Rock ‘n’ roll acide et déjanté

back to the 60’S // par Lætitia Lacourt
Textes complètement barrés, personnages excentriques, déclaration d’amour à un bouledogue roux, invitation salace au triolisme, gloire au m’enfoutisme ou au sadisme : le rock français fin sixties début seventies compte quelques perles aussi absurdes que merveilleuses. Tombés dans les oubliettes ou devenus complètement cultes pour une poignée de freaks, retour sur 3 morceaux qui sentent le mandrax à pleines narines.
Hymne aux drogues, incitations au triolisme, homosexualité assumée, tournée travelo-rock qui vire en show SM, titres censurés, albums retirés de la vente, maquillage glam et bas résille, rumeur d'une partie de jambes en l'air avec Bowie : le décadent Alain Kan est un personnage fascinant guidé par la provoc qui disparaîtra mystérieusement un jour d'avril 90 sur un quai de métro. L'énigme, même pas résolue par un Perdu de vue spécial Alain Kan, a accru le mythe de ce dandy bien trop excentrique pour la France puritaine coincée du cul de 75. Comme en témoigne la chanson Nadine, Jimmy et moi avec la narration d'un plan à trois finissant dans un bain de cris orgasmiques où l'on imagine sans difficulté que c'est un petit peu plus border qu'un simple coït dans lequel on attendrait gentiment que ça passe, en étoile de mer : « on a bien rigolé, On a fait l'amour, l'amour, l'amour, l'amour... C'est vrai qu'il est gentil, ton copain est bien fait, Ah, comme c'est excitant de faire l'amour tous les trois... ». Pour une version homo avec un Alain Kan explorateur de corps dans toutes ses profondeurs, on vous conseille « G.M blues ». Nettement plus crue.
« Les os friables de la came, J'étais le singe du travelo, Le cul rose sur le rebord du caniveau, Et ce petit doigt noir, Tu sais, qui caressait mon cul comme une plaie ouverte... » : aboiements zoophiliens, chant fragile, blues nostalgique, samplers de la voix de l'écrivain William Burroughs, le titre Long Song For Zelda est un cabinet de curiosités. Derrière ce titre, Dashiell Hedayat. Et derrière ce pseudo, Daniel Théron, plus connu sous un autre pseudo, Jack-Alain Léger. Une fois qu'on a épluché cet extrait de naissance un peu schizophrène, on découvre que l'écrivain, fils d'un critique littéraire, fut chroniqueur pour Rock & Folk et a publié deux albums, « La devanture des ivresses » sous le nom de Melmoth, et « Obsolete », en 71, produit à l'époque par un certain Bernard Lenoir... À mi-chemin entre le rock progressif et le psyché, « Obsolète » abrite cette pépite expérimentale de 7 minutes 45, en l'honneur d'un bouledogue roux nommé Zelda : « Que tu es beau bouledogue ! Que j'aime ta couleur rouquine Wouah-Wouah, Il a levé sa pine bleue pour pisser, Wouah-Wouah-Wouah ! ».
Autres tarés génialissimes, les Homards Violets. À la tête de ce groupe lyonnais des années 60, un certain JC Gaurdon, dandy négligé à souhait, anti conformiste surtout, qui a bien décidé de ne pas surfer sur la vague niaise des yéyés. Les 6 lascars finissent par enregistrer un EP DIY contenant 4 titres : Le sadique, existentialisme des années 66, le Clodo et Décolonisation. On est loin des petites ritournelles façon « l'école est finie, donne moi ta main » et le groupe n'échappe pas à la règle : censure et refus de distribution. Punk bien avant l'heure, le groupe excelle dans les textes provoc (le sadique est un titre assez gore) ou un brin anarchistes. OVNI des sixties, Existentialisme des années 66 (la voix n'est pas très éloignée de celle d'Eddy Mitchell) reste un titre marginal et fascinant au beat insolent : « La télé que l'on donne
, contre un an de travail, les parallèles se croisent, leur conformisme déraillent. Mais de cela, moi je m'en fous, car je veux vivre
, Vivre libre
, Vivre ivre
, Ivre de vie. »