Ty Segall

Emotional Mugger (Drag City 2016) // Par Super Poncho
« Avec Emotional Mugger, Ty Segall sort son énième album et confirme son statut de Pape du garage. Il revient aux sources après son très psychédélique Manipulator ».
En résumé, voilà la chronique-type qui risque d'accompagner la sortie de ce disque. Tentons d'aller au-delà. Petit retour en arrière.
 
Mars 2014, Coachwips, l'un des premiers groupes de John Dwyer se reforme. La fosse est en éruption. Au cœur du pogo, une tête bien connue, celle de Ty Segall, heureux comme un gosse. Cette spontanéité – si rare de nos jours – apparaît comme la marque de fabrique du natif de Long Beach. La même année, la claque Manipulator résonna dans tout le microcosme du rock indépendant et bien au-delà même. Quoi faire après ce chef-d'oeuvre, que quelques uns ont vu comme le  Ziggy Stardust de Ty Segall.
 
En guise de digestion post-Manipulator, il sort un EP en janvier 2015 avant de produire l'album de Peacers de son pote Mike Donovan pendant l'été. Tout s'accéléra de nouveau à la rentrée 2015 lorsqu'en à peine deux mois, le second album de Fuzz et l'album de reprise de T-Rex sortirent. Cette boulimie me rassura, Ty Segall n'était pas mort ! Et que dire de mon excitation quand il envoya à la presse sur VHS son nouvel album Emotional Muggers ! En plus d'être hyperactif, il est imaginatif, brave bête !
En visionnant le « clip » accompagnant l'annonce, plusieurs remarques, pêle-mêle, à faire. C'est à la tête d'un gang de six loustics à masques à tête de bébé, qu'on retrouve un Ty Segall sans guitare, éructant comme si sa vie en dépendait. Un son brut, très proche de ce que l'on pouvait retrouver dans Twins, un clavier en plus et  encore plus de guitares ! C'est ici que l'on dépasse l'analyse simpliste qui nous avait servi de préambule pour comprendre l'importance de cet album dans la discographie plus globale de Ty Segall.
 
Des pas qui s'approchent, des clefs qui ouvrent une porte : voilà l'introduction du premier titre Squealer. Comme pour montrer qu'une nouvelle page se tourne, la porte se referme. Et quoi de mieux pour Ty Segall pour entamer un nouveau chapitre que d'ajouter une nouvelle corde à son arc avec ce clavier. Ce dernier prend une place importante dans les compositions de l'album en participant à définir cette atmosphère particulière, étouffante, nourrie de cette rythmique saccadée.
 
La première partie de l'album se caractérise par ce son lourd et saturé. Emotional Mugger/Priestess-Breakfast Edge -Diversion semble être un prolongement du second album de Fuzz. D'un album de Ty Segall, j'en attends autre chose et c'est pourquoi, pour moi, le moment fort de l'album se situe dans l'enchaînement Mandy Cream / Candy Sam /  Squealer Two. C'est là qu'il est le plus aérien, le plus innovant et à mon sens le plus efficace. Le premier titre du triptyque est le titre de l'album, avec un enchevêtrement de sonorités. Les claviers et les guitares exécutent une sorte de ballet dont la voix de Ty Segall est le chorégraphe.
Les deux derniers titres expérimentent encore de nouvelles contrées, non loin du royaume White Fence. Avec W.U.O.T.W.S., on se croirait dans l'un des premiers albums de Tim Presley où ce dernier laissait libre cours à ses élans créatifs. The Magazine remplit parfaitement son rôle d'ultime titre en laissant l'imagination de l'auditeur explorer le champ des possibles pour la suite de la discographie de Ty Segall.

Au lieu de parler de retour aux sources, il faudrait mieux parler de synthèse. La synthèse de presque dix ans d'activité musicale. La synthèse d'une scène plus globale dont Ty Segall serait le pape. Et que fait un pape lorsqu'il souhaite faire une synthèse de son mandat ? Un concile. La tournée d'Emotional Mugger est un concile organisé par le pape Ty Segall. La crème des musiciens de la côte ouest est réunie pour mettre en valeur l'oeuvre du souverain. Kyle Thomas de King Tuff et Corey Hanson de Wand sont les Muggers et font allégeance au roi Ty. Une dernière question : quelle serait la prochaine bataille menée par notre nouveau roi ?