Avant la bûche et les dents du fond qui baignent, voici les chansons coups de cœur
de quatre membres de la rédaction du Casbah Webzine.
Sobriété énergétique oblige, pensez à couper les lumières et à baisser le chauffage.
Rien n'empêche de monter le son, tout en regardant tomber la neige.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX"Les meilleures chansons de Noël sont celles qui s’ignorent"
G r o t o t o r o [en direct de Genève]
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Et voilà, c'est reparti pour un top 5 hivernal cette fois, et vu qu'hivernal rime avec Noël, Merry Christmas à tous ! Nous, on a décidé de faire un cadeau à notre rédac' en chef préféré, bingO ! Et parce que c'est un sujet de discussion qui revient constamment entre nous, eh bien, cette micro playlist (cinq titres, on peut pas parler vraiment de playlist, si ? ), elle ne sera qu'en français. Et hop ! On comprend pas pourquoi les groupes et les artistes (mâles tout autant que femelles ou indéfinis) français se perdent continuellement dans l'anglais, alors que la langue de Molière et Cie est si riche. Un peu d'anglais ok, c'est sympa, mais que de l'anglais, pour un groupe ou un artiste francophone de langue maternelle, c'est triste, pire quand y a pas l'accent. Mes oreilles en frétillent de douleur rien qu'à l'idée. Et pour prouver qu'on peut faire des petites merveilles en chantant en français, aujourd'hui, loin des BREL et des BRASSENS, des GAINSBOURG et des Gainsbarre, voici 5 nouveautés (ou presque), brillantes d'intelligence et de fraîcheur. Bonne écoute à toutes et tous !
Alice PAROISSIEN & ESSENZ - Illusion
[single (autoproduction, 2022)]
Commençons par nous contredire (même si, ici, c'est le suisse allemand qui remplace l'anglais), histoire de bien montrer qu'aucun dogmatisme ne sous-tend notre pensée. La douceur de la voix d'Alice enchante et berce avec bonheur, dans le cocooning hivernal au pays des merveilles, avec une telle efficacité qu'il serait bête de s'en priver.
Zoufris MARACAS - J'aime pas travailler
[Prison dorée (Wagram music, 2012)]
Un petit clin d'œil à notre grand ami marseillais dont c'est la chanson préférée durant ses journées aux fonds des cales. En fait, dans ses rêves, il aime pas travailler, mais dans la réalité vraie, il bosse comme un fou... la vodka aidant et sa femme aussi !
Gilbert FOREVER - Ab
[Standard (Fairplay records, 2022)]
Très très peu d'infos sur cet album et son auteur, dont on dit qu'il serait Genevois (Suisse quoi). Pour le reste, Ab fait partie des dix courts morceaux tirés au cordeau, avec un texte travaillé et plein de surprises, en particulier l'intro qui n'a pas grand chose à voir avec le reste, histoire d'en embêter quelques-uns un peu trop... à droite !
Bertrand BELIN - Que dalle tout
[Tambour vision (Wagram music, 2022)]
À l'ancienne, chanson à texte sur musique électro, dérision et causticité. On adore. Idéal pour passer Noël en solitaire !
ANTOINO - Utopie
[single (autoproduction, 2022)]
Pour finir, un Fribourgeois (un autre Suisse) qui chante jeune, des choses de jeunes, avec des mots de jeunes, pour les jeunes, mais qu'importe ! C'est bien fichu, dansant, amusant et montre que le français, c'est plus vaste et généreux qu'on ne l'imagine, même pour écrire des chansons. Alors oublions SHAKESPEARE un petit peu, voulez-vous ? car "si je réfléchis trop, c'est la loose. Oh oh" !
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P a u l M é g l o t [L’art des choix]
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Neige neige blanche, tombe sur mes manches, et sur mon tout petit nez, il est tout gelé.
ARCTIC MONKEYS - Mr Schwartz
[The car (Domino Recording, 2022)]
De retour, tel un espion qui venait du froid, Alex TURNER croone sur du velours. Un soupçon de picking, un autre de bossa, quelques cordes, et notre petit cœur se dégèle.
SCRITTI POLITTI - Snow in the sun
[White bread, black bear (Rough Trade Records, 2006)]
Les meilleures chansons de Noël sont celles qui s’ignorent. Comme cette déclaration d’amour en forme de comparaison avec la neige qui brille sous le soleil. Green GARTSIDE fait une nouvelle fois fondre notre réticence au romantisme.
BLACK SABBATH - Snowblind
[Vol. 4, (Vertigo,1972)]
Pas sûr que la neige en question soit de l’eau cristallisée, quand on connaît le goût immodéré d’Ozzy pour la poudre. Mais rarement la puissance du Heavy Metal a côtoyé avec autant de beauté les cimes blanchies de l’hiver.
Donald FAGEN - Snowbound
[Kamakiriad (Reprise, 1993)]
Evadé de STEELY DAN, Donald, sans ses neveux se retrouve enneigé jusqu’au cou, sous une avalanche de sons délicieusement ringards. L’onctuosité de ce jazz rock de vieux nous interroge sur ce qui tombe actuellement du ciel : des flocons ou de la chantilly ?
MY BLOODY VALENTINE - Soft as snow (but warm inside)
[Isn’t anything (Creation, 1988)]
Aucun groupe n’a jamais su aussi bien souffler le chaud et le froid dans nos pavillons auriculaires. La voix neigeuse de Kevin SHIELDS est ensevelie sous les guitares abrasives et on pourrait passer tout l’hiver à se laisser envelopper par le manteau sonore.
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b i n g O [redac' chef tatillon]
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Meskerem MEES - Best friend
[Caesar EP (MayWay Records, 2022)]
La coolitude de Suzanne VEGA, la nonchalance du flow urbain de Loulou, l'anti-folk des MOLDY PEACHES : la Kimya DAWSON belge des années 20 coche toute les cases new-yorkaises. Et qu'importe si son mini-hit folk sonne Lo-Fi fake (on sait faire des merveilles désormais en studio ! ), on en profite avant qu'elle ne devienne méga star et nous les brise menu par trop d''exposition médiatique.
Cass McCOMBS - Unproud warrior
[Heartmind (Anti-, 2022)]
Sur le marché de l'Americana, il était là dix ans avant Kéké le MORBY. Un jour, il faudra que Cass McCOMBS soit enfin reconnu comme l'un des meilleurs songwriters américains du XXIème siècle (la preuve ici). La chanson choisie est belle comme une rencontre entre Will OLDHAM et CROSBY, STILLS, NASH & YOUNG.
Barton HARTSHORN - Dragon gone fly
[Manchester sun (Diggers Factory, 2022)]
Cet anglais, troubadour et voyageur, insuffle de l'Americana à sa Folk ; sur ce titre, il fait se rencontrer mélodies pop de Lloyd COLE et cordes mélancoliques du premier Nick DRAKE.
AMY LEE & The LOCO PROJECT BAND - Yours & mine
[Lost in confusion (VB Backstage, 10/06/22)]
Quand The CORAL fait des émules par chez-nous et que la chanson est au rendez-vous, on ne peut que saluer et féliciter. Bien joué les gars !
KENT - Il est trop tard
[Scherzando (At(h)ome, 2022]
Vous le savez, le chanteur français évoquant le temps qui passe, a trop souvent le propos plombé ou banal. Mais lorsque MOUSTAKI se frotte au sujet, on est largement au-dessus du panier (surtout quand les arrangements lorgnent vers les premiers COHEN). Repris par l'ex-STARSHOOTER, ce titre reste une merveille de douceur et d'élégance. Bien entendu, le reste du dernier album de KENT est fortement recommandé, même pour les anciens chasseurs-cueilleurs que l'on croise chez Leclerc et Picard.
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E r i c F. [serial rocker]
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Quelle meilleure période que l'hiver pour se caler sous une couette... avec une bonne série ? Voici donc une sélection 100% séries avec des morceaux entendus dans des épisodes de séries que je n'ai pas vues, histoire d'éviter de malencontreux spoilers. Comme quoi, on n'entend pas que de la merde à la télé !
Angel OLSEN - Special
[Shrill (S01E02, 2019) // Phases (Jagjaguwar, 2017)]
Le set aussi maîtrisé que livré en toute décontraction d'Angel OLSEN et son magnifique backing band à L’Épicerie Moderne le 1er octobre 2022 a remporté tous les suffrages. Et tout cela en se passant du bien nommé Special, rareté issue des sessions d'enregistrement de l'album My woman, trouvable sur l'excellente compilation de b-sides Phases. Naviguant avec brio sur les terres arides du PALACE de Will OLDHAM, le morceau renvoie en quelque sorte l'ascenseur au barde de Louisville, Kentucky qui avait recruté OLSEN comme choriste à ses débuts. "Want to be special, something like your mother / Want to be someone else, not me, but another / Right here in this moment, I wish I could reach you / I'm just a vessel far away, I see you". Les paroles à elles seules semblent être un bon pitch pour Shrill, mettant en scène le quotidien d'une américaine en surpoids.
WYE OAK – Civilian
[The walking dead (S02E10, 2010) // Civilian (Merge records, 2009)]
Un cas intéressant. En utilisant cet übertube de WYE OAK, The walking dead a, à la fois, fait et défait un groupe. Car si Civilian est le troisième album du duo de Baltimore, c'est grâce aux vilains zombies que le groupe explose. Au sens propre comme au figuré. Dépassés par le succès et cette notoriété nouvelle, Andy STACK et surtout JEN WASSNER ont toutes les peines du monde à se remettre en selle, la chanteuse-guitariste développant même une allergie aiguë aux guitares. La suite se fera donc à grands renforts de claviers, basses et boites à rythme et allez, même un saxophone hyper kitsch fortement discutables musicalement parlant et sapant tout le travail incroyable d'un Andy STACK habituellement préposé à la batterie et aux claviers (en même temps s'il vous plait.) On revient prendre des nouvelles de temps en temps, mais le groupe ne semble pas encore sorti de cette phase, même s'il commence à remonter la pente. Vous pouvez par contre y aller les yeux fermés sur If children et The knot.
The GREENHORNES - Too much sorrow
[Sons of anarchy (S05E13, 2008) // Dual mono (Telstar records, 2002)]
Je ne sais strictement rien de Sons of anarchy si ce n'est qu'elle raconte le quotidien d'un gang de bikers et que ce démon de Marilyn MANSON y a fait une brève apparition. Pas forcément le genre de mecs à se faire plaisir avec les délicieux retro rockeurs des GREENHORNES. Quoi qu'il en soit, ce Too much sorrow (à peine pompé au Gloria de THEM) nous rappelle à quel point les néophytes (ou les blanc-becs selon les dictionnaires) restent le meilleur groupe de l'infatigable bassiste Jack LAWRENCE (La BLANCHE, DEAD WEATHER, RACONTEURS, KAREN O, JEFF THE BROTHERHOOD).
SIDEBOOB - Workers in the mine
[Orange is the new black (S04E05, 2016) // Sideboob (Autoproduit, 2014)]
“Workers in the maaaaaaaïne”. Aucun doute, cette voix reconnaissable entre mille est bien celle de Tim FOLJHAN. Le leader des magnifiques et défunts TWO DOLLAR GUITAR s'est échappé en solitaire et a accessoirement monté SIDEBOOB, groupe fictif attitré de la série fémino-pénitentière Orange is the new black. “There's workers in the mine, you don't know them well / But they're red blooded American boys trapped in a cold black hell / There's worker's in the mine, they could be your son / But not unless we reconnect the tunnel so they can come” : aurait-on ici la b.o. d'un émouvant sauvetage de mineurs coincés dans une mine ? Pas du tout, ce morceau n'est autre qu'une ode à la vasectomie du gardien de prison Joe CAPUTO. C'est stupidement addictif et ça me donnerait presque envie de m'y mettre rien que pour ça (à Orange is the new black, hein, pas la vasectomie...)
LOW - Nothing but heart
[Shameless U.S.(S06E12, 2011)] // C'mon (Sub pop, 2011)]
Passons sous silence l'adaptation yankee des aventures de l'inégalable ivrogne mancunien Frank GALLAGHER (aucun lien de parenté, mais son patronyme n'a pas été choisi au hasard) : tout cela n'est que prétexte pour rendre hommage à Mimi PARKER de LOW. Avec un titre qui résumerait à lui seul toute la classe de la batteuse à la voix angélique, parfait contrepoint à celle, plus cabossée, de son mari Alan SPARHAWK. Morceau épique tiré du très beau C'mon, Nothing but heart voit un SPARHAWK menant lentement sa guitare jusqu'à un geyser paroxystique, intense comme un Neil YOUNG des grands soirs. Mais sous ce déluge de décibels, c'est bien sa dulcinée qui lui vole la vedette, avec son jeu de batterie minimaliste hérité de Moe TUCKER et ses incroyables cœurs à fleur de peau, presque trop beaux pour être vrais. C'est tout sauf un hasard si le gratin du rock a rendu de vibrants hommages à Mimi PARKER, de Robert PLANT à Steve ALBINI, en passant par Chrissie HYNDE. Safe travels, Mimi.
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23 décembre 2022
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Photographies : Eric F., bingO, DR.
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