L'année 2020 fut particulière - pas besoin d'y revenir - mais cela n'a
ni entaché la créativité des artistes, ni empêché la sortie de très bons disques.
Panorama en 20 points détaillés.
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Baxter DURY. The night chancers (Heavenly / PIAS, 2020)
Chœurs féminins, voix brumeuse au flow désabusé, groove poisseux mettant en valeur la richesse des compositions et la finesse des arrangements de cordes, nous aimons et gardons tout. Du crépuscule à la naissance d’une nouvelle aube, le disque s’envisage comme une déambulation cinématographique. Étranges ou étrangers dans la nuit, avec Baxter DURY, nous sommes les rois. Des filous, des margoulins, prêts à tout. Langoureux, salace mais jamais glauque (Slumlord), il est aussi élégant et oppressant comme du Nick CAVE dans sa période brésilienne (Daylight).
Kevin MORBY. Sundowner (Dead Oceans, 2020)
Après l'audacieux et réussi Oh my God (2019), notre kéké préféré revient à la guitare, folk ou cordes en nylon, au bord du feu de camp. Voix de plus en plus pure, débit dylanesque, compositions coheniennes, ensemble aéré et épuré . Du MORBY classique, certes, mais qui révèle parfois de belles surprises : Leonard COHEN s'en va galoper chez MORRICONE (Brother, Sister) ou une belle déglingue sur l'autoroute, à grand renfort d'harmonica, de grosse caisse et de guitares sauvages (Wander). Notre plus belle vedette actuelle.
The LEMON TWIGS. Songs for the general public (4AD, 2020)
Pas sûr que les deux frangins D’ADDARIO aient écouté des disques post 1974. On pense inévitablement au lyrisme pailleté de BOWIE, à la power pop speedée de BIG STAR, aux fulgurances alambiquées de Todd RUNDGREN, aux harmonies vocales des BEACH BOYS ou de Sir Macca, à l’arrogance glamoureuse des NEW YORK DOLLS, à la gouaille fier-à-bras de Rod STEWART (cf. nuque longue et frange coupée au sécateur).
C’est roublard, poseur et bien emballé, on ne peut qu’être séduit par tant de plumes, de fourrures, de strass, de paillettes et d’électricité.
Nick CAVE. Idiot prayer (Bad Seed Ltd., 2020)
Plus fort que le rock fort, que le COVID 19 et la morosité ambiante réunis, au mois de juin 2020, Nicholas Edward CAVE s'est assis seul, devant un piano dans un palace londonien pour livrer une performance exceptionnelle : chansons récentes, revisitations de ses classiques (dont The Ship song, l'une des plus belles chansons du monde) et même un inédit (dispensable ? ).
INFLATABLE DEAD HORSE. Love songs (We are Unique, 2018 ; rééd. 2020)
Emmené par un chanteur gallois, le premier album d'INFLATABLE DEAD HORSE commence pied au plancher, comme si le GUN CLUB se prenait pour RADIO BIRDMAN (Burn it down). Si par la suite l'ambiance devient plus folk, dans une impressionnante cohésion de groupe, la tension demeure : la frappe du batteur se fait sèche, l'espace de la pièce de prise de son se devine et la voix, évoquant SPARKLEHORSE, Jason MOLINA ou SOPHIA, se fait de plus en plus poignante (A spoonful is enough). Précision : sorti uniquement en vinyl en 2018 et malheureusement peu médiatisé, la réédition CD offre un second souffle à ces chansons d'amour (et de haine ? ).
Matt BERNINGER. Serpentine prison (Caroline Records, 2020)
Avec ou sans The NATIONAL, à la ville comme à la campagne, Matt BERNINGER conserve une voix en or. Un album chaleureux comme un classique et produit de main de maître par le soulman Booker T. JONES (Green onions, c'est lui). L'Amérique rêvée et adorée, c'est maintenant.
Adrianne LENKER. Songs/Instrumentals (4AD, 2020)
Sans graisses saturées ni faute de goût, un album 100% folk, confectionné avec amour et tendresse, en catimini, dans une cabane en pins, dans les contreforts des Berkshire Mountains (Massaschusets). Comment résister à la douceur bucolique et à la voix enfantine de la chanteuse de BIG THIEF ? Elue femme de l'année à la Casbah.
JARV IS. Beyond the pale (Rough Trade, 2020)
Jarvis COCKER revient à ses fondamentaux : arrangements salaces, tension cabotine -quasi exhibitionniste - et groove moite. Le bien nommé Beyond the pale dépasse toutes les limites. Même en restant à la maison, place à la danse !
Bill FAY. Countless branches (Dead Oceans, 2020)
L'idole de Kevin MORBY et de Nick CAVE est de retour. Chef-d'oeuvre, incontestablement.
PERFUME GENIUS. Set my heart on fire immediately (Matador, 2020)
Evanescente et faussement candide, la musique de l'américain Michael HADREAS provoque sur le 5ème album de PERFUME GENIUS une belle rencontre entre Roy ORBISON et la brume de TALK TALK. Précieux, raffiné, du pur travail d'esthète, notamment sur de la pop baroque ornée de cordes et de basses gainsbouriennes (Jason).
Bill CALLAHAN. Gold record (Drag City, 2020)
Même sur un disque qui n'atteint pas les sommets de SMOG (dont il revisite un titre de Knock Knock), Bill C. reste au-dessus de la mélée. Valeur refuge, sa country folk se fait désormais plus matinale que nocturne (Breakfast). Avec beaucoup d'auto-dérision, il se prend même pour Johnny C. et Leonard C. (Pigeons).
LAMBCHOP. Trip (Merge Records, 2020)
Quand l'un des meilleurs groupes du monde rend hommage à Stevie WONDER, aux SUPREMES ou à WILCO : a very good trip !
OPINION. Molly (Flippin’ freak records, 2020)
Un immense vent de liberté et de non respect de l'académisme musical souffle sur les 22 titres du jeune prodige Hugo CARMOUZE, nouvelle gloire locale. L'esprit lo-fi d'OPINION évoque le jeune et bon BECK, le Happening songs des valentinois DIONYSOS ou encore le regretté Daniel JOHNSTON (In white suit)
Jack NAME. Magic touch (Mexican summer, 2020)
Et si le troisième (et plus bel) album du VELVET UNDERGROUND avait un frère jumeau ?
The APARTMENTS. In and out of the light (Talitres, 2020)
Peter WALSH à son sommet de complainte mélancolique. Beau à pleurer.
DOMINIQUE A. Vie étrange (Cinq 7, 2020)
Le premier confinement a quand même eu du bon, en permettant de belles retrouvailles : celles de Dominique A avec lui-même. Prolongement de son hommage textuel à Philippe PASCAL (beau cover de MARC SEBERG) et Papiers froissés.
Matt ELLIOTT. Farewell to all we know (Ici, d'ailleurs, 2020)
Accompagnée d’un violoncelle, une guitare hispanisante se pose sur un tapis de basse. Piano et arrangements électroniques interviennent parfois, en toute discrétion. Voilà qui suffit à Matt ELLIOTT pour créer l’esthétique musicale de l’album Farewell to all we know. A l’image de la superbe pochette, l’humeur du cerveau de The THIRD EYE FOUNDATION n’est pas à la rigolade. Comme chez Bill CALLAHAN (cf. ci-dessus) ou Leonard COHEN (cf. dans de nombreuses notes sur cette page), le tempo est lent et la voix sépulcrale. L’épure musicale et la noirceur du propos se dégustent dans une brume glauque, fantomatique.
SOLARIS GREAT CONFUSION. Untried ways (Médiapop Records, 2020)
La classe de TINDERSTICKS, la langueur des RED HOUSE PAINTERS, la mélancolie brumeuse et cotonneuse du Cello song de Nick DRAKE et quelle voix ! L'Elsass folk d'Untried ways se consomme sans modération.
INTENTA : Experimental And Electronic Music From Switzerland 1981-93 (Les Disques Bongo Joe / Décalé Records, 2020)
Post-punk tropical, jazz tribal, cut-up soniques presque grivois, night-clubbing déglingué... sur cette anthologie de musique électronique d'helvètes underground proposée par une belle paire de labels archéologues, curateurs et curieux, de nombreux territoires sont explorés/explosés. En Suisse, en 1983, probablement dans son obligatoire abri anti-nucléaire, la visionnaire Carol RICH se prenait pour ELLI & JACNO rêvant d'an 2000, d'ère atomique et d'amour(s) sur ordinateur(s).
MAINE IN HAVANA. Maine in Havana (Autoproduction, 2020)
En vadrouille à Montpellier, un portoricain à voix d'ogre embarque sur son navire des musiciens français prêts à revisiter le blues : rage du Black Betty de LEADBELLY, fougue stoogienne en traitement MADRUGADA, claviers baroques brevettés par Raymond MANZAREK. On tient là de bien beaux oiseaux de nuit.
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bingO
(01 janvier 2021)XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #715 (09/12/2020)
Rock à la Casbah #716 (16/12/2020)