Didier WAMPAS sort une autobiographie, Punk ouvrier, et a reçu notre correspondant local parisien. C'est la magie de Noël !
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Rappel du contexte : je suis ce que l’on appelle un fan hardcore de Didier WAMPAS et de tous ses projets psycho, familio, ou solo. J’avais eu l’occasion de l’interviewer, il y a deux ans à la sortie de Cristal Temporel, mais seulement à distance (j’étais vilainement covidé). Cette fois-ci, mon idole est en ville pour la promo de son autobiographie Punk Ouvrier et rien ne pouvait m’empêcher de partager près d’une heure de questions-réponses avec la Sète trinité (lui, sa compagne Florence et leur adorable chienne Suzy).
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"Je ne suis pas là pour écrire de la poésie,
je suis là pour faire du rock'n'roll"
Première triple question : pourquoi un livre, pourquoi maintenant et est-ce que tu es content du résultat ?
Tout simplement parce que la maison d'édition me l’a demandé ! Je ne voulais pas trop au début, puis en discutant avec le co-auteur Christian EUDELINE, j’ai accepté si c’était plus axé sur la musique et sur les chansons que sur ma propre personne. Et ça s’est fait en six mois sous forme d’interviews. J’avais failli en faire un il y a cinq ou six ans, qui s’appelait déjà Punk ouvrier, mais le journaliste a fait un burn-out. Et oui, finalement, je suis content du résultat !
Ce que je trouve intéressant dans le livre c’est de découvrir les histoires derrière les choix de titres, de paroles de chansons, mais aussi de noms et de pochettes d’albums. On a l’impression que tout se fait de manière très intuitive. Y’a-t-il des choses qui mettent plus de temps à se décider ?
Non, pas du tout, il n'y a rien de long. On me demande des paroles pour le prochain album qu’on va enregistrer dans deux ou trois mois et je ne n’ai pas une chanson. J’ai plein de musiques mais aucune parole ! J’ai des bouts de phrases, mais je ne panique pas, je me dis que ça viendra bien.
Tu parles peu de ta famille dans tes chansons, alors que tu joues avec ta compagne, tes fils et même parfois ta fille. Tu n’as jamais envie d’exposer plus ta vie personnelle dans tes textes ?
Non pas du tout. Même la RATP, j’aurais pu raconter tout ce que j’y ai vécu, mais je n'en parle pas beaucoup, sauf dans la chanson Roy. C'est bizarre, c'est un peu comme TRENET qui parle toujours de son enfance et de vieilles références. J’ai besoin de laisser passer beaucoup de temps pour en parler. Les paroles, c'est parce que je suis obligé. À la base, je voulais faire du rock'n'roll. Je ne suis pas là pour écrire de la poésie, je suis là pour faire du rock'n'roll. C'est donc contraint et forcé que j’écris des paroles. J'essaie de dire le moins de choses possible, je suis de plus en plus cryptique. Je n'ai pas envie de me livrer et que les gens comprennent. Moi, j'ai écouté des trucs en anglais pendant des années, sans rien comprendre. Encore aujourd'hui je ne comprends toujours rien quand j'écoute un truc en anglais et ça me plaît comme ça, parce que je peux me projeter sur les chansons. Et les gens peuvent faire ça sur mes chansons, se projeter, parce que ce n'est pas un message au premier degré. Donc si chacun peut mettre un peu de son imaginaire sur les chansons c'est mieux.
"Des mecs qui ne bossent pas comme moi,
je n'en connais pas beaucoup"
Tu parles souvent d'amour dans tes chansons et très peu d’amitié (sauf dans Pernety), est-ce voulu ?
Oui. Pernety, c’est justement un exemple de chanson profonde et ancienne qui ressurgit à un moment, bien plus tard. Un jour, j’ai ressenti cela. Tu as plein de gens, plein de copains, une famille, mais les amis d’adolescence c’est quelque chose de différent que tu ne retrouves plus après. Surtout moi, j'étais mal dans ma peau, j’étais seul au collège, je n’avais pas d'amis au lycée, j'étais un peu harcelé. Puis quand j'ai rencontré des potes, que je commençais à sortir dans le milieu punk c'était le bonheur de trouver des gens un peu comme moi et de pouvoir être moi-même !
En parlant d’amitié, il y a beaucoup de références dans le livre à d'autres rockers comme Manu CHAO, François HADJI-LAZARO ou Mathias MALZIEU de DIONYSOS. On a l’impression que vos relations sont parfois ambiguës. Est-ce que tu as noué des amitiés profondes dans le milieu ou au sein du groupe ?
À part Jean-Luc LE TENIA, non. Jean-Luc c'était mon ami. Les autres ce sont des gens qu'on croise souvent. Il n'y a pas d'amitié profonde, il y a des potes qu’on est content de retrouver sur des concerts. Récemment, j’ai joué avec Les GARCONS BOUCHERS et j’ai croisé Piero SAPU. Ça faisait trente ans que je ne l’avais pas vu, j’étais trop content de le voir. Et dans le groupe, c’est quand même fort ce que l’on vit, car on répète et on est sur la route tout le temps, ensemble. Jean-Mi est avec moi dans SUGAR & TIGER, ça fait trente ans qu’on joue ensemble. Avec les autres aussi, on a des caractères différents, mais ça colle aussi parce qu’on arrive à se comprendre.
Tu parles également assez souvent de bagarre dans le milieu punk au début. Est-ce que cette violence est présente selon toi aujourd'hui ou elle a changé de forme ?
Non, c'est fini depuis longtemps, depuis le début des années 90. Et moi, je ne me suis jamais battu, j'ai toujours détesté la bagarre. Mais il y avait ça autour de nous, avec les bandes de skinheads qui te tombent dessus car tu n’as pas les Docs Martens de la bonne couleur… Une débilité totale ! Et à la fin des Bérus, ils se sont dit « bah finalement on écoute des musiques qui ne sont pas si éloignées, donc pourquoi on se tape dessus ? » [NDLR : possiblement pour des idées contraires, non ?]. Et oui, on retrouve peut-être cette violence aujourd’hui dans le rap, mais dans le rock c’est terminé.
Pour en venir à la RATP, ça m'a toujours dérangé qu'on utilise cet argument pour expliquer qu’au fond, les WAMPAS, ce n’est pas sérieux. Est-ce que ça te dérange et est-ce que le fait de travailler en parallèle t’a apporté autre chose qu’une liberté matérielle ?
Bah oui, tu sais les médias, dès qu’ils trouvent un petit truc original... Ils sont même venus me filmer à mon travail. Et ça me faisait marrer, oui. C'est un truc qui ne me dérange pas de ne pas être compris. Au contraire, c'est rigolo de ne pas être compris du tout, j'aime bien. Et être à la RATP, ça m’a permis de m’intégrer dans ce milieu qui était totalement étranger à moi et de m’y sentir bien au bout d’un moment. Je me suis fait des potes à la RATP. Je ne parle pas de Roy, mais à force de tourner ensemble en 3x8, parfois on dormait sur les chantiers, on passait presque plus de temps ensemble qu’avec nos femmes. C'est beaucoup de temps de vie et j’aimais vraiment cette ambiance et la solidarité qui existait entre nous.
Pour revenir à la musique, tu dis de Petite fille que tu n’aimes pas forcément la jouer en concert. Y’a-t-il d’autres chansons que tu te sens obligé de jouer ?
Non, même Manu Chao, ce n’est pas la meilleure, mais ça me fait plaisir de la jouer. Je m’amuse chaque soir en faisant le con et en la jouant n’importe comment. Je prends du recul sur la chanson. Il y seulement trois accords et pourtant, j’arrive parfois à me planter sur Manu Chao !
Justement, tu parles de ton jeu de guitare limité. Je voulais savoir si tu as d'autres exemples d'artistes qui n'ont pas une grosse maîtrise technique de leur instrument et qui misent tout sur l’attitude ?
Non, des mecs qui ne bossent pas comme moi, je n'en connais pas beaucoup. Mais c'est volontaire, c'est un concept ! Je viens du punk, et pour moi, le punk, c'est ça, c'est faire ce qu'on veut, c'est faire n'importe quoi. Ce côté n'importe quoi est très important pour moi. Je n'ai pas envie de faire semblant et je trouve ça bien, en plus, de faire n'importe quoi, de jouer avec deux doigts, d'écrire les paroles au dernier moment et de se planter sur scène. Je suis super content quand je fais des pains sur scène. Je ne le fais pas exprès mais ça me rend heureux !
"Je crois que je n’ai jamais mis une chanson à la poubelle"
Tu écoutes beaucoup de musique de différents styles. Qu’est-ce que ça t’apporte et est-ce qu’il y a des styles que tu aimes moins ?
Je n'écoute pas tout ce qui passe à la radio, ni la variété française, ni le r'n'b, ni le rap, je n'écoute rien des musiques actuelles. Ce n’est pas que je n’aime pas, mais parce que je m’en fous un peu. Je n’ai déjà pas le temps d’écouter tout ce que j’ai envie d’écouter, donc je ne vais pas perdre du temps à écouter du r’n’b pourri. Cela dit, j’essaie de découvrir plein de musiques tout le temps. J’ai plein de magazines de musique de tous les styles, notamment le classique. Et encore je ne comprends rien à la musique classique car je ne connais pas le solfège. Je ne pourrai jamais la comprendre complétement. Mais j’écoute toutes les émissions de France Musique et j'essaie de comprendre. Ça me remplit de bonheur, ça me nourrit et je suis heureux comme ça. Ça m'inspire aussi, parce que ça m'apporte des sentiments et des émotions. Comme quand tu regardes un tableau, ça peut t'inspirer à faire une chanson. J’écoute MOZART, puis je prends ma guitare et je fais mes chansons sans me prendre pour un génie. Comme le disait GAINSBOURG, c’est un art mineur, mais ça reste une démarche artistique.
En parlant de style musical, je voudrais parler de ton album de country québécoise que j’avais adoré (Didier CHAPPEDELAINE & Ses MAUDITS FRANÇAIS. Verycords, 2017). Tu n’as pas eu envie d’en refaire un ou de le jouer plus sur scène ?
On avait fait trois ou quatre concerts à sa sortie, mais on ne l’a pas joué beaucoup effectivement. Mais je voudrais bien rejouer avec le guitariste Viktor (HUGANET), c’est un super mec avec qui j’aimerais bien refaire un jour un disque rock’n’roll ou rockabilly. C'est un des meilleurs guitaristes que j'ai rencontrés avec Marc POLICE. Mais c'est une espèce de génie, il faut trouver le bon moment, le bon projet. Il faut être un peu fou pour faire de la musique, pour être un artiste. La plupart des gens ne le sont pas assez. Les gens normaux, c'est un peu chiant. Des gens fous comme lui, il n'y en a pas beaucoup. C'est le cas pour Loran BÉRU par exemple.
Parlons sport à présent et cyclisme en particulier. Tu as chanté JALABERT, PANTANI, ALAPHILIPPE. Est-ce qu'il y a d'autres chansons consacrées à des cyclistes qui n'ont pas vu le jour ?
Il y a également une chanson de SUGAR & TIGER où je parle de Richard VIRENQUE. Donc, oui, j'aurais pu en faire d'autres, et j'en ferai peut-être d'autres. Mais je ne veux pas non plus être le chanteur sur le vélo. Mais non, il n’y en a pas qui n’ont pas vu le jour. Je crois que je n’ai jamais mis une chanson à la poubelle. Je les garde toutes, dès que j'en ai une.
Et est-ce que tu pratiques le vélo ? Car en voyant tes prestations sur scène on peut imaginer que tu as un entraînement particulier ?
J’ai fait le Ventoux deux ou trois fois, mais il y a au moins dix ans que je ne l’ai pas fait. Je ne suis pas sûr de le remonter un jour. Le vélo de route, je n’ai malheureusement pas trop le temps d’en faire avec les tournées. Ça prend beaucoup de temps, c’est compliqué de partir trois-quatre heures quand je suis de retour à la maison. Je n’ai pas de routine spécifique, à part ne pas boire et ne pas fumer. Je ne me chauffe même pas avant les concerts. Je saute deux minutes sur place avant de jouer et c’est tout ! Et je ne me suis jamais fait mal. Je suis tombé une fois de scène en glissant sur de la bière et peut-être vaguement fêlé une côte une autre fois, mais rien de bien grave !
"Si tu ne penses pas à l'argent, tu peux tout faire"
Quelques petites questions en vrac...
Quel est ta salle préférée en France ?
Le Bikini à Toulouse. C’est la même équipe depuis quarante ans et l’ambiance y est spéciale. C’est comme la famille !
Quel est ton meilleur concert ?
Le prochain. On me demande souvent des anecdotes après un concert mais j’oublie tout en sortant de scène.
Ton dernier coup de cœur musical ?
BRIGITTE CALLS ME BABY, c’est entre THE SMITHS et Roy ORBISON. Il y a aussi les MEANS JEANS, des punks américains dont le dernier album (Blasted) ressemble aux RAMONES.
Ta dernière série ?
Je ne regarde pas beaucoup de série, mais je vais dire Peacemaker, avec John CENA. Je n'ai jamais rien vu d'aussi mauvais goût, mais la musique du générique est géniale.
Quels sont les projets à venir ?
Avec SUGAR & TIGER on a enregistré un album qui va être mixé en décembre. Il est au-dessus de tous les autres albums. Il s’est passé un truc différent. On a changé de batteur et ils m’ont fait chanter différemment. [Florence nuance et ajoute : J'ai également hâte qu'il soit mixé. Il donne des frissons au guitariste et au bassiste. Alors que sur les autres albums, il n'y a aucun morceau qui donnait des frissons aux musiciens] En fin d'année 2024, je tourne avec la formation psychobilly. Avec les WAMPAS on ne tournera pas cet hiver, on reprendra au printemps. On va aussi bientôt préparer un nouvel album je pense, mais je ne sais pas avec qui, ni dans quel studio.
Est-ce que tu comptes transmettre quelque chose ?
Non, c’est un peu prétentieux de se dire qu’on va transmettre quelque chose. Juste montrer aux gens que c'est possible de faire ce que l’on veut, de faire n'importe quoi en jouant avec deux doigts. C'est nous qui nous mettons des limites. On peut vraiment tout faire. Tu décides d'être peintre, tu décides d'être n'importe quoi, tu peux le faire. C'est nous qui nous mettons des limites, mais la seule limite c'est l'argent. Si tu mets ça de côté, si tu ne penses pas à l'argent, tu peux tout faire ! Et plus ça va, plus les jeunes se mettent des limites à cause de l'argent. Je crois que la société bouffe de plus en plus les gens avec l’idée que soit tu as les moyens de faire, soit tu ne peux pas faire. Et les gens se mettent des limites comme ça, puisqu’on leur dit partout qu’il faut gagner de l’argent. Même sur les réseaux sociaux, tout marche comme cela. Ce n’est pas mon monde. Mais bon je suis très bien dans ce monde-là. Je laisse faire et je prends ce qui me plaît, ce qui me rend heureux.
Article et propos recueillis par VICO
(21 décembre 2024)XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
Didier WAMPAS (et Christian EUDELINE). Punk ouvrier
(Harper Collins, 2024)
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Pour prolonger...
Les WAMPAS : site web officiel
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Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #764 (16/02/2022)
Dans nos archives écrites :
Family affair - interview de SUGAR & TIGER (03/06/22)
Félin pour l'autre, par Vico (04/10/2016)
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Photographies : Eric MORERE, SUGAR & VICO.
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L'école des fans
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