VAN CŒUR : comme un poison dans l'eau

Chronique (2022-23)
         
     Une virée en eaux profondes avec les chantres du slowcore.

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    « It's all one song »

Vraisemblablement adeptes de l'adage qui veut que le trajet importe plus que la destination, les trois Anglais de VAN CŒUR nous offrent, avec Failing sequence, une nouvelle ode au surplace et à la contemplation. Déjà auteur du magnifique Crosshairs en 2019, le trio de Brighton a depuis poursuivi son bonhomme de chemin, sans se départir de son côté ultraconfidentiel. Après l'album confiné March 2020, le groupe a également sorti le très recommandable Last light, entièrement instrumental, quelques mois seulement avant ce Failing sequence, qui reprend les choses exactement là où Crosshairs les avait laissées. Pas d'innovation notable dans la musique du groupe donc, qu'on qualifiera grossièrement de dépressive : avec des beats proches de l’encéphalogramme plat et une évidente volonté de se tenir le plus écarté possible de tout format pop. VAN CŒUR revendique fièrement son statut de groupe peu évident à aborder.

Bien que relativement court (39 minutes contre les 63 de Crosshairs), Failing sequence se paye quand même le luxe de prendre son temps le long de ses six morceaux étirés. L'ambiance cotonneuse qu'il instaure brouille quelque peu les frontières entre les morceaux, une vieille habitude pour le groupe. On en viendrait presque à se dire que le groupe tente de faire sien le célèbre précepte de Neil YOUNG : « It's all one song ». Une théorie confirmée par les paroles de Don't get triumphant (tout un programme en soi) : « The last light of a failing sequence from under the surface of the water », qui renforce bien les aspects complémentaires de Last light et Failing sequence.
En ouvrant sa Failing sequence par des arpèges lénifiants, VAN CŒUR parvient quand même à nous surprendre en lançant ses voix d'entrée, chose assez inhabituelle pour le groupe. Ça n'empêchera évidemment pas Don't get triumphant de s'étirer neuf minutes qui suffiront à vous positionner par rapport au groupe. Peut-être aurez-vous déjà fui au moment où le morceau s'emballera dans un capharnaüm qui verra les guitares se faire autant maltraiter que les cymbales de la batteuse Amy HOEY. Ceux qui y parviendront lâcheront peut-être l'affaire, déçus par cette explosion renforçant le désespoir du morceau plutôt que d'agir comme une bouée de sauvetage. Ceux qui resteront, eux, n'en auront eux pas besoin, puisque le groupe a décidé de nous emmener dans une lente plongée en apnée.
 
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Vingt mille lieues sous les mers

À l'heure où les « génies » milliardaires ont (re)lancé la course vers l'espace, histoire de se laver les mains de notre enfer-sur-Terre, VAN CŒUR prend donc le parfait contre-pied en nous entraînant vers les abysses. Abysses à la faune inquiétante, dont l'obscurité nous empêchait jusque-là d'admirer leur beauté. Cette descente en eaux troubles nous rappelle à quel point l'eau est un élément prépondérant dans la doctrine VAN CŒUR. On la retrouve même sur le très bel artwork de l'album, signé par  Gary Goodman et Richard Adams, évoquant une Arche de Noé qui n'accepterait à son bord que des chats noirs et des oiseaux de mauvais augure. D'ailleurs, si elles sont généralement paisibles, les contrées visitées peuvent cependant être périlleuses (« Dive deep from light / Shoals slip from your eyes / Man on fire under water » sur Man on fire). Un bon rappel que le danger ne se dissout pas dans ce monde sous-marin postapocalyptique.
 
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Malgré son côté austère, la musique de VAN CŒUR ne manque pourtant pas de subtilités et de nuances, nous conduisant vers le fond avec parcimonie. Le tout en agrémentant sa fondation guitares-batterie de piano, dulcimer, orgues, boites à rythmes et autres field recordings, soit l'arsenal parfait pour évoquer un slowcore à mi-chemin entre BEDHEAD et HOOD, pendant que Last light faisait plus qu'un clin d'œil appuyé à DUSTER. Traversé par des courants contraires, le bien-nommé Drowned n'en reste pas moins un parfait exemple de balade crépusculaire, magnifiant ce sentiment d'abandon des deux côtés des haut-parleurs. Les trois voix d'Andy THOMAS, Dominic PLUCKNETT et Amy HOEY se mêlent et se défont, comme des sirènes fatiguées et consolident cette claustrophobie aquatique. Celle-ci est portée par des guitares lourdes et implacables, discrètes mais jouant comme il faut, sans faire vaciller l'ensemble. À ce jeu de funambulisme, VAN CŒUR abat sa dernière carte maîtresse sur la conclusion du disque, avec un Auster de dix minutes où l'on aperçoit un infime espoir de remontée à la surface, avant que les voix, quasi fantomatiques finissent par assener « They let us fall without a fight into the ocean ». Down and down we go.

Si le Brexit a rendu encore plus improbable une visite dans nos contrées de VAN CŒUR, cela renforce l’attrait de ce Failing sequence, dont le faux-calme, paradoxalement relaxant et inquiétant à la fois, confirme tout le potentiel d'un groupe aussi confidentiel (seulement 50 vinyles pressés pour la version physique du disque) qu'estimable.

 

Éric F.

(03 février 2023)

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VAN CŒUR. Failing sequence (Mulso Primary, 2022)
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Pour prolonger...

VAN CŒUR : Bandcamp
VAN CŒUR : Drowned (vidéo-clip)
VAN CŒUR : Brighton 12/06/2019

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Dans nos archives écrites :
Chronique de l'album Crosshairs, par Eric F. (2020)
10 songs important to us by VAN CŒUR - (14/02/2023)

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Photographies : Eric F., DR/Bandcamp VAN CŒUR
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