Les confessions d'une romancière qui, lors de la découverte du nouveau DINOSAUR JR., préfère dynamiter l'ordre des chansons.
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On a tous nos petites manies, parfois étranges, souvent inexplicables. L’une des miennes est devenue une sorte de rituel qui, si je ne l’exécute pas, me gâte le plaisir. Rien d’inavouable, promis, mais sans doute un peu singulier : lorsque je découvre un album, il me faut absolument effectuer la première écoute en mode aléatoire. Sans quoi j’ai l’impression que la magie n’opèrera pas.
Je sais, c’est pas hyper sympa pour ceux qui se sont décarcassés à organiser l’ordre d’apparition des morceaux, tisser un canevas, réfléchir aux transitions. Et j’imagine que je serais moyennement exaltée si un lecteur venait m’avouer, la bouche en cœur, qu’il avait lu mon dernier roman sans respecter l’ordre des chapitres. Quoique, ce pourrait être cocasse…
Tomber amoureuse
Bref, j’ai écouté Sweep It Into Space en mode random, et c’est Garden qui m’a chatouillé les tympans en premier. Alors, il s’est passé quelque chose. Physique, ou spirituel, je ne sais pas. Souvent, lorsqu’un morceau me trouble, j’ai presque la sensation de tomber amoureuse. Enfin, pas tout à fait, parce que j’y comprends rien à l’amour. Mais il y a ce truc chimique en moi qui vibre, quasi sensuel, totalement inexplicable.
Cependant, autant le préciser tout de suite, Garden ne révèle en rien la tonalité de l’ensemble de l’opus. Et c’est probablement pour cette raison qu’il ne se trouve pas en ouverture. Garden, c’est du Lou BARLOW quasi pur jus (sa voix, son rythme, ce rugueux qui lui est propre – qu’on déniche également sur You Wonder), mais c’est aussi du DINOSAUR JR. ! Parce que la particularité des productions du trio tient sans doute au fait que chaque membre s’y exprime. Les voix, les sonorités et les tempos s’alternent et se mêlent (oui, j’ai fini par écouter l’album dans l’ordre) et cousent un harmonieux habit musical. On retrouve les riffs saturés de Jay MASCIS qui grattent le tympan comme un ronronnement de chat sauvage agacé, la basse doucement brute de Lou BARLOW, les implacables beats de MURPH à la batterie.
Une fois encore avec cette formation (DINOSAUR JR. n’a pas toujours été composé des mêmes membres – l’histoire serait trop longue à raconter), on savoure du bon rock indé, un poil grunge sur les coutures, dans la lignée de leurs précédentes productions tout en suivant l’évolution de parcours de chacun. C’est foutrement efficace et sans artifice, mais il ne faudrait pas se laisser berner par l’apparente simplicité des compositions. Il n’y a qu’à voir (écouter) les doigts de Jay MASCIS tricotant les cordes de sa guitare avec l’agilité d’un arachnide afin de nous livrer ses toiles de sons imparables.
Tout envoyer valser et remuer son corps
J’avoue avoir un faible pour les alternances de rythmes/phrasés sur certains titres (Garden, Take it back, You Wonder, entre autre) et pour les humeurs aux couleurs changeantes de cet ensemble voyageant de l’énergie rageuse au martellement d’un spleen mélancolique, en passant par des épisodes de fougue qui donnent envie de tout envoyer valser et remuer son corps, même mal, surtout mal, parce qu’on s’en fout, personne ne regarde !
Enfin, il ne me paraît pas inutile de mentionner que Kurt VILE est aux manettes avec Jay MASCIS côté prod. VILE pose également sa patte sonore sur certains titres – voix ou guitare douze cordes (Ah ! je ne me lasse toujours pas de son espiègle Pretty Pimpin sur l’excellent B'lieve I'm Goin Down… sorti en 2015). Ainsi, nous voilà sans conteste, avec Sweep It Into Space, face à un petit joyau brut qui séduit sans rond de jambe ni effet de manche.
Et je parierais sans crainte mon maigre pécule sur le fait que les DINOSAUR JR. sont loin, très loin, d’être en voie d’extinction.
Marlène TISSOT
(28 mai 2021)
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DINOSAUR JR. Sweep it into space (Jagjaguwar, 2021)
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Pour prolonger...
DINOSAUR JR. : site web
Lou BARLOW : version acoustique de Garden
DINOSAUR JR. : vidéo-clip de Take it back
DINOSAUR JR. : chaine Youtube
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Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #734 (05/05/2021)
Dans nos archives écrites :
Chronique de l'album Brace the wave de Lou BARLOW (2015)
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Photographies : Eric F., Jagjaguwar, bingO & DR
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