MOUNTAIN MOVERS : What a wonderful world !

Chronique musicale (2021)
          Le nouvel Everest sonore et sonique des MOUNTAIN MOVERS a tapé dans l'oreille de notre pointilleux chroniqueur Eric F. Le monde est merveilleux.

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 « À force de persévérance, n'importe qui
peut parvenir à déplacer une montagne »

          Ce proverbe tibétain va à ravir aux MOUNTAIN MOVERS, et pas seulement à cause de leur patronyme. Mené par le chanteur-guitariste Dan GREENE, le quartet de New Haven, Connecticut a démarré sa carrière avec une succession d'albums convaincants versant dans un rock indé teinté de subtiles notes psychédéliques, sans se démarquer particulièrement de la (rude) concurrence pour autant. Mais l'arrivée de la guitariste Krissy BATTALENE en 2012 a radicalement changé la donne. Depuis, le groupe a sorti l'excellent Death magic en 2015, avant de signer pour Trouble In Mind Records, débutant par là même une impressionnante mue sonique. Désormais capable de faire cohabiter des embardées telluriques avec des passages beaucoup plus apaisés, voire presque ambient, le groupe est surtout devenu un véritable monstre de puissance grâce à l'indéniable complémentarité de ses deux guitaristes, soutenus par une section rythmique Ross MENZE – Rick OMONTE digne d'un mastodonte.
 
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Uppercut aux dinosaures

Les MOUNTAIN MOVERS signent donc ici le troisième volet de leurs aventures chez le label de Chicago, véritable nec plus ultra qui abrite une bonne partie des groupes les plus enthousiasmants du moment (David NANCE, POSSIBLE HUMANS, FACS, entre autres). Et le moins qu'on puisse dire, c'est que World What World ne perd pas de temps avant de nous livrer ses premiers uppercuts. Tabassé d'entrée par une guitare lead stridente, I wanna see the sun évoque un DINOSAUR JR. où J. MASCIS aurait enfin fini de faire mumuse avec ses solos pour se concentrer sur son songwriting, qui ronronne déjà depuis plusieurs albums. Ici, pas besoin d'empiler les Marshall stacks pour se faire entendre. Et si la voix de Dan GREENE surnage difficilement, elle se fait néanmoins inquiétante, mettant un personnage à la recherche du soleil et d'« innocent pleasures » face à un serpent hautement biblique qu'il doit tuer. De ses trois courtes mais intenses minutes, l'ouverture abrasive de World What World fait figure de profession de foi : il ne sera cette fois-ci pas question de se perdre dans des improvisations interminables comme sur les précédents Mountain Movers et Pink Skies.

Une pause s'impose

Ce n'est pas pour autant que la traversée de cet album se fera en ligne droite, comme le démontre rapidement un Final sunset qui semble avoir commencé bien avant le début de la plage. Aussi brutal qu'éprouvant, ce morceau sans concessions joue sans vergogne les apprentis Frankenstein avec le cadavre du krautrock. Peut-être conscients de nous avoir secoué un peu trop vite et trop fort, les MOUNTAIN MOVERS baissent un peu le pied et remisent au placard leurs effets les plus noisy le temps de Then the moon et Haunted eyes, deux belles bluettes plus proches de l'esprit des débuts du groupe, malgré le final aussi haletant qu'implacable de Then the moon. Peu décontenancés par cette approche plus légère, GREENE et BATTALENE rivalisent d'inventivité et nous offrent une belle collection d'arpèges et d'accords plaqués en son clair, étirés et apaisés. Profitant de l'accalmie, la voix de DAN GREENE peut enfin sortir du bois.
On entendra alors qu' après le serpent, la quête du protagoniste le verra croiser tout un casting de personnages à mi-chemin entre le médiéval et le fantastique : des chevaliers, des lanceurs de couteaux, des personnes masquées, et même des dragons. Soit le même univers que GREENE utilise dans ses peintures, dessins et collages au style facilement reconnaissable.
 
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Olympe guitaristique

Une fois les batteries rechargées, l'ascension peut donc reprendre. Un peu tordu mais néanmoins élégant, l'instrumental Staggering with a lantern relance les hostilités avec brio et sans trop forcer. Tout en faisant preuve d'une sacrée maîtrise, les MOUNTAIN MOVERS suspendent le temps en jouant avec les textures sonores et nos émotions. Si elle renoue avec la fée électricité avec brio, la face B de l'album se révèle également plus directe et propose avec Way back to the world un hymne neilyoungien à la structure basique et portée à bout de bras par l'impressionnante démonstration larsenisée de Krissy BATTALENE sur un break phénoménal. Parfaitement mise en avant, la basse de Rick OMONTE n'est pas en reste non plus, et insuffle un supplément d'élan non négligeable à ce morceau imparable. Mais ça ne serait presque rien par rapport à A flock of swans qui clôture l'album et pousse encore plus loin le concept de pop song martyrisée. Ne tenant pas en place, le groupe retarde l'échéance avec une joyeuse insouciance, pendant que Krissy BATALENE ajoute de délicieux backing vocals. L'inévitable et tant attendu décollage arrive enfin, et le groupe nous offre un dernier aller simple vers l'Olympe guitaristique.
Si elle peut faire penser à Elisia AMBROGIO (MAGIK MARKERS, SIX ORGANS OF ADMITTANCE) dans son approche aussi libre que radicalement inventive de la guitare électrique, BATTALENE fait également preuve d'une maîtrise assourdissante de son instrument et son volume, confirmant une bonne fois pour toutes qu'elle plane largement au dessus de la concurrence, que ce soit avec les MOUNTAIN MOVERS ou HEADROOM, son autre projet, lui aussi mené avec Rick OMONTE et Ross MENZE.

Apocalypse, now ?

Mettant en musique un rêve nous portant vers des contrées fantastiques et évidement haut perchées, World What World est aussi le disque d'un dur réveil à la réalité, où notre monde tourne au ralenti tout en se déshumanisant : « And the markets have all been shut down / The hospitals have all been shut down / The people talk themselves to sleep / On the cold floors of the basement ». Si l'absence de point d'interrogation au titre de l'album permet plusieurs niveaux de lecture à celui-ci, une chose est sûre : pour peu que la pandémie de Covid soit en partie responsable d'un tel chef d’œuvre, les MOUNTAIN MOVERS seront la bande son idéale de la prochaine apocalypse terrestre. Après eux, le déluge.
 

Eric F.

(03 septembre 2021)

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MOUNTAIN MOVERS – World What World (Trouble In Mind Records, 2021)
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Pour prolonger...

MOUNTAIN MOVERS : Bandcamp
MOUNTAIN MOVERS : Tumblr
MOUNTAIN MOVERS @ The World Famous 7-16-17

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Photographies : Eric F.
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Illustrations : Daniel GREENE
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