Depuis quelques temps, plus qu'à un revival, on assiste à une revisitation de la musique Oï. Faut-il s'en inquiéter ? À l'écoute du premier album du groupe messin OI BOYS, on peut être musicalement rassuré. Ne restait qu'à éclaircir leurs propos en les rencontrant. Certaines questions semblent les avoir quelque peu irrités.
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Il est des lieux secrets qui méritent de le rester, à l'instar des bon plans, qui une fois trop partagés, n'ont guère plus rien de bon.
Le Pouzin est un village d'Ardèche. Les touristes le traversent souvent pour échapper aux grands axes autoroutiers. Pas très loin, une plus petite bourgade (que volontairement nous ne nommerons pas) abrite un endroit underground (À l'antre chien et loup), un peu secret donc, avec un jardin, une rivière et des arbres. En son sein, une ancienne salle de restaurant résonne depuis quelques années au son des groupes de passage, aussi souterrains que ce lieu. La dernière fois que j'y suis allée, vendredi 02 octobre 2021, les OI BOYS s'y produisirent en concert. Ça aurait pu être un boys band, mais non. Enfin ça a failli, mais quand même non.
Quand eut lieu l'interview radiophonique (que vous pouvez découvrir dans le premier volume de notre série radiophonique Wild Cards), tout le monde était bien émêché. Les deux zozios à qui j'ai eu affaire m'ont bien fait marrer. Ils ont aussi un peu crié dans le micro, enfin surtout Baptiste (dit Bat), mais ce n'est pas grave ça. On a bien discuté quand même. Deux jours après, rongés par les remords, ils m'ont écrit. Ils s'en voulaient un peu d'avoir martyrisé le micro et dit des bêtises alors que je n'avais pas encore écouté et que, dans mon souvenir, ils avaient quand même dit des trucs intéressants. Résultat des courses, Val et Bat ont pris le temps de tout bien répondre aux questions que Maître BingO m'avait chargée de leur poser.
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"Composer du punk avec un synthé de brocante et une guitare barytone"
Pourriez-vous présenter et évoquer la genèse des OI BOYS (année de création, conditions de formation, line-up, instrumentation, etc.) ?
Val : Il y a quelques années, on avait un groupe de sludge qui s'appelait DIVOJUGEND. On était trois : Bat, Ian (un bon copain) et moi. Quand on a arrêté ce projet, on voulait continuer à faire de la zic tous les deux et revenir à notre premier amour, le punk.
Bat : On a commencé à deux, mais comme Val était pas trop dispo, je me suis mis à composer les morceaux et à écrire des textes. Puis Val a eu plus de temps, alors il a rajouté la guitare et on a rebossé les morceaux à deux. Pour le line-up, sur le disque, on est donc deux : Val (guitare barytone, voix) et moi (clavier, voix, boîte à rythme et synthé-basse). Sur scène, Bastien (DAIKIRI, DALIDA) à la batterie et Alex (LOTH, The SIOUX) à la basse nous rejoignent. On est alors quatre.
Sur ce premier album, vous réussissez l'exploit de poser un chant Oï ! et des choeurs virils sur des musiques plutôt cold wave. Comment vous est venue l'idée d'un tel mix ?
Bat : Ce mix, c'est un peu un hasard. Dès le départ on voulait composer du punk avec un synthé de brocante et une guitare barytone, rien que ce choix là, ça tire la musique vers la cold wave. Pour les voix, on a toujours chanté comme ça, même dans notre groupe de sludge. On ne s'est pas dit « hé tiens, si on chantait Oï ! ».
Val : Je ne suis pas spécialement d'accord avec le terme « chœurs virils », je ne trouve pas ça vraiment viril de chanter en chœur « les tam-tam de mon coeeeeeeur ».
L'effet produit est remarquable : infusion du chant impulsif dans une musique plus synthétique. N'étiez-vous point tentés au départ par une instrumentation plus classique, peut-être plus en accord avec les canons du genre Oï (guitares, basse, batterie) ?
Val : Le fait d'utiliser une boîte à rythmes et une basse-synthé s'est vite imposé étant donné qu'on est deux et ça s'est fait de manière naturelle, vu les choix d'instruments de départ.
Bat : En vrai, on n'a jamais eu de projection sur le style, on a plus réfléchi aux sujets abordés.
Êtes-vous alors d'accord pour qualifier votre musique de Noï Wave ? Je vous offre l'appellation si cela vous convient.
Val : Noï Wave, ça me fait trop penser à la no wave, genre que j'adore et que j'écoute beaucoup, mais qui n'a pas vraiment de rapport avec ce qu'on fait [cf. question précédente : selon moi, l'essence de votre musique est un mix de Oï et de New Wave ; l'idée était alors de créér une appelation mixant ces mots, pas de lorgner vers le New York de James CHANCE & Co., NDLR].
Bat : On préfère le terme d'Adrien DURAND qui a utilisé celui de street wave [Bien compris : je garde alors pour moi mon appellation CADEAU, désolé. Plaisir d'offrir, fin de non recevoir, NDLR].
À la lecture de la plupart des articles vous concernant, vous auriez commencé la musique dans le black metal et le hip-hop. Vous avez aussi touché à la noise. Pourquoi être passé à une nouvelle esthétique musicale ? Est-ce un exercice de style ? Envisagez-vous ensuite d'explorer d'autres territoires ?
Bat : Notre premier style à tous les deux c'est le punk, l'exercice de style au contraire c'est plutôt le black et le hip-hop. On n'a donc pas du tout commencé par le Black et le hip-hop [NDLR : il va falloir rappeler à l'ordre la presse qui cite vos états d'armes passés ; exemple. Il va aussi falloir encore plus éviter la Bourdieusienne circulation circulaire de l'information en ne lisant plus rien avant l'écoute d'un groupe - mea culpa]. Il y a de très fortes chances qu'on explore d'autres styles dans le futur, dans d'autres formations, vu que c'est un peu chiant de s'enfermer dans un carcan. C'est un peu dommage de rester cloisonné dans un style, c'est bien d'aller voir ailleurs et de dépasser ses limites en sortant de sa zone de confort.
"Un certain plaisir à utiliser le nom comme un contresens"
Dans votre duo, comment se répartissent les rôles (écriture, composition, exécution) ?
Val : Dans le disque, c'est toujours Bat qui fait la carcasse du texte et de la musique et après je rajoute la guitare et on retravaille le tout à deux. Pour les nouveaux morceaux, on bosse différemment, il y en a que l'on travaille directement à deux, et puis j'ai aussi écrit des morceaux.
Dans le rock, le nom d'un groupe est important, souvent déterminant pour la suite. Comment avez-vous choisi le vôtre ? Faut-il le prendre au premier degré ?
Val : Il ne faut pas le prendre au degré. À la base, ça vient d'un été ou on été partis à Berlin avec nos potes Maumau et Fazz. On parlait de l'idée de faire une chorale oï qui s'appellerait les OI BOYS, pour pouvoir jouer dans les rues et se faire des vacances qui ne coûtent rien. Ça nous faisait bien marrer et le nom est resté.
Bat : J'éprouve un certain plaisir à utiliser le nom comme un contresens. Il y a un décalage entre le nom et la musique qui sonne presque new wave [Noï Wave ? Je rigole, NDLR]. On a remarqué qu'il y a toujours quelques personnes du milieu punk/oï! qui se disent anticonformistes mais qui ont du mal à se détacher de certains codes. Ça me fait plaisir de les titiller.
La musique Oï ! est souvent associée à des mouvements skinheads ou aux punks radicaux. Où vous situez-vous ? Quelle part accordez-vous à la dimension politique dans votre propos ? N'est-ce parfois pas dangereux d'être sur le fil du rasoir ?
Bat : Nous, on est de gauche extrême [Me voilà rassuré, NDLR], on a toujours squatté dans la scène punk de gauche, j'ai même joué dans des groupes red skin. On n'a jamais été skins, on est juste deux mal fagotés qui n'aimons pas trop les étiquettes, mais il n'y a jamais eu d'ambiguïté chez nous, tout le monde [sic] sait de quel bord on est. Nos textes ne sont pas militants, ils sont axés sur nos émotions et nos états d'âme, mais ça n'est pas apolitique puisqu'on pense que tout est politique.
Val : On n'est pas sur le fil du rasoir, on est de gauche et on ne s'en cache pas. Si les gens trouvent le nom tendancieux, y'a juste à retourner le disque et regarder les labels pour savoir où on se place.
En concert, qui compose votre public ? Comment est l'ambiance ?
Val : On a fait trop peu de concerts pour pouvoir te donner des statistiques précises, surtout qu'on a joué deux fois à Metz et que c'était essentiellement composé de potes. Mais j'ai l'impression que c'est de manière générale le public des concerts alternatifs (scène Punk, Hardcore/punk, Noise, etc.).
Selon vous, peut-on parler d'un revival de la Oï ! ?
Bat : Oui, on peut en parler grâce aux groupes RIXE, UTOPIE, LITOVSK, ZONE INFINIE, CONDOR, SYNDROME 81... Il y a une belle scène hexagonale et pas mal de ces groupes ont un son qui tire vers la cold wave. Nous, on ne prétend pas spécialement faire partie de cette scène, du moins on s'est jamais posé la question, mais on s'en sent proche. D'ailleurs on va faire des tournées avec certains de ces groupes ! Il y a un super article d'un mec de LITOVSK là-dessus.
Quelles sont vos influences ?
C'est ultra large, on a une bonne trentaine, et nos influences ne cessent de s'élargir... Ça va de D-PRIME 97 à The EX.
Avez-vous déjà écouté des groupes français des années 80 (WUNDERBACH, CAMERA SILENS, TROTSKIDS, compilations Chaos en France) ou du début 90 (MOLODOÏ) ?
C'est toute notre jeunesse.
Sur votre album, quelques passages vocaux offrent de beaux moments apaisés. Envisagez-vous que les textes soient un jour chantés dans une optique plus mélodique, plutôt que dans la scansion puissante ?
Val : C'est marrant que tu parles de ça, parce que nous on trouve qu'on a des voix ultra mélodiques, d'habitude on gueule plus... Après, pour le futur, rien n'est à exclure...
"Vous avez tout faux"
La pochette vous montre tous les deux sur une statue, digne d'un monument aux morts. L'un est masqué tel un Anonymous ; l'autre, à visage découvert, paraît plus décontracté (bien qu'aux aguets), en bermuda. Quelle est cette statue ? Que symbolise-t-elle pour vous ? Comment interpréter vos poses ? Avez-vous souhaité faire passer un message par cette photographie en noir & blanc ?
Bat : Pour commencer vous avez tout faux [Ouch ! Gros coup pour l'ego, NDLR]. C'est en bleu et gris et pas noir et blanc [Désolé ; précisions : pour l'écoute de l'album, nous avons seulement reçu des fichiers ; aussi, pour voir la pochette, il a fallu aller sur votre Bandcamp. Pas génial pour se faire une idée du rendu final. Je ne devais pas avoir le bon réglage sur l'écran. Sur Discogs, les photos sont même en marron et noir, limite sépia, NDLR], ce n'est pas un bermuda mais un short [NDLR : Désolé de nouveau, je ne pensais pas avoir affaire à des esthètes complets ; portez-vous aussi des pantacourts ? ], ce n'est pas un masque d'anonymous mais celui d'un bébé mal fait [C'est vous qui le dîtes, NDLR], hahaha. Ensuite, c'est bien un monument aux morts [Ouf ! Me voilà rassuré ! NDLR], c'est aussi le point de ralliement des roads, notre boulot à côté de la musique et du dessin. On voulait une statue parce que ça représente bien le côté froid de notre musique et parce qu' on la voit presque tous les jours. C'est à l'entrée de Metz. Il n'y a rien à interpréter dans nos « poses » [C'était juste une question, sans aucun jugement derrière ce mot ; tout peut faire signe et sens, NDLR], on est allé faire les cons dessus et un pote a pris plein de photos et celle-ci c'était la mieux.
Val : J'ai choisi de mettre un masque parce que je n'avais pas envie d'avoir ma tronche sur des disques et surtout c'est une référence aux Bérus [Un bon point pour toi mec !, NDLR], il y avait toujours Loran avec des masques chelous et François à visage découvert. On trouvait ça beau de montrer que sur ce projet c'était deux potes. On a même fait des photos ou Bat a écrit oi boys sur la dent, ça c'est une référence à LUKRATE MILK, un de mes groupes préférés [Un autre bon point pour toi mec !, NDLR].
I love you fuck off
Vous êtes encore jeunes et pourtant, nombreux sont vos textes évoquant amis ou illusions perdus, souvenirs aux accents presque commémoratifs. Vous sentez-vous gagnés par la nostalgie ?
Bat : 35 ans, c'est plus si jeunes, mais sans parler d'âge, tu peux à n'importe quel moment de ta vie ressentir de la nostalgie, même par rapport à des trucs que t'as pas connus, ressentir un manque à l'intérieur de toi ou te dire que t'as foiré quelque chose.
Qui sont les mortes idoles évoquées dans une chanson ?
Bat : C'est Ian CURTIS. La chanson parle des mecs comme lui qui sont beaucoup plus jeunes que toi et beaucoup plus talentueux, et du coup de vieux que ça fait de se rendre compte de ça. Ça parle aussi d'élever au rang de génie des musiciens qui meurent jeunes et qu'on en fait peut être trop facilement des martyrs, du fait d'être attiré par des personnes paumées et par l'autodestruction.
Que représente Jack PALLANCE pour vous ?
Bat : C'est tout le contraire de moi, il ressemble à un requin blanc et moi à un poisson-clown.
La chanson La liste semble s'adresser à quelqu'un avec qui vous auriez pu partager une expérience musicale et qui serait devenu mainstream. Est-ce le cas ? Faut-il y déceler de l'aigreur ? De la rancoeur ?
Val : Non c'est pas quelqu'un avec qui on a partagé une expérience musicale, c'est sur un mec à qui Bat a demandé une liste de contacts pour terminer de booker une tournée dans les pays de l'est et qui a refusé de lui filer en disant qu'il faisait pas tourner sa liste de contacts. Nous, on vient de la scène alternative où il y a une grande solidarité et pas mal d'entraide, tout le monde se file la main pour se refiler les bons plans pour tourner à l'étranger. Là, il a pris Bat de haut, c'est pas un état d'esprit qu'on défend...
Parlez-nous de votre ville, Metz. Existe-t-il une scène rock importante (groupes, lieux, disquaires, fanzines, radios associatives...) ? Comment y vit-on au quotidien en tant que musicien ?
Bat : Comme la plupart des villes de taille moyenne, il y a une scène rock avec plein d'excellents groupes. On n'a pas à se plaindre de ce côté, mais ces derniers temps la scène a beaucoup bougé. Comme partout j'imagine. Mais plein de nouveaux groupes sont en train de se former. On a grandi sous le règne du Metz de Combat rock (CHARGE 69, PKRK), mais on s'en détache.
Val : Ce qui est beau à Metz c'est qu'il n'y a pas de frontière entre les scènes et y'a beaucoup d'entre-aide. La scène punk va au concert de la scène noise, qui vont voir les concerts des métallos. Tout le monde est copain, et ça se mélange, même pour monter des groupes. On est vachement fier d'avoir eu des groupes comme Le SINGE BLANC, A.H KRAKEN ou STRONG AS TEN.
Vous sentez-vous proches d'autres groupes français actuels ? Qu'avez-vous en commun et que partagez-vous ?
Oui, on se sent proches des groupes actuels comme ZONE INFINIE, UTOPIE, KRONDSTADT, SYNDROME 81. Je pense qu'on a en commun pas mal de choses, des influences, une vision de la musique, une esthétique, des copains, on joue souvent dans les mêmes lieux.
Quel est l'avenir des OI BOYS ? Nouvel album ? Tournée ? Line-up plus étoffé ?
On prépare une tournée du 29 octobre au 7 novembre avec UTOPIE et LTOVSK et on prévoit des dates avec ZONE INFINIE pour fin novembre [Au moment où nous publions ce papier, toutes ces dates citées ont - espérons-le pour les groupes et le public - dû avoir lieu, NDLR], toujours avec Alex à la basse et Bastos a la batterie. On compose un deuxième album, à deux, mais on ne se met pas la pression, on prendra le temps qu'il faudra.
Article et propos recueillis par La SCANDALEUSE
(début octobre 2021)
Questions taquines, remise en forme
& nombreuses NDLR crochettées : bingO
(15 décembre 2021)XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
OI BOYS. Oi Boys (Les Disques de la Face Cachée et al., 2021)
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Pour prolonger...
OI BOYS : Bandcamp
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Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #745 (29/09/2021)
Wild card #001 - Carte blanche aux OI BOYS (03/11/2021)
Rock à la Casbah #756 - Retro-best of 21, Vol. 1 (22/12/2021)
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Photographies : RONIN / Molokompet Studio, DR.
Carte postale from Metz : Clément M. / CHARON.
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