Bruits de fusées // TROPICAL FUCK STORM [LIVE]

​​​​​​​Marché Gare, Lyon - 28 septembre 2022
          On n'a pas tenu rigueur à TROPICAL FUCK STORM de ne pas avoir donné de réponse à notre demande d'interview ; pour vous, on était au premier rang de la prestation-secousse des Australiens au Marché Gare (Lyon), le 28 septembre 2022.

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           C'est sous une pluie diluvienne, très appropriée, que Lyon s'apprêtait à accueillir les moites Australiens de TROPICAL FUCK STORM. Un concert qui venait clôturer une tournée européenne pour un groupe à l'actualité chargée (entre un Deep states qui vient de souffler sa première bougie, une collaboration avec KING GIZZARD AND THE LIZARD WIZARD et un nouvel EP, Moonburn) et pourtant, quasi rien de tout cela dans la setlist du soir. Une absence largement compensée par la place prise par l'inaugural mastodonte qu'est A laughing death in meatspace, représentant à lui seul la moitié des titres joués dans un Marché Gare flambant neuf, tout juste remis de sa soirée d'inauguration.
En d'autres termes, tout cela était propice à un retour aux attaques beaucoup plus frontales des débuts, à une époque où TFS ne s'était pas complètement émancipé des DRONES. Ça tombe bien, notre voisine de rangée « aime bien les guitares qui font des bruits de fusée ». Spoiler alert : elle en aura largement eu pour son argent et probablement décollé plus d'une fois.
 

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S e c t i o n   r y t h m i q u e ,  s e c t i o n   d e   c o m b a t

Le groupe débarque sur scène au son du Never tear us apart d'INXS. Même s'il donne l'impression de s'être tiré de son canapé à grand regret avec son combo vieux futal de jogging – pieds nus (cf. photo en haut du papier), Gareth LIDDIARD nous taquine en reprenant très succinctement le morceau de Michael HUTCHENCE & Co. Mais on n'est pas là pour rire. Les choses sérieuses commencent avec un Braindrops au rythme lancinant qui colle encore plus qu'un vieux chewing-gum sous la semelle. C'est poisseux, sale et un peu barge - dans le son, comme dans la construction. Sans forcément pousser le volume dans le rouge d'entrée, TROPICAL FUCK STORM impose déjà un constat évident : on se prend la section rythmique comme un frigo dans la tronche. C'est carré, lourd et sec à la fois. Lauren HAMMEL martèle d'entrée ses fûts comme une possédée. Elle n'arrêtera quasiment pas jusqu'à la fin du concert. Ça n'est pas une surprise en soi, vu qu'elle tient aussi les fûts chez les métalleux de HIGH TENSION, mais ça n'impressionne pas moins. Fiona KITSCHIN, elle, est toujours aussi impeccable, voguant au gré des déferlantes noisy et des accalmies. Le tout avec une aisance et une conviction rarement vues (on se souvient de tous ces concerts des DRONES où la bassiste passait son temps dos au public).
De son côté, Erica DUNN est, quant à elle, toute galvanisée de s'être vue remettre, juste avant la montée sur scène, une guitare spécialement conçue pour elle par la marque Minotaur. À créditer de cris parfois supersoniques (j'ai bien cru que mes tympans allaient y passer plus d'une fois), DUNN a salement mis le feu au dancefloor avec l'improbable reprise disco-punk de Stayin' alive pendant que KITSCHIN s'occupait avec une classe impeccable de revisiter le Ann des STOOGES, dans une version doucement psychédélique, boostée par un monstrueux final noisy. La prestation en simultané des trois vocalistes sur le final du tentaculaire Antimatter animals aura également marqué les esprits. Et non, il n'y a pas que des guitares gargantuesques pour façonner TFS. Outre la section rythmique irréprochable, le trio vocal DUNN-KITSCHIN-LIDDIARD impressionne par son intensité et son volume.
 
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F e u x   d ' a r t i f i c e s   d a n s   l a   m a c h i n e   à   l a v e r

Peut-être est-ce dû au final assourdissant d'Ann, mais un problème technique sur la Jaguar rouge de Gareth LIDDIARD vient complètement ratatiner l'intro de You let my tyres down ? Qu'importe, l'homme au mulet est on ne peut plus réveillé maintenant et se démène comme un beau diable, éructe, et envoie de la foudre dans son vibrato. Le morceau étant au groupe ce que Shark fin blues est aux DRONES : un putain d'hymne sauvage fait pour être beuglé à plein poumons pendant qu'il nous plonge en apnée dans une Australie aussi profonde que whitetrash. Ce que LIDDIARD soulignera fort bien en tentant d'atteindre les aigus déchirants d'Erica DUNN à la fin du morceau.
S'il était plus habitué à être mis en avant par Rui PERREIRA puis Dan LUSCOMBE chez les DRONES, Gareth LIDDIARD a cette fois-ci un alter-ego qui n'hésite pas à empiéter sur ses plates-bandes : développés avec brio chez MOD CON, les riffs de l'Australienne sont aussi rageurs qu'imprévisibles et complètent à merveille l'arsenal sonore de LIDDIARD, qui n'hésitera pas à triturer les boutons de ses pédales d'effets dans de longues embardées à la fois psychédéliques et noisy.
Lancé dans ses moments les plus étourdissants, TROPICAL FUCK STORM semble inarrêtable et largement au-dessus de la concurrence. C'est on ne peut plus flagrant sur un Rubber bullies porté par la basse langoureuse de Fiona KITSCHIN qui distille ses goutes de poison dans un buildup au couteau, avant son final paroxystique, nouveau prétexte à un feu d'artifice sonique sanglant.
Lançant avec parcimonie ses attaques, entrecoupées par des passages plus posés, dont le très chouette Legal ghost (un des tous premiers morceaux de la brillante carrière de Gareth LIDDIARD, revisité sur Deep states), le quatuor de Melbourne livre une prestation impeccable qui démontre sa propension à jouer avec les ambiances et les tempos. On succombe à ce maelstrom sonore ahurissant et hypnotique, que ça soit via l'enchainement plombé Chameleon paint – Antimatter animals ou bien l'impitoyable Paradise clôturant le set, tout en montagnes russes le long de ces dix minutes nerveusement éprouvantes, l'écho sur la voix de Gareth LIDDIARD accentuant cette impression de claustrophobie, la tête coincée dans la machine à laver, lancée à fond les ballons.
 
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U n   c h i e n   q u i   s e   f r o t t e   c o n t r e   t a   j a m b e

Ça n'était pourtant pas suffisant pour le public lyonnais, demandant avec avidité des rasades de décibels en rab. Un appel parfaitement entendu par TFS qui revient sur scène pour interpréter le superbe Lose the baby de LOST ANIMAL. Portée par l'interminable intro de Lauren HAMMEL, le morceau se passe de la guitare d'une Erica DUNN cantonnée à ses claviers, et ne perd pourtant rien en intensité. C'est parfois un peu en roue libre, mais comme le chat étrange de la pochette de Moonburn (nouveau single étrangement absent du concert), mais ça retombe toujours sur ses pattes.
C'est bien sûr à un morceau de A laughing death in meatspace que reviendra la tâche de terminer ce concert. Le dystopique Two afternoons nous entraine dans les dernières respirations d'une humanité qui s'est coltinée l'apocalypse sous un soleil de plomb. Et ça s'entend : les guitares s'embrasent une nouvelle fois jusqu'à une explosion quasi littérale : Gareth LIDDIARD se retrouve seul sur son radeau, murmurant des prières incompréhensibles, à moins qu'il n'essaye juste de respirer. Preuve de la générosité du groupe, ces dix minutes furieuses livrées après un set qui n'avait pourtant pas manqué de moments marquants.
«Parce que le temps nous harcèle plus que jamais, comme un chien qui se frotte contre ta jambe»  lance LIDDIARD sur Braindrops. Il y a effectivement eu ce sentiment d'urgence absolue tout du long d'un concert qui n'aura laissé personne s'en sortir indemne. Donnant l'impression d'avoir foutu les doigts dans la prise pendant une heure vingt (et nous avec), TROPICAL FUCK STORM a confirmé avec brio sa place singulière sur l'échiquier du rock. Il n'en a pas fini de trembler.

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Éric F.

(18 novembre 2022)

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Pour prolonger...

TROPICAL FUCK STORM en live
au Marché Gare de Lyon (28/09/22) : 
     Rubber bullies
     Chameleon paint
     Lose the baby

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Dans nos archives écrites :
Dystopie or not to be ? (01/10/2021)
Braindrops (18/10/2019)

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Photographies : Estelle & Éric F.
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