Se souvenir des belles choses // The PRETTY THINGS

La discothèque idéale (1970) // Trésor caché #008
          Enregistré en même temps et au même endroit qu’un certain Abbey Road, Parachute ressemble un peu à un autre disque des BEATLES. À la manière du White album, c’est un mélange hétéroclite et fascinant, démonstration de l’étendue des talents d'un groupe underground, resté volontairement sous les radars.

XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
pretty-things-avion_500.jpg

XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

          À côté des PRETTY THINGS, les ROLLING STONES font presque figure d’enfants de chœurs : le chanteur Phil MAY et ses acolytes ont les cheveux les plus longs et les plus sales du circuit londonien et leurs apparitions sur scène sont d’une sauvagerie inégalée. Le jeune David BOWIE est tellement impressionné qu’il enregistrera plus tard deux reprises du groupe sur son album Pin Ups. D’abord connus pour leur relecture fidèle du R&B de Bo DIDDLEY, à qui ils doivent ce nom qui contraste avec leurs apparences, les PRETTY THINGS vont élargir leurs horizons pour graver avant les WHO le premier opéra rock de l’histoire, le tortueux et fascinant S.F. Sorrow (1968). Le manque de succès de cet album audacieux, s’accompagne de choix de carrière douteux qui vont contribuer à maintenir le groupe dans l’ombre des groupes précédemment cités. Ainsi, ils refusent une invitation au célèbre Ed Sullivan Show pour lui préférer d’autres engagements nettement moins carriéristes. Mercenaires du millionnaire français Philippe DEBARGE avec qui ils enregistrent un album en 1969 qui ne paraîtra que quarante ans plus tard, ils se spécialisent également dans les BO de films érotiques, sous le nom d’ELECTRIC BANANA (sic).
 
pretty-things-1964-colour-2.jpg

 
Vol au-dessus d’un nid de casse-cou

Parachute, leur cinquième album, s’ouvre sur une courte introduction qui réunit tous les clichés du rock psyché et ne prend son envol qu’avec le fabuleux The good Mr Square, sa basse rondouillarde et ses chœurs imparables. La face A est en fait une suite de morceaux de moins de deux minutes. Elle rappelle le medley de la face B des voisins de Liverpool, qui enregistrent au même moment leur chef-d’œuvre ultime. Mais les PRETTY THINGS n’ont pas le même sens du perfectionnisme et l’ambiance est nettement moins lumineuse. In the square commence comme une chanson des BYRDS pour se métamorphoser en une mélodie inquiétante qu’on jurerait avoir inspiré le Paranoid Android de RADIOHEAD. The letter est un petit chef-d’œuvre pop, qui explicite le concept à l’œuvre tout au long de l’album : une opposition systématique entre la saine vie à la campagne, son mélange de tranquillité et d’ennui ; et l’existence citadine, remplies des vaines excitations et des tentations de la vie moderne. La première face se termine par un atterrissage brutal : deux blues-rock furieux qui rappellent que les PRETTY THINGS sont des cascadeurs qui ne visent aucune cible commerciale.
 
pretty_things_-_500.jpg


Grass land

Les PRETTY THINGS reprennent leur envol avec le somptueux Grass, ses volutes planantes et ses « rêves qui fondent au soleil », en ouverture de la face B. Pas sûr qu’il soit uniquement question de l’herbe qui nourrit les paisibles bovidés. Après un Sickle clowns qui rappelle les lamentations du Yer Blues de LENNON, un chant amoureux et surréaliste (She’s a lover) et un folk-rock byrdsien interrogateur (What’s the use), l’album s’interdit de revenir sur terre. La chanson titre Parachute est un sommet, sublime et mélancolique comme si les BEACH BOYS s’étaient échappés de leur Pet sounds pour se transformer en chevaliers de l’apocalypse. Le chant de la sirène qui retentit dans les dernières secondes n’est pas une jolie chose de plus, un gadget sonore peu coûteux, mais une véritable alerte, l’hallucination anxieuse de génies pris entre deux feux. Il ne manquait pas grand-chose à ces anglais pour rencontrer un succès mérité. Quelques singles plus évidents, un peu plus de douceur. Comme le personnage qui apparaît sur la pochette signée par le fameux collectif HYPGNOSIS, les PRETTY THINGS sont restés au milieu de la route, sans pouvoir choisir entre le miroir aux alouettes des gratte-ciels, et la simplicité d’une tulipe, parachute renversé.

 

Paul MÉGLOT

(09 septembre 2022)

XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
maxresdefault-2.jpg

XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
The PRETTY THINGS. Parachute (Harvest, 1970)
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX


À écouter de toute urgence, en prenant le temps :

The PRETTY THINGS. Emotions (Fontana Records, 1967)
The PRETTY THINGS. S.F. Sorrow (Columbia, 1968)
 

Pour prolonger...

Philippe DEBARGE & The PRETTY THINGS. Rock St. Trop (Madfish, 2009)
The PRETTY THINGS. Live at the BBC (BBC Studios, 2021)


XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #701 - Hommage à Phil MAY (03/06/2020)

XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
Photographies : DR.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX