The GOON SAX ou la tyrannie du management moderne

Chronique musicale (2021) / Quelques baisers
          Si les membres de The GOON SAX n’ont pas d’amertume à la sortie de l’été, c’est qu’ils ne se rendent pas compte. Ils n’imaginent pas à côté de quoi ils sont passés. Ce jeune trio de new wave psyché devait publier l’un des albums les plus excitants de l’année 2021 avec Mirror II. À la place, ils livrent un disque inégal capable de tutoyer les étoiles tout en ayant les deux pieds dans l’abîme.
 
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         À l’origine, une bonne fée s’est penchée sur le berceau de The GOON SAX. Quand le leader du groupe est le fils de Robert FORSTER, emblématique chanteur de The GO-BETWEENS, alors la vie est tout de suite plus simple. Comme beaucoup de groupes émergents, Louis FORSTER, James HARRISON puis Riley JONES se sont rencontrés dans leur adolescence pour faire un groupe de rock fun et sans prétention.
Bien que le groupe ne fasse jamais référence au papa FORSTER, les ingrats. Bien que Louis confesse que jeune, il n’avait jamais vraiment écouté The GO-BETWEENS, le menteur. Il faut noter sans être malveillant que The GOON SAX signa un premier album sur le label Wichita et que toutes les bios et les articles débutent par cette filiation.
Grand échalas au visage fin et anguleux soutenu par un regard de basset. Crinière gominée couleurs corbeaux, Louis FORSTER a la gueule pour faire de la cold wave dépressive ce que confirme le rythme blasé et flegmatique de son flow. Qu’il le veuille ou non, le jeune FORSTER a tout du leader charismatique.
Avec un peu d’effort, on décèle même une ré-incarnation pop et healthy d’un Shane MacGOWAN (leader édenté des POGUES). Et pourtant….
 
Ces fausses notes laissent vraiment un goût amer au terme de l’écoute

La musique de The GOON SAX est une wave pop lo-fi et indolente avec plein de bizarreries, de cassures de rythmes et d’audace. Après deux premiers albums très promoteurs signés chez Wichita Recording, The GOON SAX change de braquet en signant sur Matador Records et en enregistrant Mirror II avec les producteurs John PARISH (PJ HARVEY) et Geoff BARROW (BEAK et PORTISHEAD) aux manettes.
Au printemps 2021, The GOON SAX a laissé filtrer un premier single enthousiasmant (In the stone). On retrouve le chant flegmatique presque anglais de Louis FORSTER, les interludes en canon avec Riley JONES et à cela s’ajoutent de nouvelles sonorités new wave très eighties. Sous le charme, j’attends avec impatience Mirror II qui dans l’ensemble ne me déçoit pas.
L’album est plus produit, il y a moins d’audace et de bricolages, les sonorités sont moins naïves, mais The GOON SAX passent un cap comme beaucoup de groupes qui signent dans une major.
Plus mainstream, Mirror II navigue entre la psyché wave (Psychic), l’art pop incarnée par PARQUET COURTS (Bathwater) et des tubes pop wave implacables (In the stone, The chance). Seule déception, les titres abandonnés au chant douteux de James HARRISON (Temple, Carpetry et Caterpillar). Ces fausses notes laissent vraiment un goût amer au terme de l’écoute.
 
L’idéologie passe avant tout

Je ne m’en remets pas. Pourquoi ce sabotage ?
J’ai d’abord pensé à une sorte de snobisme de musicien. Une provocation pour nous dire « si vous ne comprenez pas, c’est que vous ne comprenez pas la musique ». J’ai ensuite douté de mes goûts. Finalement, c’est en lisant une interview du trio que j’ai décelé l’origine du mal.
The GOON SAX est une nouvelle victime de la tyrannie de l’égalité qui veut que tous et toutes gardent la même place dans un collectif. En effet, le webzine Aquarium Drunkyard ouvre son interview par cette question : « This seems like a really democratic kind of band, where all three of you write songs and you switch instruments. How did it evolve that way ? ». En réponse, Louis FORSTER confesse qu’ils jouent de tous les instruments, se partagent les compositions. Tout le monde doit trouver la lumière. Pas de leader chez The GOON SAX, qu’il voit comme un groupe de plus en plus ouvert à toute forme d’expérimentation.
Tant pis si Louis FORSTER est charismatique. Tant pis si James HARRISON chante comme une casserole. L’idéologie passe avant tout.
 
La culture comme le sport sont-ils solubles dans la démocratie ?

En musique comme en sport, on a besoin de solistes, de créatifs, d’incarnation et de besogneux. C’est comme ça, certains bossent pour que d’autres brillent. C’est peut-être injuste, mais la démocratie n’y trouvera jamais sa place.
James qui chante à la place de Louis ou Riley c’est un peu comme si KANTÉ voulait être meneur de jeu à la place de MBAPPÉ. C’est impensable.
Mais qu’a fait l’entraineur ? Oups le producteur !

 

M.Arty

(08 octobre 2021)

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THE GOON SAX. Mirror II (Matador Records, 2021)
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Pour prolonger...


The GOON SAX : Temple (vidéo-clip)
The GOON SAX : interview sur le site Aquarium Drunkyard

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Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #743 (15/09/2021)

Dans nos archives écrites :
Miroir aux alouettes par bingO (12/10/2021)

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Photographies : Matador
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