De boue et de Breizh // par Titti Twister
De boue et de Breizh se compose le feu du rock'n'roll, une savante composition chimique.
Certains s'y rendent de manière rituelle, c’est le rendez-vous de la mi aout sur la côte Manchoise. Cette période estivale quelque peu incompréhensible où tous les touristes convergent d'un point donné vers un autre point donné. Pourquoi et par quel processus les vacanciers décident de se retrouver sur la route, la même route, tous, en même temps ? Et surtout, pourquoi et comment avons nous atterri sur cette même route, sacré bon dieu ! Au départ nous étions censés aller sur celle du rock, nous, de route. Mais par un fâcheux concours de circonstances dont je vous passerai les détails, parce qu'ils sont nombreux, trop, et plaignants de surcroit, nous nous sommes retrouvés noyés dans un flot incommensurable d'aoutiens véhiculés. En deux mots : la louze !
Nous qui avions co-voiturés quelques festivaliers, et qui étions de surcroit affublés d'un enfant qui allait vivre son premier festival de Rock'n'roll, avons failli la laisser filer, cette route du soit disant rock. Parce que les bouchons ne se sont pas terminés à St Malo, non, le meilleur est à venir.
Non contents d'avoir bêtement gaspillé une heure dans les bouchons Malouins, c'est à St père, sur la route du fort que nous en gaspillons presque deux de pire, avec la sensation de n'être que de braves moutons en transhumance. Alors que notre instinct nous avait menés à la porte du fort, le personnel encadrant la voirie nous dirige vers le chemin, soit disant le seul, qui mène au fort et que tous les festivaliers sont invités à emprunter. Après quelques bières au volant, un paquets de chips, douze sandwichs préparés à même le siège et beaucoup, beaucoup trop de bonbons pour l'enfant impatient mais néanmoins ravi, nous finissons fort heureusement, par garer notre camion sur le parking du festival. Par chance, la pluie s'est éloignée mais de nombreux stigmates boueux persistent. Bottes de pluie chaussées, triple couche de vêtements enfilée, ce vendredi à la route du Rock nous réserve encore quelques surprises. Le Saint des Saints affiche complet et nous n'avons qu'une place pour deux, l'enfant comptant pour du beurre demi sel. Tout le monde cherche des places et personne n'en a à vendre (La re-louze ) c'est ici que le marché noir fait son entrée en piste. Armés d'un maximum de persévérance et de culot nous dégottons une place, la loi du talion prenant ici tout sons sens. Nous voilà enfin dé-louzés mais de quelques dizaines d'Euros allégés, on a rien sans rien.
Maintenant la VRAIE route du rock commence, celle avec deux scènes sur le site du fort de St père.
Avec presque 30 000 personnes dans ses alentours, aucune mère ne prendrait le risque de lâcher la main de son enfant de 5 ans, au risque de le voir disparaître, peut être pour toujours, dans un bain de festivaliers sur-excités. C'est donc liché à sa mère que l'enfant vivra son premier festival de Rock'n'roll de grande ampleur. La dite liche en choquera certains et en béatifiera d'autres, me traitant de « mère la plus cool du monde » rien que ça !
Au soleil couchant, nous feront l'impasse sur Protomartyr qui joue sur la petite scène, nous arrivons pour les deux derniers morceaux du set, retard cumulé sur la route oblige. Fort heureusement Slowdive investi la grande scène. Nombre de fans de la première heure ont répondu présents pour assister à la re-formation du groupe. Un retour dont on ne sait trop que penser. A la fois tout aussi intéressant que My bloody Valentine, Slowdive est pourtant moins captivant, moins bruitiste. C'est en quelque sorte aussi, un groupe shoegaze qui s'ignore , pour lequel la grande scène paraissait quelques peu vaste. Nous aurions préféré (re) découvrir le groupe, qui a influencé nombre d'artistes, dans un espace plus intimiste. Le son de Slowdive s'absorbant directement par les pores de nos peaux alanguies, l'immensité de la fosse de St père laisse s'échapper les subtilités. Prévenus et rodés à l'exercice nous étions à la route du rock, et non pas dans la chapelle Islington de Londres. Reste cependant que certaines formations supportent mieux les grands espaces que d'autres.
Un détour par l'espace Vip et sa paille au sol maculée de boue, un hamburger, une bière et un cornet de frites plus tard nous retrouvons enfin nos amis vers le coin merchandising. Victimisation de la mode oblige, l'enfant exige un tshirt estampillé La route du Rock 2014. Sa taille n'étant plus disponible, le vêtement s'apparente plus à une toge, mais qu'importe, à 15 ans il pourra se vanter d'avoir fait la Route du Rock en 2014.
Luttant contre la boue qui aspire nos bottes à chaque foulée, nous accédons tant bien que mal dans la fosse. Portishead est annoncé, des milliers de personnes ses ont rassemblées au pied de la grande scène du fort et, un enfant liché à ceinture, il est presque impossible de se frayer un chemin en front de scène. Nous fuyons vers l'espace des personnes très importantes, une menue fenêtre donnant sur la scène offre une visibilité proche du « confortable », mais nous ne sommes malheureusement pas les seuls à y avoir pensé. Deux écrans géants retransmettent le concert de chaque côté du plateau, alors qu'en fond de scène un autre écran diffuse un enchainement d'images : archives, illustrations animées ou encore images live texturées, triturées, bidouillées. C’est beau, on en attendais pas moins.
Portishead est grandiose, mais ça n’est pas une surprise non plus, le temps passe sur Beth Gibbons et sur sa voix comme l'eau d'une rivière sur un galet, révélant strate après strate la douceur et la force du roc. Les tubes s'enchaînent et nous propulsent presque 20 ans en arrière lorsqu'au sortir de l’adolescence nous découvrions le groupe de Bristol, anéantis par l'immensité de l'univers qui s'offrait à nos oreilles de post-puceaux. La densité humaine étouffante nous ayant fait fuir vers l'espace des « gens très importants », c'est de cet endroit que nous assistons à la messe. Cependant, force est de constater que le confort et somme toute sommaire. Armés de notre pugnacité n'ayant comme ennemi que notre culot, c'est à l'entrée de la tente réservée aux personnes à mobilité réduite, telles que femmes enceintes et autres personnes en fauteuil roulant, que nous nous présentons. L'enfant fatigué est un argument massif qui nous permet d'aller assister au concert depuis un espace privilégié pour personnes extra-ordinaires et néanmoins très importantes. Encore une fois, tout culottés que nous sommes, il y a des limites à ne pas franchir, et cet espace est lui aussi bondé et nous nous glissons entre deux fauteuils et une femme enceinte, à même le sol. Portishead joue loin de nous et au final, c’est encore sur les deux écrans géants retransmettant le direct que nous nous en profiterons le mieux, et sûrement dans de bien meilleures conditions que la plupart des festivaliers serrés dans la fosse, comme des sardines en leur pays.
Portishead nous aura offert une sélection de leurs meilleurs morceaux, sans une ride au compteur, avec toujours autant de justesse et de sincérité.
Un bain de foule, une bière et l'enfant de 20 kg sur le dos auront raison de nous. Nous laissons Metz et leurs punks déflagrations soniques et sonores sur la petite scène. Nous avions pourtant les oreilles prêtes à recevoir la messe des Canadiens signés chez SubPop, mais c'en est trop, il nous faut planter la tente. Et surtout, il nous faut la planter ailleurs que sur le camping du festival boueux et sur-bondé. Nous finirons en mode sauvage dans la campagne environnante avec comme berceuse le son du festival au loin et le chant de la hulotte perturbée par notre arrivée.
Le rock est mort, vive le rock, la route est saturée, vive la route.
Crédit Photo Kevin Pailler
Certains s'y rendent de manière rituelle, c’est le rendez-vous de la mi aout sur la côte Manchoise. Cette période estivale quelque peu incompréhensible où tous les touristes convergent d'un point donné vers un autre point donné. Pourquoi et par quel processus les vacanciers décident de se retrouver sur la route, la même route, tous, en même temps ? Et surtout, pourquoi et comment avons nous atterri sur cette même route, sacré bon dieu ! Au départ nous étions censés aller sur celle du rock, nous, de route. Mais par un fâcheux concours de circonstances dont je vous passerai les détails, parce qu'ils sont nombreux, trop, et plaignants de surcroit, nous nous sommes retrouvés noyés dans un flot incommensurable d'aoutiens véhiculés. En deux mots : la louze !
Nous qui avions co-voiturés quelques festivaliers, et qui étions de surcroit affublés d'un enfant qui allait vivre son premier festival de Rock'n'roll, avons failli la laisser filer, cette route du soit disant rock. Parce que les bouchons ne se sont pas terminés à St Malo, non, le meilleur est à venir.
Non contents d'avoir bêtement gaspillé une heure dans les bouchons Malouins, c'est à St père, sur la route du fort que nous en gaspillons presque deux de pire, avec la sensation de n'être que de braves moutons en transhumance. Alors que notre instinct nous avait menés à la porte du fort, le personnel encadrant la voirie nous dirige vers le chemin, soit disant le seul, qui mène au fort et que tous les festivaliers sont invités à emprunter. Après quelques bières au volant, un paquets de chips, douze sandwichs préparés à même le siège et beaucoup, beaucoup trop de bonbons pour l'enfant impatient mais néanmoins ravi, nous finissons fort heureusement, par garer notre camion sur le parking du festival. Par chance, la pluie s'est éloignée mais de nombreux stigmates boueux persistent. Bottes de pluie chaussées, triple couche de vêtements enfilée, ce vendredi à la route du Rock nous réserve encore quelques surprises. Le Saint des Saints affiche complet et nous n'avons qu'une place pour deux, l'enfant comptant pour du beurre demi sel. Tout le monde cherche des places et personne n'en a à vendre (La re-louze ) c'est ici que le marché noir fait son entrée en piste. Armés d'un maximum de persévérance et de culot nous dégottons une place, la loi du talion prenant ici tout sons sens. Nous voilà enfin dé-louzés mais de quelques dizaines d'Euros allégés, on a rien sans rien.
Maintenant la VRAIE route du rock commence, celle avec deux scènes sur le site du fort de St père.
Avec presque 30 000 personnes dans ses alentours, aucune mère ne prendrait le risque de lâcher la main de son enfant de 5 ans, au risque de le voir disparaître, peut être pour toujours, dans un bain de festivaliers sur-excités. C'est donc liché à sa mère que l'enfant vivra son premier festival de Rock'n'roll de grande ampleur. La dite liche en choquera certains et en béatifiera d'autres, me traitant de « mère la plus cool du monde » rien que ça !
Au soleil couchant, nous feront l'impasse sur Protomartyr qui joue sur la petite scène, nous arrivons pour les deux derniers morceaux du set, retard cumulé sur la route oblige. Fort heureusement Slowdive investi la grande scène. Nombre de fans de la première heure ont répondu présents pour assister à la re-formation du groupe. Un retour dont on ne sait trop que penser. A la fois tout aussi intéressant que My bloody Valentine, Slowdive est pourtant moins captivant, moins bruitiste. C'est en quelque sorte aussi, un groupe shoegaze qui s'ignore , pour lequel la grande scène paraissait quelques peu vaste. Nous aurions préféré (re) découvrir le groupe, qui a influencé nombre d'artistes, dans un espace plus intimiste. Le son de Slowdive s'absorbant directement par les pores de nos peaux alanguies, l'immensité de la fosse de St père laisse s'échapper les subtilités. Prévenus et rodés à l'exercice nous étions à la route du rock, et non pas dans la chapelle Islington de Londres. Reste cependant que certaines formations supportent mieux les grands espaces que d'autres.
Un détour par l'espace Vip et sa paille au sol maculée de boue, un hamburger, une bière et un cornet de frites plus tard nous retrouvons enfin nos amis vers le coin merchandising. Victimisation de la mode oblige, l'enfant exige un tshirt estampillé La route du Rock 2014. Sa taille n'étant plus disponible, le vêtement s'apparente plus à une toge, mais qu'importe, à 15 ans il pourra se vanter d'avoir fait la Route du Rock en 2014.
Luttant contre la boue qui aspire nos bottes à chaque foulée, nous accédons tant bien que mal dans la fosse. Portishead est annoncé, des milliers de personnes ses ont rassemblées au pied de la grande scène du fort et, un enfant liché à ceinture, il est presque impossible de se frayer un chemin en front de scène. Nous fuyons vers l'espace des personnes très importantes, une menue fenêtre donnant sur la scène offre une visibilité proche du « confortable », mais nous ne sommes malheureusement pas les seuls à y avoir pensé. Deux écrans géants retransmettent le concert de chaque côté du plateau, alors qu'en fond de scène un autre écran diffuse un enchainement d'images : archives, illustrations animées ou encore images live texturées, triturées, bidouillées. C’est beau, on en attendais pas moins.
Portishead est grandiose, mais ça n’est pas une surprise non plus, le temps passe sur Beth Gibbons et sur sa voix comme l'eau d'une rivière sur un galet, révélant strate après strate la douceur et la force du roc. Les tubes s'enchaînent et nous propulsent presque 20 ans en arrière lorsqu'au sortir de l’adolescence nous découvrions le groupe de Bristol, anéantis par l'immensité de l'univers qui s'offrait à nos oreilles de post-puceaux. La densité humaine étouffante nous ayant fait fuir vers l'espace des « gens très importants », c'est de cet endroit que nous assistons à la messe. Cependant, force est de constater que le confort et somme toute sommaire. Armés de notre pugnacité n'ayant comme ennemi que notre culot, c'est à l'entrée de la tente réservée aux personnes à mobilité réduite, telles que femmes enceintes et autres personnes en fauteuil roulant, que nous nous présentons. L'enfant fatigué est un argument massif qui nous permet d'aller assister au concert depuis un espace privilégié pour personnes extra-ordinaires et néanmoins très importantes. Encore une fois, tout culottés que nous sommes, il y a des limites à ne pas franchir, et cet espace est lui aussi bondé et nous nous glissons entre deux fauteuils et une femme enceinte, à même le sol. Portishead joue loin de nous et au final, c’est encore sur les deux écrans géants retransmettant le direct que nous nous en profiterons le mieux, et sûrement dans de bien meilleures conditions que la plupart des festivaliers serrés dans la fosse, comme des sardines en leur pays.
Portishead nous aura offert une sélection de leurs meilleurs morceaux, sans une ride au compteur, avec toujours autant de justesse et de sincérité.
Un bain de foule, une bière et l'enfant de 20 kg sur le dos auront raison de nous. Nous laissons Metz et leurs punks déflagrations soniques et sonores sur la petite scène. Nous avions pourtant les oreilles prêtes à recevoir la messe des Canadiens signés chez SubPop, mais c'en est trop, il nous faut planter la tente. Et surtout, il nous faut la planter ailleurs que sur le camping du festival boueux et sur-bondé. Nous finirons en mode sauvage dans la campagne environnante avec comme berceuse le son du festival au loin et le chant de la hulotte perturbée par notre arrivée.
Le rock est mort, vive le rock, la route est saturée, vive la route.
Crédit Photo Kevin Pailler