Chronique musicale (2021)
Des incendies, le fantôme d'un chien, un mauvais acid trip et un accident de voiture en fil rouge... À première vue, il serait facile de considérer Twin Plagues comme un catalogue de catastrophes propice à un misérabilisme exacerbé... Une impression que le second album du très prometteur quintet d'Ashville ne met pas longtemps à faire voler en éclats.
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Après les quelques arpèges inquiétants de l'intro de Twin Plagues, le groupe se met en branle et place sa chanteuse Karly HARTZMAN au milieu de la tempête : son juvénile timbre doux et délicat se révèle alors comme une bouée de sauvetage, pour ne pas se faire noyer par cette tempête électrique.
Musicologues érudits
Pas besoin d'être un musicologue averti pour comprendre que la musique de WEDNESDAY est viscéralement ancrée dans les années 90s, quelque part entre les saturations de MY BLOODY VALENTINE et la décontraction spontanée de PAVEMENT. Si elle est probablement trop jeune pour avoir pu croiser la bande à Stephen MALKMUS sur scène, HARTZMAN n'en possède pas moins tous les codes nécessaires pour défendre une certaine idée du rock, libre et décomplexé.
Handsome man en deuxième position, est le premier morceau tubesque du disque, et ce sera loin d'être le seul : des riffs acérés et imparables, WEDNESDAY en a à revendre (Cody's only, Toothache, One more last time). Et si cette collection de guitares évoquera toute une ribambelle d'autres groupes, allant de SONIC YOUTH aux BREEDERS en passant par CAT POWER, HARTZMAN a cependant un petit je-ne-sais-quoi qui l'empêche de tomber dans la catégorie des simples copistes érudits, capables placer une allusion subtile au Cruiser des RED HOUSE PAINTERS sans avoir l'air d'y toucher.
Vous me direz, on vous a déjà fait le coup pour PARQUET COURTS, SNAIL MAIL et surtout YUCK, tous portés par cette volonté de faire revivre une décennie dont les acteurs principaux commencent à atteindre des âges presque canoniques, sans parvenir à tenir la distance. Peut-être que la très belle impression laissée par ce Twin Plagues ne sera d'ailleurs plus qu'un lointain souvenir dans quelques années, mais on a quand même envie d'y croire très fort
Déculottage au grill
Pourquoi ? Parce qu'outre ses incontestables facilités pour écrire des morceaux aussi mélodiques qu'efficaces, HARTZMAN brille également de mille feux sur les quelques morceaux midtempo de l'album. La country, autre influence évidente, arrive même un peu à percer ici et là, avant d'être invariablement déculottée par un retour de flamme (de BBQ). Exception à la règle, le splendide How can you live if you can't love, how can you if you do qui rend jusque dans son titre un subtil et poignant hommage à David BERMAN et ses SILVER JEWS.
La très belle pedal steel de Xandy CHANDIS adoucit un peu la terrible amertume des paroles : « Rooms would look much better if they had you in them / Jealous of the rooms whose floors can feel your weight upon them / If I could find the words to say what your leaving put me through / How Can You Live If You Can't Love, How Can You If You Do». Malgré son jeune âge, on confiera sans hésitations les clés du camion à HARTZMAN et son « Called you on the road again to get back on my feet / The pain was kinda wonderful cause it was so complete » digne d'un cowboy désabusé et en fin de course.
Passe ton cap d'abord !
En jetant à la poubelle les structures classiques inhérentes aux morceaux pop, HARTZMAN joue avec aisance au savant fou, en privant certains morceaux de refrains ou en livrant des textes économes en paroles, mais n'oublie pas pour autant de mettre le collectif en avant.
La tête pensante de WEDNESDAY a effectivement étoffé son groupe depuis l'inaugural Yep definitely afin de réaliser un vieux rêve de « pouvoir rivaliser avec MY BLOODY VALENTINE » (particulièrement criant sur l'enchainement Birthday song – One more last time – Three sisters), sans pour autant se montrer aussi crispant que Kevin SHIELDS et ses potes.
Ce passage à une formule à trois guitares a clairement fait passer un cap à WEDNESDAY. Versatile, le groupe peut autant impressionner sur un Birthday song à la tension lancinante que lorsqu'il lâche les chevaux le temps d'un Three sisters surpersonique et entraînant. S'il dépasse à peine la demi-heure, Twin Plagues ne manque pourtant pas d'idées et de savoir-faire, ses douze chansons toutes aussi emballantes les unes que les autres.
Le tour de montagnes russes se termine avec un Ghost dog qui n'aurait pas fait tache chez SPARKLEHORSE, sa production lofi en contraste avec le reste du disque, plutôt clair et précis, sans être luxuriant non plus. Et Tant pis si HARTZMAN exagère peut-être un peu quand elle qualifie ses acolytes de « génies » : elle ne s'en retrouve pas moins propulsée à la tête d'un des groupes américains les plus frais et excitants de cette décennie naissante.
Eric F.
(08 octobre 2021)XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
WEDNESDAY. Twin Plagues (Orindal Records, 2021)
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Pour prolonger...
WEDNESDAY : Bandcamp
WEDNESDAY : How can you live if you can't love, how can you if you do (vidéo-clip)
WEDNESDAY : Birthday song (vidéo-clip)
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Photographies : Eric F. ; Orindal Records
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