Shakey Graves, Kevin Morby, The Abigails, Inaniel Swims [LIVE]

Pièges à gonzesses // par Lætitia Lacourt
Shakey Graves, Kevin Morby, The Abigails et Inaniel Swims : s’ils sont bien différents sur de nombreux points, ils ont pourtant un dénominateur commun : gros talent et bonne gueule, nous offrant sur un plateau la réunion de l’utile et de l’agréable. La preuve en live :
 
Shakey Graves | O’Sullivans Backstage by the Mill – Paris | 29 avril 2016
Il y a deux ans, j’avançais dans une chronique qu’il était compliqué de regarder une vidéo dudit Shakey sans que ça finisse par un filet de bave. De passage à Paris pour une date unique en France, je suis allée vérifier si le texan n’en rajoutait pas des couches avec les filtres Instagram et les effets micros. Premier constat, je ne suis pas la seule à baver. Le public est à 85% féminin. Et à 90% américain. Double peine. Je suis donc entourée de texanes qui m’envoient leurs cheveux dans la gueule tout en chantant très fort et par cœur les paroles du « nouveau phénomène Folk americana » comme on dit dans la presse sérieuse. Mais y’a t’il vraiment de quoi se pavaner ?
Ben oui. Parce qu’au Texas, il n’y a pas que des gueules de cul et de con à la JR Ewing. Il y a des types comme Alejandro Rose-Garcia (ça claque hein ?), 28 ans, look de cow-boy, mèche rebelle brune, barbe de 6 jours, tee-shirt noir, slim et boots, sourire d’ange et voix semi cassée qui te balancent une quinzaine de titres entre alt country et hobo folklo prouvant qu’il a non seulement une belle gueule mais aussi un talent inouï pour la mélodie et le picking. De fait, il n’a qu’à gratouiller les premiers accords d’une de ses chansons sur sa guitare acoustique pour embarquer son public. Late July ou Roll the Bones le prouveront (ovation, cris de joie) confirmant aussi qu’il a un vrai public et que personne n’est là par hasard ce soir. D’ailleurs c’est complet.
https://www.youtube.com/watch?v=ykS8Gqyx_Ig
 
Kevin Morby | La Maroquinerie – Paris | 6 mai 2016
J’ai lu sur mon mur FB après avoir posté une photo du concert : « Kevin Morby, c’est de la musique pour s’envoyer en l’air avec son partenaire traditionnel ». Planplan Morby ? Pas vraiment. Je me suis retenue de gueuler « Kevinnnnnn » entre deux chansons (cet instant de silence unique où même entouré de 300 personnes tu entends tousser tout au fond de la salle), mais franchement ça s’y prêtait parfaitement. Avec l’unique but de motiver les lecteurs d'aller le voir à La Route du Rock cet été, je peux vous certifier qu’un concert de Kevin Morby est beau à chialer. Boucles blondes et frémissements à chaque instant. Que ce soient Miles,Miles,Miles, All of my life, The ballad of Ario Jones, The Jester, the Tramp & the Acrobat mais aussi les petites nouvelles comme Singing Saw ou Dorothy, que ce soit avec ses 3 musiciens pour des envolées carrément psychés (formidables arrangements sur Harlem River), en solo pour un Water chanté dans un silence religieux et respectueux, ou encore pour une cover de Townes Van Zandt (No Place To Fall) : Kevin est parfait. Généreux, interactif avec son public (deux rappels au compteur et la satisfaction d’avoir toutes les chansons attendues), c’est aussi un mec touchant, brillant et simple. On n’en demande pas plus.
https://www.youtube.com/watch?v=IyXuebiGaDs
 
The Abigails | Espace B – Paris | 21 mai 2016
Pour saisir The Abigails ce soir là, il fallait soit être complètement drogué, soit perché. Et il me semble bien qu’une partie du public ce 21 mai, passe un peu à côté, puisque seule une bande au premier rang parait éméchée. On connaît The Abigails : 5 californiens (incluant l’ancien batteur des Growlers, Warren Thomas, reconverti au chant) auteurs de deux albums dont le dernier (« Tundra »), commence à vieillir un peu. Sur scène, la première chose qui frappe, c’est le mimétisme avec Brooks Nielsen. A croire qu’il y a une école Beach Goth du côté de Santa Ana ou une option particulière à l’Orange Coast College : ils ont tous la même façon de balancer leur micro comme une pute son boa. Pas aussi excitante qu’au Burgerama, leur prestation n’est pour autant pas inintéressante. A commencer par le chanteur, troublant et charismatique. Blindé de tatouages dont deux toiles d’araignées au front pour masquer un début de calvitie et un petit cœur sous l’œil gauche, Warren Thomas a ce pouvoir d’embobiner avec quelques ritournelles goth-country bien sombres, bien tristes, bien nonchalantes (The One Who Let Me Go, Story Of Pain, Medication, No Jesus, For you (reprise de Roky Erikson…). Assez mystérieux, évidemment fou, Warren Thomas paraît à l’opposé du groupe et surtout du guitariste, un quasi sosie de Robert Pattison, tee-shirt blanc moulant et jean Levi’s, tout droit sorti d’une pub Coca des années 90’s avec son look sexy de laveur de vitres. Il ne manque pas grand-chose pour que The Abigails soit très bons ou très captivants. Un nouvel album peut-être.
https://www.youtube.com/watch?v=HFQ1dL9pZ5w
 
Inaniel Swims | Riff Magnétique – Saint-Malo | 11 juin 2016
Récemment chroniqué dans nos colonnes via son autre groupe Sorry Sorrow Swims, Inaniel Swims bouclait sa tournée solo dans les remparts malouins. Ca commence avec Collection, un groupe de freak pop lyonnais. Si sur le papier ce n’est pas ma came, en live j’ai vraiment été agréablement surprise. 23h et des bananes, Inaniel Swims (chant/guitare) et ses musiciens s’emparent de la minuscule cave avec Mary. J’aime tout de suite sa façon de gueuler « Mary ». Ce type est définitivement un ascenseur émotionnel, utilisant les breaks, alternant sans cesse les rythmes, cassant les codes ou jouant avec, à la perfection. Résultat : toutes les mélodies y gagnent une putain d’intensité ! Même topo sur Billie et Uncle Yanco, également issues du dernier EP, sorti le 3 juin dernier. Puis vient le premier coup de cœur : E&I. Là où je rangeais Inaniel Swims dans la pop, le voilà mordant les plates bandes du Rock’n’roll avec une chansonnette qui flirte dans un cabaret et finit par jouir dans le garage. Epatant. Parmi les plus marquantes, on retiendra Some Stories (légère, fraiche, estivale, idéale), Lady Marmelade, Raining Friends et, la plus cinglante, la dernière, Ghost. Comme d’hab, ça commence mollo puis… l’ascenseur. Même pas au dernier étage. Et j’étais loin d’imaginer qu’Inaniel Swims, coiffé d’une très jolie casquette à pois, nous propulserait direct au 7ème ciel, chez les Punks.
https://soundcloud.com/inaniel-swims/ghost