sauce dès son introductif Hot rotten grass smell, parfaite mise en bouche pour un album attendu de pied ferme après les succès de Twin plagues et l'excellent LP de reprises Mowing the leaves instead of piling them sorti l'an dernier. Fort de cet enchaînement, le groupe d'Asheville est donc de retour avec des morceaux patiemment rodés sur scène et qui tapent encore une fois en plein dans le mille.

S'il ne fait aucun doute que le groupe se verra encore emballé avec une étiquette shoegaze par les médias, c'est lui faire insulte, tant celle-ci est bien trop réductrice : WEDNESDAY parvient à mêler les genres avec une déconcertante maestria, que les morceaux soient remuants comme des sales gosses ou bien plus tendres. Et va même jusqu'à se transformer en imparable groupe de classic rock le temps de l'obsédant Chosen to deserve (que Bingo a fort justement rapproché du grand MAGNOLIA ELECTRIC CO. de Jason MOLINA, ici), dores et déjà un des tout meilleurs morceaux entendus cette année.
 
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On avait déjà décelé tout cela sur Twin plagues, mais Rat saw god rehausse tous les curseurs de plusieurs crans. Les morceaux sont encore meilleurs, portés par le boulot de Katy HARTZMAN, qui marque encore un sacré paquet de points au challenge de l'American songwriter, pendant que le tempo continue d'osciller dans tous les sens sur plusieurs chansons inventives, comme Turkey vultures et son sprint fou vers un foutoir aussi total que réjouissant.

La chanteuse de WEDNESDAY réussit tout ce qu'elle entreprend sur ce disque, comme quand elle joue en blouse blanche dans son labo, croisant le mythique Waterloo sunset des KINKS avec un refrain nirvanesque sur Quarry. On ne recommandera pas pour autant à toutes les oreilles le final noisy hurlé du haletant Bull believer (8 minutes de cassures rythmiques et de grosses guitares imprévisibles, un régal), mais c'est bien là le seul moment qui pourrait éventuellement paraître discutable.
 
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Bien appliqué, WEDNESDAY nous prend par la main et nous embarque dans une virée qui nous fait visiter le Sud-Est des États-Unis de fond en comble. Ses scènes de la vie quotidienne (des ados qui se défoncent au Benadryl, un sex shop en bordure d'autoroute, une sieste devant la F1, un raid du FBI dans une dope house...) dépeignent une Amérique résolument white trash et fascinante malgré tout. À mi-chemin entre l'écriture de Carson McCULLERS et Richard BRAUTIGAN (dont le Love's not the way to treat a friend est cité sur Formula one) et le lyrisme du quotidien de David BERMAN, HARTZMAN se construit une nouvelle fois un univers qui lui est propre, avec une imagerie simple et évocatrice, presque poétique dans sa banalité.

Ce road-trip dans un sud plutôt rêche, qui alimente un peu plus nos fantasmes sur l'Amérique des perdants d'avance, est agrémenté par la fascinante pedal steel de Xandy CHELMIS, inestimable valeur ajoutée à l'ensemble. Le mélange country-rock indé est détonnant, mais fonctionne à tous les coups, à tel point qu'on penserait presque que WEDNESDAY en a inventé le concept même. S'il n'en est rien (encore et toujours le patronage de Jason MOLINA), le quintet d'Asheville insuffle, malgré tout, un sacré vent de fraîcheur à la fois sur le rock indé et l'Americana. Et gagne un point bonus pour avoir, au passage, évoqué les DRIVE-BY TRUCKERS sur l'ébouriffant Bath County (peut-être touchés par la reprise de Women without whiskey apparue ici, avant d'atterrir sur Moving the leaves instead of piling them, les TRUCKERS ont d'ailleurs renvoyé l'ascenseur au groupe en prenant WEDNESDAY en première partie de leur récente tournée US. Sacrée affiche !)
 
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Écouter Rat saw god, c'est la promesse de passer un peu moins de quarante minutes en compagnie d'un grand disque, inventif et abouti. Mais c'est aussi une façon de ne plus vieillir. Tout d'abord, parce que certains arpèges brumeux renvoient à toutes ces heures passées à poncer le What would the community think de CAT POWER. Et un retour à l'insouciance des structures quiet-loud quand ses apôtres s’appelaient encore les PIXIES et NIRVANA, pendant qu'on était occupés par l'école buissonnière (Chosen to deserve) à asséner les fameux “finish him” de Mortal kombat (Bull believer). Bref, une façon de revivre son adolescence.
 
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On comprend mieux pourquoi WEDNESDAY est allé pêcher le titre de l'album dans un épisode de la série teenage Veronica MARS... et nous rappelle avec justesse que cette période n'était pas qu'un interminable « fuck you » lancé à tout ce qui bougeait. Ça serait trop vite oublier toute l'introspection et les doutes qui venaient avec. En se mettant presque au point mort sur Formula one (où le formidable MJ LENDERMAN accompagne HARTZMAN au chant) ou le très poppy TV in the gas pump, le groupe arrive tout autant à convaincre, et révèle une facette plus délicate du songwriting d'HARTZMAN, se passant très bien de son armada de guitares XXL.

Lancé à un rythme infernal, WEDNESDAY est, plus que jamais, au firmament et va désormais devoir batailler ferme pour dépasser ce niveau d'excellence. On attend la suite avec grande impatience, tant le groupe a tout pour lui.


 

Eric F.

(16 juin 2023)

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WEDNESDAY. Rat saw god (Dead Oceans, 2023)
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Pour prolonger...

WEDNESDAY : Bandcamp
WEDNESDAY does San Francisco
WEDNESDAY does Elliott SMITH

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Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #808 (12/04/2023)

Dans nos archives écrites :
Mercredi moi oui,
     chronique de l'album Twin plagues par Eric F. (08/10/2021)

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Photographies : Eric F., DR
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