SLOWCORE WILL NEVER DIE, BUT YOU WILL / TACOMA RADAR

Chronique (2004/2025)
          Il est grand temps de (re)découvrir une merveille slowcore écossaise du début des années 2000, grâce à une réédition vinylique. 

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          Une mince éclaircie dans le ciel Glaswégien, strié par la lourde pluie écossaise. C’est probablement ce qu’ont dû voir les membres de TACOMA RADAR pendant l’enregistrement de No one waved goodbye au fameux studio Chem19. Cela collerait en tout cas à merveille avec leur musique, digne représentante d’un slowcore aussi impérial que réjouissant.
Quel dommage qu’il ait fallu plus de vingt ans pour qu’on s’en rende compte. Cela n’est pas évident à l’écoute de ces neuf morceaux, mais No one waved goodbye a été enregistré en 2002 et n’est sorti que deux ans plus tard, sur le petit label Andmoremusic, juste au moment où TACOMA RADAR jetait l’éponge. On ne pourra donc que remercier les estimables défricheurs de Numero Group d’avoir remis les écossais à l’honneur via une réédition en double vinyle de l’œuvre intégrale du groupe (un album, deux singles, plus un Live from the13th note). Un minimum syndical pour un groupe jusque-là resté bien éloigné… des radars (même pas une page Wikipedia à se mettre sous la dent).

Portées par la voix aussi sensuelle que mélancolique de Jennifer COSGROVE, les précieuses chansons de TACOMA RADAR ne perdent pas un seul instant (trente-sept minutes au compteur pour 9 titres) pour décocher leurs flèches, qu’on se prend en plein cœur. Car le groupe joue sur une corde sensible, avec un savoir-faire qu’on a déjà croisé chez tous les grands noms du genre (MAZZY STAR, LOW, CODEINE…). Mais c’est surtout à GALAXIE 500 qu’on pensera, tant les morceaux du groupe brillent par leur simplicité (rarement plus de trois accords par chanson) et cette volonté de mélanger son spleen à une pop trop maligne pour dire frontalement son nom.

On réalise rapidement que TACOMA RADAR brille de mille feux en jouant sur des contrastes nés d’un équilibre fragile : mélancolique sans être déprimant, inspiré sans être bavard, froid et chaleureux à la fois… Si on ne sait donc plus trop si c’est le soleil qui fait fondre la banquise, ou bien la glace qui gagne du terrain sur un environnement estival, le groupe donne cette remarquable impression de sérénité tout du long. Et même lorsqu’il se lance dans quelques ruades soniques, tirant les morceaux de leurs rêveries contemplatives. C’est notamment le cas sur le final réjouissant de Ghost channels, seul titre du disque à dépasser les cinq minutes. On pourra pourtant difficilement le qualifier de pièce centrale du disque, tant tous les morceaux maintiennent une qualité et une cohérence bluffantes de So much water jusqu’à Loneliness comes without a sound.
 
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tacoma-badge2.png, by Bingo


S’articulant sans grande surprise autour de la difficulté des relations humaines (de la séparation aux non-dits), les textes de Jenni COSGROVE font mouche de par leur simplicité, en totale adéquation avec la musique du groupe. D’une solitude absolue (« Your friends have all but let you down again / Yet, you still find the loneliest way to go / You map the fine lines / And your lonesome boundaries once more » sur Who’s gonna hold the line) jusqu’à des relations qu’on pourrait croire par défaut (« And it made me wonder how I never gave up on you ‘Cause it’s so hard to find a friend » sur l’impérial Left unsaid), on échappe pourtant au pathos grâce à des envolées vocales toutes en retenue et du plus bel effet, comme sur le très pop Pilothouse, bien aidé par une sémillante ligne de basse. Ou comment faire se confondre peines de cœur, solitude, espoir et réconfort.
On ne s'attardera pas trop sur les bonus de cette réédition où seul le single Tuckahoe surnage. On s'enthousiasmera moins pour les versions demo de morceaux de l'album complètement noyés dans la reverb rendant leur écoute parfois douloureuse. Quant au live de quatre titres enregistré en 1999 par Brendan O'HARE (TEENAGE FANCLUB, MOGWAI), il est certes assez plaisant, mais on ne peut plus scolaire dans son mimétisme avec les versions studio. On pourra par contre louer l'intitiative du disquaire glaswégien Monorail Records qui propose une version Glasgow School de l'album, incluant badge, poster, mais surtout une délicieuse compilation concoctée par TACOMA RADAR réunissant toutes ses très recommandables influences (HOOD, YO LA TENGO, MOVIETONE, DIRTY THREE...).

Naviguant avec brio dans des eaux hyper balisées (les guitares de Take your time et Who's gonna hold the line rappelent furieusement les grandioses BEDHEAD) tout en apportant leur pierre à un édifice musical pas vraiment réputé pour sa capacité à se renouveler, TACOMA RADAR revient d’outre-tombe et impose finalement son unique album comme un véritable coup de maître, à ériger aux côtés des plus grandes réussites du slowcore. Mieux vaut tard que jamais.

 

Éric F.

(05 décembre 2025)

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TACOMA RADAR. No one waved goodbye
(Andmoremusic, 2004 / Numero group 2025)

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Pour prolonger...

TACOMA RADAR : Bandcamp

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Photographies : DR
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