Seasick Steve

Songs for Elisabeth (Atlantic, 2010) // Marlène Tissot
Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Seasick Steve c’est ce bluesman Californien avec sa salopette, son éternelle casquette et ses guitares modifiées (dont la fameuse Transe Wonder à trois cordes). Né en 1941 du côté d’Oakland, on pourrait croire son histoire tout droit sortie d’un récit de Kerouac ou de Jim Harrison. Fils d’un pianiste, il tente d’apprendre à jouer de l’instrument vers cinq ou six ans, mais échoue. À huit ans, il se met finalement à la guitare avec KC Douglas pour professeur. Entre temps, son père se fait la malle, sa mère se remarie et, à l’âge de treize ans, Steve quitte le foyer pour échapper aux maltraitances de son beau-père. S’en suivent des années de vadrouilles âpres et rudes sur les routes du Tennessee, du Mississipi et d’ailleurs. Il mène jusqu’aux seventies une vie de vagabond, travaillant ici et là quand l’occasion se présente et voyageant à l’arrache, planqué à bord de trains de marchandise (pour rester dans les références littéraires, on pense forcément au « Grand Partout » de William T. Vollmann).
Dans le courant des années 60, Steve commence à flirter avec la scène musicale et donne quelques concerts, rencontrant entre autres Janis Joplin et Joni Mitchell. Il bosse comme ingénieur studio, accompagne des groupes avec sa gratte sur quelques enregistrements, voyage en Europe, joue son blues dans le métro parisien en faisant la manche, rencontre sa femme en Norvège où il récolte également son surnom de Seasick (il a beau aimer la route, il n’a visiblement pas le pied marin). 
Au début des années 90, il retourne aux States et crée son propre studio d’enregistrement à Seattle (Des groupes comme Modest Mouse passent par chez lui, il se lie d’amitié avec Kurt Cobain). Ainsi, du haut de sa belle cinquantaine, Steve continue son bonhomme de chemin musical avec tranquillité et ce n’est que dix ans plus tard qu’il sort un premier album, « Cheap », avec les suédois The Level Devils. Quant à son premier véritable album solo, « Dog House Music » il arrive dans les bacs en 2006.
Aujourd’hui, Seasick pèse six albums et deux EP d’un blues intemporel, honnête, sans fioriture et il se fait discrètement mais sûrement un nom et une place dans la galaxie musicale.
« Songs for Elisabeth » l’EP dont il est question ici, sort en février 2010 en édition limitée et sous la forme d’une carte ou d’un cadeau de st Valentin. Il contient sept love songs dédiées à Elisabeth, compagne de Steve depuis plus de vingt ans. Un seul de ces sept titres est inédit, les autres provenant de ses précédents albums. Mais si ce mini-album offre une excellente entrée en matière pour qui découvre l’univers de Seasick, il n’en est pas moins un précieux témoignage de son évolution musicale. 
Bien que dédié à l’amour, rien de mièvre dans les sillons ici et le choix des titres reflète parfaitement l’honnêteté âpre qui caractérise les compositions du bonhomme. «Eight ball» en ouverture donne le ton avec son blues typique et «Walking man» poursuit en nous entraînant sur les routes chaudes et poussiéreuses de l’ouest américain. L’incontournable «Just like a king», duo avec le géant Nick Cave, est sans doute le meilleur titre de ce mini-album. Quant à «Ready for love», seul inédit ici, il vient clore l’ensemble en beauté, voix chaude posée sur un savoureux entrelacs de douceur rêche et de rythmique bluesy. 
Et si, après cette écoute, l’envie te prend de découvrir le personnage sur scène – et ça vaut le détour ! – dépêche-toi de réserver le 21 mai au Bataclan à Paris !