TEENAGE FANCLUB : pas un groupe heritage

Interview fleuve (2022)
                    Rencontre d'une heure avec deux des rockeurs les plus adorables du circuit. L'occasion de célébrer comme il se doit les trente années de TEENAGE FANCLUB, qui vieillit comme un grand cru.


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          Norman BLAKE et Raymond McGINLEY sont si affables et détendus qu’ils donnent l’impression qu’interviewer TEENAGE FANCLUB est le job le plus simple et le plus plaisant au monde. Les deux survivants du line-up original du groupe ont eu la gentillesse de nous accorder une heure de leur temps le 5 mai 2022, avant un superbe concert à L’Épicerie Moderne de Feyzin, qui mixait des chansons de leur dernier album, Endless arcade avec leurs vieux hits. Cette heure n’aura évidemment pas suffi à couvrir les trente ans de carrière du meilleur groupe pop d’Écosse, mais nous avons néanmoins tenté le coup !


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"Notre retour dans le monde réel"

Salut les gars, merci d’avoir accepté cette interview. Autant vous prévenir, j’ai un paquet de questions, faites moi signe si vous en avez marre avant la fin.

Norman BLAKE (chant, guitare) : C’est un plaisir. Tu peux nous poser toutes les questions que tu veux.

Vous êtes donc à nouveau en tournée...

Raymond McGINLEY (chant, guitare) : Oui, enfin !

J’imagine que vous êtes plutôt excités ?

NB : Ça fait du bien. Cette situation nous a beaucoup frustrés parce que d’habitude quand tu sors un nouvel album, tu pars en tournée immédiatement après, ou alors l’album sort quelques jours après le début de la tournée. Avec celui-là (Endless arcade), on l’a enregistré puis donné pas mal d’interviews pour le promouvoir et tout s’est arrêté.
RMG : Il y a quelque chose d’agréable avec les tournées, dans le sens où elles complètent le processus parce que tu peux jouer tes nouveaux morceaux sur scène. Évidemment quand tu es en train de faire le disque, ou comme Norman le disait, quand tu fais des interviews, il n’y a aucun public impliqué. De jouer à nouveau devant des gens nous donne l’impression de faire notre retour dans le monde réel. Malheureusement on n’avait pas pu terminer ce processus à l’époque, c’est donc chouette de pouvoir le faire maintenant. On a joué une poignée de dates l’an dernier, mais il y en a eu très peu. Désormais, tout le monde est un peu nerveux à l’idée qu’on ne puisse pas terminer cette tournée. Je pense qu’on va y arriver, donc tout va bien. Enfin je l’espère.

Est-ce que cela vous a permis de laisser grandir vos chansons avant qu’elles ne prennent leur forme live ?

NB : Oui, je pense qu’on a eu une courte opportunité pour les jouer sur scène, mais tu sais, on les a enregistrées le plus live possible en studio et en termes d’arrangements, ce sont des chansons assez faciles à traduire sur scène. Mais oui, complètement, on en est au 21ème concert de la tournée donc les nouveaux morceaux sonnent plutôt bien à ce stade. On essaye d’en jouer le plus possible sans que ça ennuie le public… On essaye d’en faire quatre ou cinq au milieu de nos vieux morceaux.

Il y a eu pas mal de changements dans le line-up aussi. Je sais qu’Euros (CHILDS) a déjà joué sur scène avec vous il y a quelque temps et je trouve que sa présence se fait bien sentir sur le nouvel album, en particulier sur le morceau titre…

RMG : Oui, quand nous étions en train d’enregistrer et qu’on écoutait ce qui avait déjà été fait, on entendait beaucoup la personnalité d’Euros s’exprimer sur les morceaux. Quand nous sommes arrivés à Hambourg pour enregistrer l’album, on s’est installé et on a évité de micro-manager tout le monde, parce que chaque membre du groupe sait ce qu’il fait. On peut avoir une idée du tempo et de l’arrangement de chaque chanson, mais on ne va pas dire « Euros, peux-tu jouer cette partie ? » . Il va les trouver tout seul, et il est aussi capable de jouer sur la plupart des instruments qui se trouvent dans le studio. Il peut jouer du mellotron ou de l’orgue et on trouvera que ça sonne super. On ne discute pas vraiment de ce qu’on va faire, on se contente de s’installer, de leur présenter le morceau, et quand on commence à le jouer on arrive finalement assez près de l’idée de départ, juste en suivant les réponses instinctives de chacun.

Vous avez également dû remplacer Dave McGOWAN à la basse…

NB : Oui, Dave n’était pas disponible pour cette tournée. Il joue avec BELLE & SEBASTIAN et ils avaient une tournée prévue avant que la nôtre ne soit bookée, ils ont d’ailleurs ensuite dû l’annuler mais…
RMG : Ils devaient faire de la promo pour le nouvel album.
NB : Dave était donc indisponible pour faire ces concerts, ou du moins, on pensait qu’il le serait, et ensuite…
RMG : Ensuite il était disponible, puis il ne l’a plus été !
NB : Laurie, la femme de Dave, était enceinte. Mais Stephen BLACK, qui le remplace, a déjà joué avec nous et ce n’était donc pas comme si on repartait de zéro. Ça se passe très bien, Steve est un super mec et un très bon musicien, il ne lui a pas fallu longtemps pour trouver sa place.
RMG : Oui, Dave est un bon musicien, mais par chance, Steve l’est aussi. La personnalité de Dave se retrouve sur le disque et c’est vraiment dommage qu’il ne puisse pas être avec nous. Mais Steve est génial et on a joué quelques concerts l’an dernier avec son groupe, enfin un de ses groupes puisqu’il a plusieurs projets, GROUP LISTENING.
NB : David jouait de la basse avec nous ce soir là. Et il sera sûrement de retour plus tard, mais il s’occupe de lancer le nouvel album de BELLE & SEBASTIAN pour le moment. Ils ont d’ailleurs un concert à Glasgow ce week-end. On sera très heureux de travailler à nouveau avec lui.

C’est donc parce que vous connaissiez déjà Stephen que vous pouvez varier vos setlists tous les soirs ?

NB : Oui, Steve apprend très rapidement, c’est un de ces musiciens qui peut juste faire « OK… bom bom bom, oui c’est bon je l’ai ! ».
RMG : Quand on a joué ces concerts il y a deux-trois ans je crois, Laura, la femme de Dave, devait accoucher, mais elle était en retard. On pensait qu’elle avait déjà accouché mais au moment où le concert est arrivé, on a appris que ça n’était pas le cas. Dave nous a donc dit qu’il ne pourrait pas jouer avec nous. On était à deux doigts d’annuler le concert mais Euros nous a dit « Vous connaissez mon pote Steve ? Je pense qu’il pourrait le remplacer ». Il n’a fait qu’une répétition de quelques heures et on a joué le concert. Il s’en est super bien sorti !
 

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"On finit inévitablement dans un musée"

J’ai eu la chance d’assister aux deux premières soirées de la tournée Creation Records à Glasgow [NDLR : Tournée de triples dates à Glasgow, Londres et Birmingham où le groupe jouait deux albums par soirée]. Je me suis demandé quelle était le pourcentage de morceaux que vous ne saviez plus jouer ?

RMG : Un sacré paquet !
NB : Oui, on n’écoute jamais nos vieux disques, même après qu’ils soient terminés. À moins que tu sois une personne narcissique, mais ça n’est pas notre cas.
RMG : Il y a quelques morceaux qu’on n’avait jamais joués sur scène, parce qu’il y en a toujours quelques-uns qui ne te paraissent pas taillés pour la scène, et tu finis par ne pas les jouer. C’était un processus intéressant que de nous forcer à les réapprendre.
NB : Oui, c’est vrai. C’était une période très intense où on a dû réapprendre à jouer cinq albums…
RMG : On a aussi fait un concert avec juste nos b-sides donc c’est comme si il y en avait six !
NB : On a dû faire 60 morceaux ou un truc comme ça, c’était assez monstrueux.
RMG : Je pense qu’il y en avait plus que ça.

Quels ont été les morceaux les plus compliqués à maîtriser ?

NB : Je pense qu’ils sont tous assez simples. Une fois que tu as joué ces morceaux quelques fois sur scène, tu finis par t’en souvenir et tu sais ce que tu dois faire.

Avec la mémoire musculaire ?

NB : Oui, exactement !
RMG : On a aussi joué avec Brendan O'HARE les morceaux qu'il avait enregistré avec nous, même chose avec Paul QUINN aussi. C’était assez difficile pour eux parce qu’ils n’ont pas beaucoup joué depuis qu’ils ont quitté le groupe.
NB : Je crois que Paul avait plus ou moins abandonné la musique.
RMG : Mais il était vraiment content d’être de retour, mais je suppose qu’il a fallu se ré-acclimater à jouer tous ensemble à nouveau. Mais on est vraiment très content de l’avoir fait, c’était super d’avoir tous ces gens qui faisaient à la fois partie du passé et du présent du groupe en même temps sur scène. Et Frances McDONALD n’a pas joué que de la batterie, il était aussi au clavier ou à la guitare acoustique.

Norman changeait aussi d’instruments avec Brendan à la fin d'Everything flows

NB : Ah ah, oui, c’est vrai !

On risque de voir ce genre de choses sur cette tournée ?

NB : Oui, il y a beaucoup d’action sur scène. C’est une scène très animée.

À peu près à la même période que ces concerts, il y a eu une exposition retraçant l’histoire de la pop écossaise au National Museum of Scotland à Édimbourg. Avez-vous eu l’occasion d’y aller ?

RMG : Non, je n’y suis pas allé.
NB : Mais on a contribué avec un poster de l’époque Matador et une guitare ! Je n’ai pas vu l’exposition… Je crois qu’on était en tournée à ce moment-là.
RMG : La guitare qui se trouvait à l’expo avait été repeinte, elle a bien meilleure allure désormais.
NB : Oui, en gros on l’a achetée à un mec qui l’avait peinte avec de la peinture pour voiture, c’était affreux. Ce n’était pas la couleur d’origine.
RMG : C’était la Mustang qui était exposée ?

Oui, en effet.

RMG : On s’est dit qu’on allait leur donner des guitares qu’on utilise plus en ce moment et on leur a demandé « Est-ce qu’on pourra les échanger quand on en aura besoin pour les tournées ? », mais malheureusement ce n’était pas possible. On s’est dit que ça serait plus intéressant de montrer des instruments qu’on utilise en ce moment, mais on en avait besoin !

Qu’est-ce que ça vous a fait d’être enfermés dans un musée ?

NB : J’ai trouvé ça excitant. Je n’ai pas eu l’occasion d’y aller, mais c’est chouette que les gens soient motivés à l’idée de découvrir ce qui s’est passé musicalement en Écosse pendant ces 30-40 dernières années. Je n’ai rien vu mais il m’a semblé que ça a été bien fait. C’est tout ce qu’on pouvait exiger d’eux, qu’ils prennent soin des différentes pièces exposées. Elles étaient très bien annotées et la chronologie était correcte, donc c’était bien.
RMG : C’est assez drôle parce qu’on fait de la musique depuis pas mal de temps désormais. Tu sais on rencontre des gens qui nous disent « Votre groupe existe depuis avant ma naissance ! ». Je suppose que si on repartait à nos débuts en 1989 et qu’on reculait du nombre d’années qu’on existe, trente ans plus tôt, on arriverait dans les années 50. À l’époque ça nous aurait presque semblé mythique…
NB : 55 ou 56… Ça nous aurait amené en 1956.
RMG : On a l’impression que tout est passé très rapidement, mais les choses que tu as faites il y a longtemps deviennent…
NB : On finit inévitablement dans un musée. C’est marrant parce que j’écoutais The FALL ce matin, comment il s’appelle déjà ? Working class… C’est l’album où Pascal LE GRAS a signé la pochette… [NDLR : Middle class revolt, 1994]. Bref, quand on a vu The FALL à New York…
RMG : C’est un des albums sortis chez Matador ?
NB : Oui, donc on traînait avec The FALL après la sortie du disque qui est sorti en 1993 et je le voyais comme un album assez récent. « Waouh, OK, c’était en 1993 ! ».
RMG : Même les albums récents donnent l’impression d’être sortis depuis un bail. [NDLR : En même temps, Mark E. SMITH nous a quitté il y a déjà 4 ans].
NB : Je suis allé jeter un œil sur Discogs et le vinyle se vend à des prix dingues. Donc oui, tu finis toujours par devenir une pièce de musée.
 

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"Un paquet de putains de morceaux ! "

Je ne vais pas trop m’attarder sur le départ de Gerry (LOVE), vous devez en avoir marre d’en parler…

NB : Non, on peut aborder le sujet parce que ça fait partie de ce qui s’est passé dans notre histoire en tant que groupe. Ça fait quoi ? Trois ans qu’on a fait notre dernier concert avec lui ?
RMG : Notre dernier concert avec lui a eu lieu en 2018. C’est un des trucs supers avec les concerts de la tournée Creation, on avait non seulement deux batteurs qui avaient fait partie du groupe dans le passé, mais on jouait aussi avec Gerry qui avait décidé de quitter le groupe. On était tous ensemble sur scène. Je me demande si ça s’était déjà vu avant. Il y avait une sacrée intensité dans les concerts avec tous ces facteurs.

Je me demandais quel morceau de Gerry vous manquait le plus sur scène...

NB : Oh, je vois… À vrai dire il y en a un paquet et ils sont tous très bons et sympas à jouer sur scène. Je ne sais pas, en fait je pense qu’on essaye d’avoir un point de vue plus optimiste par rapport à tout ça, ça nous donne l’occasion de jouer plein de chansons qu’on ne faisait jamais avant parce que le groupe avait trois compositeurs. Tu n’as qu’un certain laps de temps pour chaque concert. On a un paquet de putains de morceaux ! Ça fait longtemps qu’on est là. Par exemple, pour cette tournée, il y a des morceaux qu’on a fait à l’époque de Songs from Northern Britain qu’on n’a pas pu mettre sur le disque à cause du format vinyle. Un de ces morceaux s’appelle Broken et il est plutôt rare sur scène. Il y en a un autre qui s’appelle Middle of the road. Juste parce qu’il n’est pas sur le disque, on ne l’avait jamais joué sur scène, jusqu’à il y a deux semaines. J’ai toujours bien aimé ce morceau.
RMG : On le jouait pendant les balances et on s’est dit  « Et si on le tentait sur scène ? ». On a demandé à Steve qui nous a dit « Qu’est-ce que c’est ? », alors on lui l’a fait écouter et il nous a dit « Oui, OK, allons-y ! ». Mais il a fallu qu’on se rappelle comme le jouer.
NB : Mais c’était cool quand Gerry était avec nous, c’était très fun de jouer ses morceaux…
RMG : Mais ça nous ramène aussi au concept des musées, ce genre de choses. On ne veut pas être un groupe héritage, on ne veut pas jouer les morceaux de Gerry comme des pièces de musée. On veut apprécier le fait d’être vivant dans l’instant présent.
NB : De toute façon, j’aurais du mal à nommer un morceau en particulier que je trouverais au-dessus des autres. Ils étaient tous fun à jouer ! Tu sais quand Gerry a décidé de quitter le groupe on s’est dit « OK, voilà une nouvelle opportunité qui s'offre à nous ». On voulait tous continuer, ce n’était pas le cas de Gerry, on s’est alors demandé « Que va-t-on faire ? Quelles sont les opportunités ? ». Mais ce morceau, Middle of the road, est un bon exemple de morceau qu’on n’aurait jamais joué sur scène si Gerry n’avait pas quitté le groupe. Et puis tout se passe bien avec lui, nous avons toujours une bonne relation.

Diriez-vous que son départ a ouvert de nouvelles portes pour TEENAGE FANCLUB ?

NB : Absolument !
RMG : Je pense qu’il faut aborder toute situation en étant le plus positif possible, quelle qu’elle soit. Et en tant que groupe, je dis « Bonne chance » à tous ces groupes qui ont décidé de se reformer et de jouer leurs vieux morceaux… Je n’essaye pas de casser qui que ce soit, mais on a toujours eu envie d’être un groupe actuel. Dès qu’on a su que Gerry allait partir, à la minute même où on a terminé la tournée, on s’est dit « OK, allons faire un tour en studio ». Et c’est ce qu’on a fait en même pas deux mois. On a sorti le morceau Everything is falling apart quelques semaines après l’avoir terminé, ce qui nous a permis de regarder vers l’avenir. On voulait continuer à aller de l’avant.
NB : À vrai dire, il y avait déjà eu des changements importants dans le groupe. Ça a été le cas quand Brendan est parti…
RMG : Brendan avait une grande personnalité.
NB : Oui, une grande personnalité. Et puis tu fais en sorte de t’adapter. Les choses changent et les groupes évoluent tout le temps. Tu sais on blaguait dans le van sur ces groupes qui n’ont plus aucun membre d’origine, c’est quand même assez dingue quand tu y penses. Un groupe peut aussi être quoi que ce soit que tu veux qu’il soit. Ce que je trouve très intéressant également, c’est que Dave est un bassiste à la base et on l’utilisait comme claviériste ou guitariste et que sais-je, percussionniste, etc. Il se retrouve désormais sur son instrument préféré et ça change complètement notre son en termes d’approche de la basse, la sienne étant très différente de celle de Gerry. Tu peux donc saisir et apprécier cette différence. Et comme tu le disais plus tôt, le fait d’intégrer Euros a amené un parfum et une dimension différents au groupe.
RMG : C’est aussi que ce sont des gens… On ne voulait pas amener quelqu’un dans le groupe avec qui on n’avait aucune connexion. Euros a chanté et joué sur nos disques par le passé et ça fait des années qu’on le connait. Il a aussi ce groupe avec Norman, JOHNNY. J’imagine qu’on blague sur le fait que Dave est le petit nouveau, mais ça fait presque vingt ans qu’il joue avec nous ! Ce n’était pas comme si on allait chercher un leurre ou un sosie pour remplacer Gerry. C’était absolument impensable pour nous. C’est pour ça qu’on peut continuer à faire ce qu’on fait de façon naturelle. Steve connait Euros depuis des années, il y a donc là aussi une connexion naturelle. Je ne peux pas m’imaginer faire passer une audition à quelqu’un… Les groupes agissent pour plein de raisons différentes, mais on aime jouer avec des gens qu’on connait déjà. Ça a aussi à voir avec les connexions personnelles.
NB : On a plus de plaisir à tourner dans ces conditions, tu sais ?

Surtout si vous êtes sur la route pendant longtemps je suppose…

NB : Exactement !
RMG : En ce qui me concerne, c'est très important quand tu sais que tu vas te retrouver assis dans un van ou une voiture avec cette personne pendant des heures interminables.
 

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"Fascinés par les gens en général, rien qu'en voyant leurs réactions"

Endless arcade est un disque aux paroles plus tristes que d'habitude...

NB : De mon point de vue, ça ne fait aucun doute.

Mais ça ne vous empêche pas d'exprimer de l'optimisme malgré tout ?

NB : Je pense que nous sommes un groupe d'optimistes. Nous sommes des personnes plutôt positives. Je vais te donner un exemple : on avait un concert prévu en Galice il y a quelques années de ça. On a pris un vol jusqu'à Paris et il y a eu des soucis avec le vol suivant. À ce moment on aurait très bien pu nous dire « Oh et bien le concert est annulé, quel dommage, mais rien à foutre ! ». Au lieu de ça, on s'est plutôt dit « Et merde, allez, on va y aller en voiture ! ». On a donc fait la route de Paris jusqu'en Galice.
RMG : On avait très envie que ce concert ait lieu.
NB : C'est une approche que j'affectionne, mais oui, mes chansons sur le disque parlent de mon couple [Norman a composé ces chansons en plein divorce, NDLR] et je pense que tu finis toujours par écrire sur ce qui se passe dans ta vie. Il se trouve qu'à ce moment précis, ma vie n'allait pas pour le mieux, mais ça va beaucoup mieux depuis.

Est-ce que l'écriture pour ce disque a constitué une sorte de bouée de sauvetage ?

NB : Oui, complètement, je n'irais pas le nier. C'est assez drôle d'écrire à propos d'expériences douloureuses et de continuer à jouer ces morceaux sur scène par la suite, alors que tu ne ressens plus cette douleur. Je ne pense plus aux choses que je ressentais au moment d'écrire quand je joue les morceaux, donc tout baigne. Je suis content d'avoir réussi à sortir ces morceaux qui expliquent ce que je ressentais à l'époque. Rien que pour moi, tu vois ? Ça a effectivement eu un effet cathartique, comme tu dis.

Est-ce que vous vous concertez sur les thèmes de vos morceaux respectifs ou bien est-ce que vous le découvrez en studio ?

RMG : Des fois tu commences à composer un morceau et tu n'as aucune idée de quoi il parle, ça peut évoluer en fonction de ta façon de procéder.
NB : Il y a un drapeau qui se hisse à chaque fois qu'une idée te passe par la tête et tu finis toujours par trouver des choses qui correspondent à l'esprit du morceau. J'imagine que comme la plupart des gens, quand je joue de la guitare, je trouve une mélodie et j'attends ensuite que quelque chose d'approprié me vienne à l'esprit. C'est comme ça que je fonctionne en tout cas.
RMG : Il peut arriver qu'une idée précède le processus d'écriture et je pense qu'en jouant de la guitare, ce processus se développe. Mais on ne compare pas nos notes ou quoi que ce soit de ce genre : « De quoi parlent tes chansons d'après toi ? ». Ça vient juste à nous et on essaye de notre mieux d'en faire quelque chose. Des fois je pense à des choses qui n'ont pas vraiment de sens et je lutte pour que ça finisse par en avoir jusqu'à la fin de l'écriture du morceau. Je pense que toutes les bonnes choses sont enfouies quelque part dans ton subconscient et que tu dois te débrouiller pour les faire sortir d'une façon ou d'une autre.

Francis a récemment posté sur son blog sur le fait de jouer I don't want control of you sur scène en étant pleinement conscient que c'est une chanson que tu as écrite pour ta fille Norman, et que ça le rend parfois ému. Ça vous arrive souvent de ressentir ce genre de choses ?

NB : Pas vraiment parce que la plupart du temps tu te contentes de jouer le morceau et tu ne te trouves pas dans le même état d'esprit qu'au moment où tu l'as composé. Mais je pense qu'il peut arriver que tu aies des moments plus introspectifs pendant une tournée, ça n'arrive pas forcément souvent mais c'est quelque chose qui peut plus arriver au fur et à mesure que tu vieillis.
RMG : Je trouve que la meilleure chose qui puisse t'arriver sur scène sont les moments où tout se passe bien et ça provoque une montée d'adrénaline. Il s'agit d'être présent dans le moment plutôt que... Des fois tu te perds un peu dans tes pensées et tu te dis « Bon dieu ! Qu'est-ce que je suis en train de faire ? ».
NB : On essaye toujours de donner des bons concerts parce que les gens payent pour venir nous voir jouer. Ça n'est pas quelque chose qu'on prend à la légère, les places de concert ne sont plus bon marché désormais ! On veut s'assurer que tout sonne comme il faut. On essaye vraiment toujours d'être bons sur scène.

C'est assez marrant parce que le public peut trouver des points d'ancrage émotionnels dans vos chansons pour plein de raisons différentes...

NB : Oui, ça peut venir de plein de choses. J'ai un bon ami qui m'a remercié d'avoir joué un morceau en particulier l'autre soir. Il m'a dit qu'il viendrait au concert avec sa fille et que ça serait la première fois qu'elle nous verrait. Un de ses amis est mort la semaine précédente, ils avaient parlé ensemble de ce concert. C'était un moment assez émouvant et on lui a donc dédié le morceau. On a des gens qui viennent nous voir et nous expliquent la relation émotionnelle qu'ils ont avec tel ou tel morceau. Il y a des jeunes qui viennent nous dire qu'ils aiment le groupe parce que c'est ce que leurs parents leur faisaient écouter quand ils étaient enfants. Il peut y avoir ce côté nostalgique pour eux, c'est quelque chose qu'on apprécie.
RMG : C'est ce qu'il y a d'intéressant dans le fait de partir en tournée juste après la sortie d'un disque. Tu rencontres des gens qui te disent ce qu'ils pensent des morceaux sur l'album. On ne rencontre pas autant de personnes que d'habitude sur cette tournée parce qu'on se tient un peu à l'écart, on essaye de ne pas attraper de maladie, mais chacun à sa propre interprétation de nos morceaux. Il y a plein de chansons que j'aime qui ont une signification particulière pour moi, mais qui n'ont rien à voir avec ce qui se passait dans la tête des gens qui les ont écrites. La musique affecte les gens de façons différentes, chacun à sa propre réaction face à ça.
NB : En tant que musicien, il me semble important d'être conscient que pour les personnes qui ne baignent pas dans le monde de la musique, tout ce qui se passe dans les coulisses à ce côté un peu magique. Pour nous cela revêt un aspect beaucoup plus technique. Pour la plupart des gens qui vont voir des concerts, comme je le faisais gamin en allant voir The CLASH, c'est une expérience magique. Je n'avais aucune idée de comment ça pouvait se produire. Je n'avais aucune idée de ce qu'était un tour manager, les roadies et toutes ces choses.
RMG : Ce qu'il y a d'amusant quand tu es sur scène, c'est que les gens ne se rendent pas compte de tout ce qu'on voit.
NB : Tout le monde !
RMG : On voit tout le monde et des fois on voit même les expressions sur le visage d'une personne qui se trouve tout au fond de la salle. C'est incroyable toutes les choses que tu peux remarquer. Les gens vont au concert et ne réalisent pas qu'on les regarde aussi.
NB : Les gens pensent qu'on ne voit qu'une masse de têtes difformes, mais non, on voit chacun d'entre eux.

C'est une chose à laquelle je n'avais jamais réfléchi. Vous avez déjà repéré des choses bizarres ?

NB : Et bien, à vrai dire, les gens ont souvent l'air un peu ternes. « Oh, ils n'ont pas l'air de passer un bon moment ». Et à la fin du morceau ils applaudissent comme des malades.
RMG : Je pense que la plupart des gens sont comme moi parce que quand je vais à un concert qui me plaît beaucoup, j'ai tendance à ne pas trop le montrer. Mais il arrive qu'on voit des gens qui bougent et qui groovent, ils sont vraiment connectés à la musique, et c'est absolument génial ! Je pense que nous sommes tous les mêmes, fascinés par les gens en général, rien qu'en voyant leurs réactions.
 

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"Faire de notre mieux pour essayer de tenir ce cap"

Vous avez récemment sorti une nouvelle chanson, I left a light on. Il semblerait que TEENAGE FANCLUB soit plus prolixe que d'habitude en ce moment ?

NB : C'est notre intention. On est revenu sur notre façon de fonctionner qui fait qu'il y a toujours eu des longues périodes entre chacun de nos disques. Ça a aussi à voir avec la façon dont tu fonctionnes en tant que musicien, il faut que tu partes en tournée. Et il faut que tu aies de nouvelles compositions, à moins que tu ne sois un groupe héritage, ce qu'on essaye de ne pas devenir. On prend beaucoup de plaisir à se retrouver en studio. Mais c'est aussi beaucoup de travail, c'est un processus qui n'est pas évident. Ça ne nous empêche pas d'y prendre beaucoup de plaisir. On s'est donc dit « Bon, on aime bien partir en tournée, mais...» et on s'est aussi rendu compte que c'est toute notre vie. J'aurais bientôt 57 ans dans quelques mois. Je ne vais pas me trouver un nouveau métier ou une nouvelle carrière, autant en tirer le plus de profit possible.
RMG : On ne va pas devenir des astronautes ou des joueurs de foot.
NB : On saisit toutes les opportunités qui s'offrent à nous en se disant « OK, essayons d'enregistrer quelque chose aussi rapidement que possible ».
RMG : On repense à certaines choses, comme quand on est allé à Chicago enregistrer Man-made chez John McENTIRE [de TORTOISE, NDLR] et on s'est rendu compte que c'était il y a 18 ans. Parfois, quand on se dit qu'il faudrait qu'on ne tarde pas à enregistrer un nouveau disque, on peut se sentir un peu forcé à appuyer sur le bouton start, mais en termes d'inspiration, ça fonctionne mieux quand on sait qu'on va s'y mettre. C'est assez facile de se laisser porter, donc on essaye de l'éviter. Si on prévoit d'aller en studio dans deux ou trois mois, c'est plus simple de se concentrer sur le fait d'avoir une certaine intensité créative. On a clairement conscience ces derniers temps qu'il faut qu'on essaye de faire les choses de façon plus régulière.
NB : C'est très simple de se reposer sur ses lauriers, mais il y a des artistes qui sont incroyablement prolifiques et on a voulu le devenir, ne serait-ce pour le plaisir que te procure le fait de conclure un projet. C'est agréable si ce projet est bon, mais aussi parce que tu sais qu'il va à nouveau falloir être créatif après ça, c'est quelque chose de très positif. On va faire de notre mieux pour essayer de tenir ce cap.

Je me demandais si ce regain de créativité n'était pas également dû au fait d'avoir passé autant de temps le regard rivé dans le rétroviseur avec les concerts de la tournée Creation et les rééditions de vos vieux albums ?

NB : Absolument !
RMG : C'est une des raisons. On a trouvé ça cool de le faire, mais il y a aussi un côté un peu inconfortable dans le fait d'être en plein dedans et de ne pas vouloir trop en faire. Une fois qu'on a fini de regarder vers le passé, d'avoir réappris tous ces vieux morceaux pour le présenter au public du mieux qu'on pouvait... Ressortir en vinyle nos disques parus chez Creation est quelque chose dont nous sommes très fiers et qui nous a demandé beaucoup d'efforts, non pas que les gens s'en rendent compte, mais on sait que ça a été un succès quand les gens écoutent ces disques et qu'ils ne voient pas quand ils regardent les pochettes qu'on a dû tout reprendre à zéro parce qu'on avait tout perdu. On a dû faire en sorte de tout retrouver pour que rien n'y paraisse. On a fait tout ça parce que Sony a pris le relai et que tout a été perdu en route. À la base, les bandes existaient toujours, mais pas l'artwork. On a fini par réussir à tout retrouver en cherchant parmi tout ce qu'on avait plutôt que de se contenter de scanner les pochettes. On a fourni énormément de travail pour y arriver, mais à la fin de la tournée Creation on n'avait qu'une idée en tête : jouer de nouveaux morceaux. Et il fallait qu'on le fasse immédiatement plutôt que de se retrouver et d'y réfléchir ensemble.

C'est vous qui avez tout remastérisé ?

RMG : Oui.

Est-ce que ça vous a permis de découvrir de nouvelles choses dans vos morceaux ?

RMG : En fait, on est les seuls à savoir tout ce qui s'y trouve. Personne n'en a conscience, c'est pourquoi on a dû tout faire nous-mêmes. Je pourrais te montrer mon téléphone, j'ai des photos de toutes ces boîtes de bandes, parce qu'il faut aller dans un entrepôt et fouiller là-dedans, les trouver et les sélectionner, et comme il y a des prises différentes, j'ai dû chercher dans des boites chez moi pour trouver des notes où sont indiquées quelles sont les prises qui se retrouvent sur chaque morceau. Tu fais en sorte que tout ça fonctionne à nouveau. Mais à vrai dire, en écoutant ça à Abbey Road, les disques avaient un son différent. Mais on aime bien le résultat.
NB : Ce qui est chouette, c'est qu'on y est vraiment allé à fond et avec tout l'argent investi, on nous a laissé ajouter un 45 tours d'inédits avec chaque album. On a foncé !
RMG : Mais c'est très facile d'être flemmard et de laisser quelqu'un d'autre s'en occuper. On a toujours détesté rester posés, laisser quelqu'un d'autre s'en charger, et nous plaindre et pleurnicher quand ça ne fonctionne pas. On n'est pas du genre à nous plaindre de quoi que ce soit. On a donc dit à Sony « OK, on va le faire, on va aller chercher les bandes et s'occuper du mastering. On va s'occuper de l'artwork, on gère tout ». Évidemment nous étions très contents du résultat, mais on n'a pas essayé de faire des économies. C'était assez plaisant de retourner à la source et de réécouter tous ces trucs. On a trouvé que ça sonnait encore bien, même si on n'est pas du genre à réécouter nos disques, à part dans ce cas de figure précis. On a aussi travaillé sur pas mal de B-sides et des morceaux rares, on a un catalogue assez conséquent si on se décide à sortir ça un jour.

Ça tombe bien, c'est le sujet de ma question suivante. Comme tu l'as dit Norman, il n'y a que deux morceaux inédits qui accompagnent chaque album, vous avez déjà pensé à sortir une compilation de morceaux rares ?

NB : Oui, en effet.
RMG : On y a pensé, oui. Il viendra un moment où ça se fera. On ne sait pas encore quand exactement mais ça finira par arriver.
NB : Il faudrait qu'on voit avec Gerry ce qu'on pourrait mettre dessus, mais il y a un sacré paquet de morceaux parmi lesquels choisir. Ça fait des années qu'on en parle.
RMG : Si on arrive à tous nous mettre d'accord sur la forme que cela doit prendre, je ne pense pas qu'on aurait besoin de tout sortir. De toute façon tu peux facilement trouver tout ce qu'on a fait de nos jours, mais ça serait pas mal de sortir un vinyle simple avec une douzaine de titres et faire ça de façon convenable. Mais comme je le disais, on n'en est pas encore à un stade avancé. On n'a pas encore contacté Gerry à ce sujet, mais il se peut que ça finisse par se faire. Ça fait une vingtaine d'années qu'on le dit. On finira bien par le faire.

Vous parliez de Middle of the road et Broken, je verrais bien The shadows également...

NB : Ah oui, elle est pas mal aussi !

Est-ce qu'il y a des morceaux que vous avez regretté de ne pas avoir mis sur vos albums ?

NB : Broken et Middle of the road. Je pense qu'on aurait pu faire un double album pour Songs from northern Britain, avec pourquoi pas The count aussi. On aurait pu, mais ça ne s'est pas fait. Ça s'est passé différemment, et ça n'est pas un souci.
RMG : On a fait pas mal de morceaux dans les années 90 quand Creation voulait sortir deux CDs différents pour chaque single. Certains de ces morceaux sont très bons, et d'autres sont vraiment mauvais. Il y a des très bonnes chansons comme Some people try and fuck with you par exemple. On pourrait sélectionner des morceaux de plein de périodes différentes.

C'est assez étonnant que vous n'ayez jamais sorti de disque live...

NB : Oui, mais c'est assez compliqué. Je pense que ça n'est pas évident, il faut trouver la bonne salle et le bon concert.
RMG : On en parlait l'autre jour, j'ai plein d'enregistrements à la maison, des concerts qui remontent jusqu'à 1991 pour certains. J'ai trop peur d'y jeter une oreille.
NB : C'est très compliqué de s'écouter en train de jouer.
RMG : On devrait peut-être archiver tout ça et le transférer, mais ça me semble représenter beaucoup de travail et ça a un aspect assez effrayant de réécouter tout ça... Parmi toutes ces heures d'enregistrements il y a peut-être quelques moments qui valent le coup.
NB : Il va sûrement falloir qu'on paye quelqu'un pour écouter tout ça à notre place.
RMG : Oui, ou bien développer une sorte de casque, comme une protection contre la douleur psychique que va engendrer l'écoute de toutes ces bandes.

Vous avez énormément collaboré avec des groupes très différents au fil des ans. Je me demandais si The sun won't shine on me était une sorte d'hommage à Daniel JOHNSTON ?

NB : En fait, non. On a tourné avec lui et fait des choses ensembles, et c'est vrai que le titre pourrait venir d'un de ses morceaux. C'était vraiment chouette de faire tout ça. L'artiste qui m'a permis de jouer avec lui est Jad FAIR, on a aussi fait un album ensemble, c'est un très bon ami à nous. A vrai dire, je repensais à ça l'autre jour en me baladant avec ma guitare acoustique, que Daniel a signée à la fin de notre tournée, c'était génial. Je me souviens que c'était il y a déjà quelque temps, genre 15 ans, ce qui est dingue parce que j'ai l'impression que c'était hier. J'ai joué avec Katy McCARTHY à Madrid il y a quelques années quand Munster records a sorti un coffret de rééditions de Daniel JOHNSTON.

Vous avez aussi collaboré, et c'est beaucoup plus surprenant, avec DE LA SOUL pour la B.O. de Judgment night...

NB : Ah ah, oui !
RMG : Je me souviens que quelqu'un avait eu cette idée d'associer des groupes de rock avec des artistes catalogués hip-hop, on nous a demandé si ça nous dirait de faire un morceau avec DE LA SOUL et on s'est dit « Oui, c'est une putain de bonne idée en fait ! ». On était dans un studio à Manchester et on a juste improvisé, c'était super !
NB : On s'est ensuite envolé pour Chicago pour faire un clip pendant tout un week-end, et c'était terminé. Mais c'étaient des gens adorables, ça s'est fait très rapidement. Je crois qu'ils ont posé...
RMG : Ils ont posé un beat ou bien est-ce qu'on a commencé par leur jouer un truc ? On a fait un peu n'importe quoi, ils ont posé leur beat et on les a suivi avec nos instruments. C'était très instructif de voir comment ils fonctionnent. Leur façon toute naturelle de travailler avec des samples et des beats, ce genre de trucs... La façon dont ils assemblaient le morceau pendant qu'on jouait de la guitare.
NB : D'une certaine façon, Tom PETTY était également impliqué parce qu'ils ont utilisé un sample de Free Fallin'.
RMG : On a dû demander la permission pour l'utiliser, c'était bien marrant. On a beaucoup ri en faisant le clip aussi parce qu'il est tellement ridicule. On tapait tous dans nos mains autour d'un faux volcan avec de la fumée qui en sortait et il y avait quelqu'un avec des ailes d'ange, on s'est juste dit « Mais c'est quoi ce bordel ? ».
NB : On n'avait absolument aucune idée de ce à quoi le clip allait ressembler, on nous donnait juste des indications : « OK, mettez-vous par là... OK ! ».
RMG : Ça aurait aussi bien pu être une blague. Je me rappelle que le type qui faisait le clip essayait de leur faire faire des trucs typiquement hip-hop, c'était assez drôle. C'étaient des mecs super sympas, on a beaucoup ri avec eux.

Beaucoup de groupes ont rendu hommage à TEENAGE FANCLUB au fil des ans. Il y a les exemples récents d'Evan DANDO des LEMONHEADS qui a joué deux de vos morceaux sur scène récemment. Quant à Ben GIBBARD (DEATH CAB FOR CUTIE), il est allé jusqu'à reprendre l'intégralité de votre album Bandwagonesque. Qu'en avez-vous pensé ?

NB : Ouais, il a repris tout l'album ! C'est super et hyper flatteur que Ben ait tout joué. Quand j'ai appris qu'il allait le faire je me suis dit « Bonne chance mon gars ! ». Il me posait des questions sur les chansons et les paroles « Hé, c'est quoi cet accord ? », je n'en avais aucune idée : « Tu n'as qu'à en inventer un ! ». Ben est un fan de TEENAGE FANCLUB, il a joué plusieurs fois avec nous mais en ce qui me concerne, je lui ai retourné la pareille pendant quelques concerts acoustiques que j'ai donné récemment où je reprenais le morceau qu'il a écrit pour The MONKEYS, Me & Magdalena qui est un morceau magnifique. On le connait depuis un sacré bail. Même chose avec Evan, on ne l'a pas vu jouer ses reprises récemment, mais on en a entendu parler via son tour manager.

Y a-t-il une reprise d'un morceau de TEENAGE FANCLUB qui vous a plus plu que les autres ?

NB : Oh ! J'essaye de réfléchir à des morceaux de nous que des gens ont repris... Oh, tu sais quoi ? Il y en a un que j'aime énormément, c'est J MASCIS qui reprend Everything flows pour une PEEL session, et ce pour plusieurs raisons : déjà parce qu'il y a Mike WATT à la basse, et surtout parce qu'il y a Ron ASHETON à la guitare ! Les putains de STOOGES et l'un d'eux joue mon morceau ! J'aime bien J, c'est un bon mec. Je me rappelle que quelqu'un m'avait téléphoné : « Tu devrais écouter John PEEL, il y a J MASCIS qui joue Everything flows ! ». Depuis, j'ai vu quelques vidéos avec Ron ASHETON qui joue dessus. C'était un line-up incroyable ! C'était génial d'entendre ça. On sait aussi que Phoebe BRIDGERS est une grande fan du groupe, elle nous a déjà vu sur scène plusieurs fois, donc on espère qu'elle va finir par reprendre une de nos chansons... juste pour les royalties ! Je plaisante, évidemment.
 

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"Quelque chose de spécial avec les gens à Glasgow"

Vous évoquiez tout à l'heure l'enregistrement de Man-made avec John McENTIRE à Chicago, comment vous êtes-vous retrouvés à collaborer avec lui ?
RMG : On réfléchissait à faire les choses de façon différente. On voulait aller dans un endroit différent vu qu'on avait déjà visité la plupart des studios au Royaume Uni, ou du moins ceux qui nous intéressaient. On en a parlé tous ensemble, et Gerry l'a proposé, après avoir enregistré un album des PASTELS avec John.
NB : Hé, mais j'étais sur ce disque également !
RMG : On s'est donc dit que John serait parfait, et on a décidé d'aller dans son studio. Je crois que je lui ai un peu parlé avant qu'on y aille.
NB : Normalement on apporte tout notre équipement avec nous, mais on a utilisé les guitares et les amplis de son studio. On a passé des super moments là-bas. On y est allé deux fois...
RMG : On y est allé pour tout enregistrer, puis on y est retourné pour le mixage.
[NDLR : Le portable de Norman se met à sonner.]
NB : Oh, j'ai laissé ma sonnerie, désolé. Je ne sais pas qui m'appelle, je ne vais pas répondre.
RMG : On est donc allé à Chicago pendant l'été et on y est retourné pendant l'hiver, on a donc eu droit aux deux facettes extrêmes de la météo chicagoanne. Je me souviens quand on est arrivé la deuxième fois, il faisait tellement froid, mais j'ai trouvé super de vivre l'expérience de ce temps extrême, même si John n'était absolument pas du même avis. Nous étions complètement fascinés par le côté brutal du temps. Mais c'était chouette, on a passé de très bons moments. On a bien découvert la scène culinaire locale en suivant les conseils de John. Ça nous a beaucoup plu et on n'a pas travaillé trop dur. On s'est perdu quelques fois, c'était plutôt positif.
Diriez-vous que l’environnement dans lequel vous vous trouvez influence l'enregistrement de vos disques ?
RMG : Oui, absolument, c'est le cas. Tu sais, tu retires toujours quelque chose de l'endroit où tu te trouves. On a enregistré Endless arcade à Hambourg et Here en Provence, au studio Vega. On a été influencé par tous les endroits où on est allé enregistrer. Tu peux mieux te concentrer en étant dans un endroit que tu n'as jamais visité ou en te trouvant quelque part où tu n'as pas été depuis longtemps. Une partie de l’identité d'un disque vient de l'endroit où il a été enregistré. L’environnement dans lequel on se trouve est important pour nous, et ça se retrouve dans notre musique.
Je ne connais pas Hambourg, mais je suis complètement d'accord en ce qui concerne Here, que vous avez enregistré à Carpentras. C'est assez facile d'imaginer des paysages campagnards et ensoleillés quand on écoute les morceaux.
NB : Oui, carrément. C'était un superbe endroit, un grand studio avec un très bel environnement. On s'est bien amusé là-bas, hein ?
Comment l'avez-vous trouvé ?
NB : Je l'ai trouvé sur internet.
RMG : Je crois que je l'avais déjà vu plusieurs fois en faisant des recherches. Je m'étais dit «Hé, mais ça a l'air intéressant ». La personne qui tient le studio, Manfred KOVACIC était complètement estomaqué que des types de Glasgow veuillent enregistrer là-bas quand je l'ai contacté... « Je n'arrive pas à faire venir des groupes de Paris alors que ce n'est qu'à deux heures en TGV ! Je raconte à tout le monde que ces gars ont conduit depuis Glasgow pour venir ici ! ».
NB : Il y avait une magnifique console de mixage.
RMG : Oui, c'était une vieille console DMI qui venait de Passy, à l'époque où le vieux studio DMI était à Paris.
Vous vous êtes mis à sortir vos disques via votre propre label, Pema, tout en les sortant aussi chez Merge. Y a-t-il des différences notables à sortir des disques via un label qui appartient à des groupes, plutôt que de sortir des disques chez Creation, par exemple ?
NB : On a toujours eu de bonnes relations avec tous nos labels. Merge est un label accueillant pour les artistes parce qu'il a été lancé par des musiciens [NDLR : SUPERCHUNK]. On a pour habitude de leur livrer un produit fini.
RMG : C'est aussi dû au fait que quand on a commencé, on faisait nos albums nous-mêmes sans aucune aide extérieure. En ce qui concerne le processus de sortie, on a des relations amicales, mais on n'a jamais eu le point de vue de nos labels pendant qu'on faisait nos disques. On est plus impliqué avec eux une fois que le disque est terminé, mais comme nous avons démarré le groupe en faisant tout tous seul, on aime bien partir quelque part et faire ce qui nous semble opportun. On ne discute avec personne et on n'a pas besoin de planifier un budget. C'est notre propre argent, ça n'est donc pas un problème. Si on dépense trop, c'est notre souci !
NB : J'aime bien l'idée de dire « Voilà notre disque, si il vous plaît, vous pouvez le sortir, sinon, ce n'est pas grave ». C'est une discussion très simple. Et quoi qu'il arrive tout roule, il n'y a pas de rancœur. Raymond s'occupe de la plupart des étapes de l'assemblage des albums et c'est une bonne façon pour nous de sortir nos disques. On aime avoir le contrôle là-dessus. Sinon il y a toujours quelque chose qui va aller de travers et on ne veut pas avoir qui que ce soit à qui adresser des reproches, en disant que c'est de leur faute. On veut endosser la responsabilité sur tout ce qu'on fait.
C'est une attitude très noble !
NB : Ben, c'est honnête.
En parlant de SUPERCHUNK, vous vous êtes tous les deux retrouvés à faire des chœurs sur le dernier single du groupe, Endless summer.
NB : Ouais, Mac (McCAUGHAN) nous a contacté quand on était à Glasgow et nous a demandé de faire des prises vocales. Il nous a envoyé les fichiers et on a tout enregistré chez Raymond. On lui a renvoyé le tout et hop, on s'est retrouvé sur le dernier album de SUPERCHUNK. En fait, le premier concert qu'on a joué à New York était avec eux. Je crois que c'était la soirée de lancement de Matador records. C'était probablement en 1990, ça fait donc longtemps qu'on les connaît. Ce sont des gens très sympas, adorables. On a aussi rencontré YO LA TENGO ce soir-là. Il me semble qu'on a rencontré SONIC YOUTH aussi à ce moment. On est très amis avec YO LA TENGO.
Il semblerait que votre amitié ait passé l'épreuve du temps puisque vous avez joué avec eux sur I heard you looking il y a quelques années pendant une croisière indie rock...
NB : Ah oui, c'était génial ! En fait, je l'ai joué deux fois avec eux, parce que je les avais déjà accompagnés sur ce morceau à Glasgow. Ira (KAPLAN) est un très bon ami, Georgia (HUBLEY) également. Évidemment, nous sommes amis avec James (McNEW) aussi, mais je connais très bien Ira et Georgia.
Tenez bon, il ne me reste plus que quelques questions... À une époque pas très lointaine, on entendait The concept dans tous les romcoms hollywoodiennes et votre reprise du Take the skinheads bowling de CAMPER VAN BEETHOVEN a également été utilisée pour la scène d'ouverture du Bowling for Columbine de Michael MOORE. Ça vous tenterait de composer une bande originale de film ?
NB : Si quelqu'un nous propose de le faire, on y réfléchira forcément.
RMG : Je crois qu'il faudrait qu'on fasse un peu de réseautage. J'ai l'impression que c'est quelque chose qui nous fait un peu défaut. L'idée de créer des choses pour accompagner le film de quelqu'un est en tout cas excitante.
NB : En général, Raymond et moi composons, mais il nous est arrivé d'improviser pour composer dans le passé, comme quand on a enregistré notre album avec Jad FAIR. Ce n'était pas vraiment de la composition en soi. On a échangé nos instruments et tout le monde suivait quiconque trouvait une idée, c'est comme ça que les morceaux du disque sont nés. On pourrait aussi réfléchir à l'idée de sortir un album instrumental un de ces quatre.
RMG : C'est quelque chose qu'on a déjà évoqué entre nous, même si c'est quelque chose qu'on finit par vendre uniquement sur nos tournées. L'idée de sortir un album entièrement instrumental, sans aucune partie vocale serait assez différente. Il faudrait qu'on y repense !
NB : Je pense qu'on serait capable de faire n'importe quoi.
RMG : Ce n'est pas qu'on n'aime pas écrire des chansons, mais il nous semble plus facile de se laisser porter par la musique. On pourrait enregistrer et mixer à longueur de journée. En tant que musiciens, on aime bien se faire un peu violence, créer quelque chose avec une mélodie et des paroles. Ça nous semble requérir plus d'efforts.
L'année dernière semble avoir eu une importance particulière pour l’Écosse, musicalement parlant. Outre Endless arccade, MOGWAI a enfin gravi la première place des charts avec As the love continues, pendant qu'ARAB STRAP a sorti un superbe album, marquant leur retour. Qu'est ce qui rend la musique calédonienne si spéciale selon vous ?
RMG : D'un point de vue local, on pense plus à Glasgow qu'à l’Écosse. Tous les groupes que tu cites viennent de là, plutôt que d’Edimbourg ou ailleurs.
NB : Il y a une grande densité de population à Glasgow. C'est pareil si tu vas à Manchester, qui est aussi une ville très musicale. Glasgow compte 700 000 habitants mais on arrive à 2 millions si tu comptes la métropole. C'est donc lié à cette densité, mais aussi au fait d'avoir une bonne école d'art. Peut-être que la ville est suffisamment petite pour que les connexions puissent se faire facilement. Mais ça a beaucoup changé au fil des ans. Je pense que c'est lié à des facteurs différents. Il y a aussi de très bonnes universités. Il y a une forte densité de personnes créatives.
RMG : C'est marrant parce qu'on rencontre beaucoup de gens qui nous disent « J'ai déménagé sur Glasgow parce que je voulais monter un groupe ». Beaucoup de monde considère Glasgow comme une ville musicale et c'est génial. Il y a quelque chose de spécial avec les gens à Glasgow. Pas tout le monde évidemment, mais il y a tellement de gens qui veulent jouer dans un groupe ou avoir des activités artistiques. Plus tu vas réfléchir en termes locaux, plus ton identité va être marquée. Mais on voit vraiment ça comme un truc propre à Glasgow. Y a quelques groupes pas mal qui viennent d’Edimbourg aussi hein... JOSEF K. c'était pas mal. Nan, JOSEF K. était un super groupe !
NB : Je dois reconnaître que je ne connais pas beaucoup de nouveaux groupes locaux. C'est en partie dû au fait d'être vieux, ça serait assez triste si j'avais encore le doigt sur le pouls de la ville à ce niveau. Ça n'est pas comme ça que se passent les choses. Et il y a sûrement tout un tas de groupes qui n'ont jamais entendu parler de nous. C'est on ne peut plus normal là aussi.
RMG : Il y a des millions de choses dont on n'a jamais entendu parler. Il y a plein de scènes musicales différentes. Plein de genres différents. J'imagine que la musique électronique a toujours eu une place importante à Glasgow. Il y a plein de facettes différentes, pas uniquement un ghetto de groupes à guitares. Et je pense que c'est une bonne chose.
Je pense qu'on va pouvoir s'arrêter là-dessus...
NB : Hé, tu as vu, on est arrivé à bout de tes questions !
Bien joué les gars, et merci beaucoup !

 

Article et propos recueillis par Eric F.

(11 octobre 2022)
 

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Pour prolonger...

TEENAGE FANCLUB : Bandcamp
TEENAGE FANCLUB : site web

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Dans nos archives sonores :
All you need is (Gerard) LOVE,
                    par Eric F. (25/06/21)
TEENAGE FANCLUB : Not your average heritage band, 
                    cette interview en version originale (04/10/22)

Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #742 (30/06/2021)

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Photograpies  : Estelle F.
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