La poudre de Berlinpinpin // Par Laëtitia Lacourt - Photo David Leprince
Capitale underground par excellence, il fait bon de visiter, chiller, pinter, manger à Berlin. Autant de spots qui se prêteraient volontiers à l'éclosion d'une bonne scène musicale garage, alternative, rock et indépendante. Mais ne rêvons pas, ce n'est pas le cas. On a quand même trouvé 3 bonnes raisons de s'y arrêter :
King Khan, un indien dans la ville
En vrai, King Khan bin ein Berliner pas trop. De son nom de baptême, Arish Ahmad Khan, cet indien canadien déjanté se présente comme un "James Brown façon Bollywood" et affirme être le Mohamed Ali du Rythme and Blues. Ce qui nous éloigne un chouaïa de l’Allemagne. Que ce soit entouré des 10 musiciens de The Shrines ou avec son acolyte BBQ, la musique de King Khan, à la fois psyché, garage, punk et soul ne se destine qu’à un seul objectif : un orgasme auditif. Et en concert, vêtu d’une cape et d’un slibuche en cuir, il vous faudra jouir également avec les yeux. Biberonné aux histoires Voodoo dès sa plus tendre enfance, King Khan est aussi chaud qu’une baraque à frites qui ne pense qu’à une chose : vous en mettre plein le cornet. Et rien de tel qu’un nouvel effort de King Khan pour vous filer la patate : sorti le 13 octobre dernier sur son propre label (Khannibalism Records Khan), Murderburgers est aussi son premier album solo. Enregistré et mixé par Greg Ashley en Californie, ce dernier est tout simplement sublime, superbe, magnifique, truffé de mélodies addictives : "It’s just begun", "Run Doggy Run", "Desert Mile", "Too hard too fast"…
Légèrement western mid-tempo, surf rock, soul pysché, garage funky, ce Murderburgers vous berce de la guerre à l’amour, entre rugosité et douceur, de la mélancolie à l’électricité, entre haine et désir, folie et dépit, perte et regret, espoir et vie. En gros, cet album pourrait être la BO d’une bonne crise de la quarantaine : ceux qui sont "Born in 77" comme King Khan comprendront, les autres, voilà ce qui vous attend et ce n’est pas un putain de mythe : l’envie de tout plaquer, de faire la fête, tous les jours, tous les soirs, toutes les heures, partir, sur un coup de tête, avec n’importe qui, le démon de midi, les démons de la nuit, la peur de crever, la cinquantaine dans l’objectif, être et désirer, perdre en diplomatie, gagner en honnêteté, savoir enfin dire non, mais surtout dire oui.
Chuckamuck, le hic
Prenez quatre berlinois pâles comme des culs, collez leur un air un peu idiot, une bonne dose d’insouciance et un accent germanique éraillé à couper la taule. Vous voilà avec Chuckamuck. Oska, Lorenz, Jiles und Ziggy forment un groupe déjanté qui se joue des genres et qui voyage facilement entre bubblegum, punk, powerpop, country, surf, psyché ou beat. Le seul truc qui a du mal à passer la frontière, c’est ce putain de chant allemand : tous les mots alourdissent les chansons, les écorchent de consonnes raides et droites comme des I. Et quand on sait que rapport sexuel, se dit en allemand "Geschlechtsverkehr", on comprend mieux ce gloubi boulga de l’alphabet. Prenez par exemple leur 3ème album, sorti début septembre 2017 sur Staatsakt Records. "Asche und Gold" et "Am Strand von Koh Phangan" tabassent pas mal mais la langue germanique matraque un peu la gueule. "Roboter der liebe" et "20.000 Meilen" sont mélancoliques et mélodieuses mais j’imagine Sarkozy et Merkel se rouler des pelles dessus. L’intro de "8am Blues" me fait immédiatement à Johnny Hallyday mais c’est probablement dû au bourrage de crâne de ces derniers jours. Par contre "10 Ft Pole" est GENIALE. D’une beauté pure, hyper mélodieuse, fluide, légère. Ah oui, c’est la seule en anglais et chantée par un autre : un peu comme si Tindersticks s'emparait d'une compo de Jack Johnson. La dernière, "Die Erde wird der schönste Platz im all" (absolument impossible à retenir comme le reste) ressemble à du Growlers après un kassler en croûte.
Pour résumer j’aime bien, mais je préfère quand je suis saoule.
Bikes, un groupe qui ne pédale pas dans la choucroute
Suffisamment rare pour être souligné, il n’y a aucun blondinet au sein de ce groupe. Trop courant pour être souligné, il n’y a aucune cohérence entre leurs différents supports de communication : si l’on s’en tient au bandcamp du groupe, Bikes a sorti un LP en 2012 suivi d’un 45 en 2013. Sur Facebook, y’en a deux de plus : un 45 en 2015 et un LP sorti sur alien snatch! Records. Celui-là, faut se lever tôt le matin pour le trouver sur la toile, il n’apparait nulle part. Toutefois, on a quand même pu l’écouter, et même si on regrette que tout l’album soit du même acabit et très linéaire, voire calé sur les mêmes accords, on vous recommande chaudement "Tantric Sexe" et "Joe".
Visiblement assez funs comme garçons – ils boivent de la bière au petit déjeuner, Bikes est plutôt influencé par Chuck Berry avec des coups de guidons tantôt vers King Khan, tantôt vers les Parrots. Du doo-wop, du garage lo-fi, du surf crado : il y a chez Bikes cette attitude teenage, ce #jem’enfoutisme absolu que l’on a aimé chez les Bleeding Knees Club, Diamond Rugs, Together Pangea, Tijuana Panthers, capables de pondre des hymnes éternels à la glande insouciante. Si vous avez aimé "Camp Out", "Gimme a beer", "Badillac", "Creature" des sus-cités, vous aimerez "Can’t Wait" sorti en 2013, un titre IMPARABLE de 1.31’.