MJ LENDERMAN : l'homme pressé

Chronique (2024 / 2025)
          Il était temps de chroniquer Manning fireworksle quatrième album du productif MJ LENDERMAN, sorti juste avant l'automne 2024.

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          À vingt-cinq ans, Mark Jacob LENDERMAN est un homme pressé. Depuis que son groupe WEDNESDAY a sorti l'admirable Rat saw god il y a un peu plus d'un an, le natif d'Asheville en Caroline du Nord n'a pas vraiment eu le temps de souffler : un album solo plus que réussi (Boat songs) suivi d'un album live décoiffant (And the wind – live and loose !), sans oublier une collaboration acclamée avec Katie KRUTCHFIELD sur le chouette dernier album de WAXAHATCHEE, Tigers blood. Suffisant pour fatiguer notre homme ? Pensez-vous ! Alors qu'il annonçait que WEDNESDAY avait fini de mettre en boîte son nouvel album (vendu comme encore meilleur que Rat saw god, diantre !), MJ LENDERMAN sortait juste son quatrième album solo, Manning Fireworks, début septembre 2024.

Malgré ce rythme effréné, toujours pas le moindre faux pas dans la musique de l'américain, qui parfait encore plus sa maîtrise des codes du rock indé et du folk. Malgré son faible pour les grands chanteurs indie folk décédés (on pense très fort à Jason MOLINA et Mark LINKOUS), on reliera plus que jamais MJ LENDERMAN à Neil YOUNG. Comme un écho à l'album Comes a time, chaque face de ce Manning fireworks démarre par un titre délicieusement rustique et rehaussé de violons, ici assez inhabituels (Manning fireworks et Rip torn).
On pourrait également lier certaines punchlines assassines au grand Johnny CASH : "One of these days you'll kill a man, for asking a question you don't understand” ou encore “You've been high on the hog, and the dogs seem to hate you, you once was a baby, and now a jerk” sur Manning fireworks. Ces influences aussi prestigieuses que parfaitement digérées nous laisseraient presque croire que Manning fireworks est l’oeuvre d’un vieux de la vieille, à qui on ne la fait pas.
 
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Peut-être que ce coup de vieux prématuré peut aussi s'expliquer par la rupture de LENDERMAN avec Karly HARTZMAN, la chanteuse de WEDNESDAY. Si ce split ne remet pas pour autant en question l'existence du groupe (dieu merci !), il semble avoir inspiré une bonne partie des paroles du disque. L'ultra-efficace single She's leaving you (avec des choeurs de… Karly HARTZMAN) et son introduction assassine (“You can put your clothes back on, she's leaving you”), pourrait être une chanson ouvertement autobiographique… Mais on a finalement droit à un joli pied-de-nez tant on a du mal à imaginer LENDERMAN s’acheter une Ferrari et écouter du blues en clamant haut et fort qu’Eric CLAPTON est le Christ réincarné. Quoi qu’il en soit, le morceau ne souffre d’aucune contestation possible et est assurément un des plus beaux singles entendus cette année. Du genre à vous attraper dès son entame et ne vous laisser aucun autre choix que d’appuyer sur la touche repeat une fois arrivé à sa conclusion. Construction implacable, refrain entêtant, solo de guitare ébouriffant, tout le cahier des charges d’un morceau absolu est respecté à la lettre.
 
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mjl4.jpeg, by Bingo

C’est loin d’être le seul grand moment du disque. On pourra également évoquer le magistral On my knees  sec comme un coup de trique, qui annonce le meilleur dès son intro de batterie. Un titre du genre à attendre patiemment le retour des frangins GALLAGHER pour mieux botter leurs fesses. D’une urgence folle, On my knees a tout pour devenir un morceau de bravoure dans le set de l’américain, à l’image du pétaradant Tastes just like it costs sur le précédent Boat songs. C’est encore plus réjouissant quand on réalise que les paroles mettent en scène un personnage en pleine crise de confiance, fortement éthylique ("And I’m speaking in tongues, Those hicups don’t quit, I had a thought but I forgot, Like a train on a burning bridge"). Les peines de cœur et un certain penchant prononcé pour la bouteille sont d’ailleurs les deux thèmes centraux du disque, même si sa réalisation traduit tout sauf un groupe trop bourré pour jouer correctement.

On sent d’ailleurs une certaine progression au niveau de la production, qui n’a plus grand-chose à voir avec les débuts ouvertement lo-fi de notre homme. Mais MJ LENDERMAN n’est pas pour autant allé se renier, et assure parfaitement la transition avec son précédent album. On entend dès le second morceau (Joker lips) un funk de blanc bec(k) qui n’aurait pas dépareillé sur Boat songs. On retrouve aussi Rudolph, morceau déjà sorti dans des versions différentes sur un single avant-coureur et son album live. On ignore si le Rudolph évoqué ici est le célèbre renne du Père Noël ou bien un ivrogne du même nom (ils ont après tout tous les deux un nez rouge). Quoi qu’il en soit, LENDERMAN en profite pour perpétuer sa tradition des citations de Bob DYLAN, après avoir évoqué Knocking on heaven’s door sur le single Knockin’ : « How many roads must a man walk down ‘til he learns, He’s just a jerk who flirts with the clergy nurse til it burns ».
Comme sur la plupart des morceaux du disque, on trouve ici une impressionnante faculté à faire mouche avec des chansons simples mais puissantes et particulièrement malines, capables de magnifier des situations de lose absolue et nous rendre presque sympathiques des personnages peu fréquentables (délicieuse théorie qui stipule que Manning fireworks, la chanson, parle de Donald TRUMP).

Réussi de A à Z, l’album se conclut avec audace par un Barking at the moon, et son long drone final de sept minutes, permettant au morceau d’atteindre les dix minutes. L’histoire ne dit pas si c’est une simple fantaisie, de la complaisance ou bien la volonté de retarder au maximum le moment final de Manning fireworks. On pardonnera facilement cette bizarrerie tant MJ LENDERMAN réussit avec insolence tout ce qu’il entreprend. Pourvu que ça dure !
 

Éric F.

(11 février 2025)

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MJ LENDERMAN. Manning fireworks (Anti-, 06/09/2024)
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Pour prolonger...

MJ LENDERMAN : Bandcamp
MJ LENDERMAN au Tonight show de Jimmy FALLON

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Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #860 (25/09/2024)

Dans nos archives écrites :
It's WEDNESDAY, I'm in love, par Éric F. (16/06/2023)

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Photographies : Éric F.
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