VENTRE DE BICHE

Viens Mourir (Teenage Menopause Records) // Anton Schaefer
La dernière fois que nous avions eu des nouvelles du label Teenage Menopause Records c'était avec leur précédente sortie : l'excellent "Rise" de Jessica93, album majeur qui nous avait frappé par sa froideur brute et son témoignage de notre époque désespérée. Quelques mois se sont écoulés, et alors que nous nous remettons à peine de cette claque débarque l'album (tant attendu) de Ventre De Biche. "Viens Mourir" qu'il s'appelle : une certaine idée de la fête, donc.
Ventre De Biche, alias Luca Retraite, appartient à La Grande Triple Alliance Internationale de l'Est, véritable obédience de groupes plus excitants les uns que les autres : Delacave, Le Chemin De La Honte, Le Chômage, The Dreams, Scorpion Violente... Il résulte de cette filiation un goût prononcé pour les sons crasseux, les rythmes hypnotiques et un stakhanovisme des plus dévoués. La preuve en est le fait que Luca fasse partie d'un nombre assez impressionant de formations : Lésion Blanche, Sida, Charnier, The John Merricks pour ne citer qu'elles. Mais Ventre De Biche s'inscrit surtout dans un triangle infernal qui regrouperait des gars comme Noir Boy George (déjà chroniqué dans nos colonnes) et Colombey, produisant chacun de leur côté une chanson française dégénérée et surtout tétanisante. Il y a dans la musique de Ventre De Biche une urgence, une intention désarmante, des textes qui transpirent les couloirs ternes et tristes d'un CCAS d'une ville de moins de 4000 habitants. Loin d'évoquer la joie de vivre, l'album "Viens Mourir" nous propose des chansons que je n'écoute pas le soir au fond de mon lit, de peur d'avoir des crises d'angoisse concernant mon avenir.
Non, nous tenons là des chansons qui s'écoutent en marchant dans des ruelles sombres sentant un peu trop l'urine alcoolisée pour être honnêtes ; en sortant d'un bar, lorsque tes potes sont déjà loins et qu'il ne te reste plus que les murs environnants pour te soutenir... Certains morceaux sont absolument soufflants : "Mal A La Tête", "Ressers moi" et "Amour Sale" par exemple. Ce qui marque le plus chez Ventre De Biche, c'est l'immédiateté de sa musique : une évidente démarche DIY, un synthé, une boite à rythme, quelques effets, du punk converti en machine. A l'instar d'un Noir Boy George, ses textes nous touchent de manière assez directe, car bruts et sublimant un quotidien des plus gris : "Amour sale, ma place est dans la crasse, sans gilet pare-balles, entre les poubelles et les carcasses, sous produit animal". Dans 10 ans, lorsque l'on se retournera sur la musique d'un groupe comme Metronomy, il y a fort à parier qu'elle ne dira rien de notre époque. Celle de Ventre De Biche exposera une vision du monde dans laquelle se cotôient clochards et vigiles, verres vides et croix renversées.