The Psychedelic Sound of the Poncho

Fuzzy Vox #2 // Par Rémi Morvan
Les Fuzzy Vox, c'est le genre de mecs, tu les invites à ta soirée d'anniversaire, ils te foutent un foin pas possible, ils font rire tous tes potes et repartent à 6 heures du mat' en laissant l'appart' dans un sale état. Une fois la porte refermée, alors que ton corps te dit ''plus jamais !'', t'es déjà en train de leur envoyer un message pour les prier de venir à la prochaine ! Leur musique, c'est pareil, sans concession et terriblement addictive. Quand le fajita humain a entendu parler de la sortie de leur second album, c'est par la nostalgie qu'il a été envahie. Petit retour en arrière.
 
A la toute fin du mois de février 2014, alors que Super Poncho était en train de méditer autour d'un buffet à volonté de burritos, un mystérieux individu le contacte, l'adjoignant de se rendre le soir même au concert d'un groupe nommé Fuzzy Vox... Intrigué par l'insistance du bonhomme, il s'en alla écouter le dit-groupe ! Quelle claque ! Vite vite, il lui fallait une place. Je vous raconte pas l'ascenseur émotionnel quand il apprit que le concert était complet ! Le carnage au buffet à volonté ! Après de multiples écoutes de leur album "On Heat", il fallait absolument qu'il les voit. Et à la vue des retours sur leurs concerts, on avait hâte !
Comme deux lycéens (eux et moi) découvrant le sentiment amoureux, c'est devant la médiathèque Marguerite Duras que l'on échangea notre premier baiser, à l'occasion de la fête de la Musique. Hugo/chanteur courrait partout, le Nico/batteur fracassait ses fûts comme si sa vie en dépendant et  Grégoire/bassiste prenait un malin plaisir à matraquer la foule de son instrument. Quelle énergie ! Parmi les nombreuses annonces faites pendant le concert, l'une d'elle retenue plus mon attention que les autres. En effet, ils étaient en train d'enregistrer un album de reprises. Possibles pièges, les reprises sont pour moi le meilleur moyen de comprendre les groupes. Prenez Ty Segall, comment saisir toutes les spécificités du bonhomme sans s'intéresser à sa fascination pour Marc Bolan ? Ce côté stakhanoviste m'intriguait...
 
Leur premier album, où l'on retrouvait le producteur des Hives à la baguette, avait propulsé les Fuzzy Vox sur le devant de la scène garage française. On avait l'hymne 1789 qui te prenait aux tripes en te faisant faire l'aller-retour Paris-Caen en moins de temps qu'il en faut pour le dire. Pis  leur clip participatif de Man of solution qui avait mis en lumière cette envie de tisser un vrai lien avec leur public.
 
Alors quand au cœur de l'été, ils publiaient des photos du groupe aux Etats-Unis, je me disais bien que les trois lads de Joinville avaient quelque chose derrière la tête.
Avec Distracted et son clip tourné entre Las Vegas et Los Angeles, c'est au mégaphone qu'ils reviennent. Ce titre, addictif à souhait, nous prouve que les Fuzzy Vox détiennent toujours cette formule magique pour entraîner les foules. Fin janvier, c'est Told you Before qui nous secoue. Autant le dire maintenant, le reste de l'album est une petite bombe.
Bon, parler de bombe quand l'album a pour titre "No landing plan", ça peut, c'est vrai, porter à confusion... Mais là, c'est 10 titres et presque autant de déflagrations. Pendant toute la soirée passée à leur côté, je n'ai eu de cesse de répéter la puissance des sept premières chansons. Hugo me glissa que le groupe avait mis toute l'énergie du groupe, tout l'esprit Fuzzy Vox dans ces sept chansons. Et c'est vrai que la force du groupe réside dans cette énergie dégagée, dans l'aspect immédiat, presque tubesque de leurs chansons ! « Notre marque éditoriale, c'est des riffs assez efficace, qui vont prendre une mesure et qu'ensuite on répète et qu'on essaye de détourner sur un format pop. »
 
Avec une première chanson qui s'intitule Explosion of love et un ultime titre répondant au doux nom de A Reason to love, tu te dis que tu vas recevoir tous pleins de poutous ! Cet album, c'est ça, pleins de bisous bien baveux !
Quand ils m'ont demandé quelle avait été la chanson que j'avais le moins aimé, je me suis retrouvé dans l'embarras... Je me suis rendu compte que véritablement, aucune chanson ne me déplaisait. Dans les sept premières chansons de l'album, c'est un sans-faute. Dans les 3 dernières, on se dit au premier abord qu'on a perdu quelque chose. J'y vois au contraire l'évolution du groupe, ce processus nécessaire dans son épanouissement. Ces dernières chansons, il faut vraiment s'y attarder, prendre le temps de les disséquer pour en prendre toute la mesure (en écrivant cette phrase, A Reason to love résonne dans mes oreilles pour la cinquième fois d'affilée et cette batterie ! Nico, le batteur, l'Ennio Morricone de Fuzzy Vox !)

Si je devais faire un classement de l'album, je serais tenté de diviser les titres en deux groupes : la business class et l'economic class. Attention, loin de moi l'idée de mettre certaines chansons en low-cost ! Non non, ici, on voyage dans un A380 dernier modèle et pas dans un vieux coucou qui finit sa carrière en faisant des liaisons Grenoble-Besançon ! Sur ce vol, on est bien partout !
Là où on se sent le mieux, c'est quand on entend les titres Explosion of Love, Distracted, Told You Before, Grow Evil, Bo Diddley et I got a girl ainsi que la dernière chanson A Reason to love. C'est comme si les Fuzzy Vox nous prenaient sur leur tapis volant (entre l'avion et le tapis volant, on aurait presque l'impression que ce groupe détiendrait la possibilité de nous faire voler !) pour nous emmener vers ce pays imaginaire qui est le leur, situé entre les Jam et les White Stripes. J'avoue avoir une petite tendresse pour le titre Grow Evil, qui avec ses multiples rythmes apparaît comme le morceau phare de l'album. Et c'est avec ce genre de titre, magnifiquement construit que l'on saisit l'évolution du groupe. Grâce à une science du riff parfaitement maîtrisée, les Fuzzy Vox disposent de solides fondations qui leur permettent de s'aventurer vers de nouvelles contrées sonores. Bien que quelques titres apparaissent légèrement en-dessous, cette album reste une très belle réussite. Et après avoir entendu les envies soul-funk d'Hugo, je me dis que leur prochain album sera pleins de surprises !
 
A partir de cette ligne, l'ironie, l'humour et le second degré sont régulièrement utilisés. Sensibles s'abstenir (surtout pour la partie révélations...)
 
« La Gamecube marche pas et on se gèle les boules dans le camion, rendez-vous à notre QG ! »
Quand j'ai eu l'occasion de rencontrer le groupe, je me suis dit qu'il fallait que je leur fasse un truc aux petits oignons. Ça fait deux ans que je suis leurs pérégrinations de leur Fuzzymobile sur la toile, j'ai tout de suite su ce qui était fait pour eux. Les sachant fanatiques de Mario Kart sur Gamecube, je me suis dit que j'allais leur faire une interview : « J'ai écouté l'album des Fuzzy Vox en jouant à Mario Kart ». Deux jours de préparations, l'interview chronométrée à la seconde près. Le pro quoi. Et à quelques minutes de l'heure H, je reçois le message suivant : « la Gamecube marche pas et on se gèle les boules dans le camion. On se fait l'interview à notre bar/QG local ? » J'étais à deux doigts de faire l'interview du siècle, comme quand Michel Drucker interviewa Bowie, la tuile ! Forcément, le format a changé et le côté insolite aussi. Je devais tirer partie de ce nouveau lieu. Ce bar, le Soul Cat, c'est là où ils ont bu leurs premières bières ensemble, où ils ont tourné le clip de la chanson 1789. En somme, c'est un lieu de passage obligé pour comprendre le groupe. Ce qui m'a vraiment troublé, c'est l'humilité des Fuzzy Vox. Voilà pourquoi leur musique garde cette fraîcheur.
 
Extraits choisis de cette interview au long cours.
 
« Même si pour la première fois, on a pas de disque coloré, à mon sens, c'est notre album le plus visuel »
Fuzzy Vox, c'est un groupe super looké, façon mods. Forcément, une pochette d'album, c'est la première chose que tu vois, c'est pour ça qu'ils y ont prêté une attention toute particulière. Cette pochette sort de l'ordinaire. Et forcément, tout ce qui sort de l'ordinaire marque les esprits et divise. Hugo me fait remarquer que les avis divergeaient pas mal sur cette pochette réalisée par le graphiste des désormais séparés Crusaders of Love.
Quand on parle d'artwork et surtout de packaging, on arrive assez rapidement à Jack White. Celui qui avait fait de son dernier LP Lazaretto un vrai objet de collection est une véritable inspiration pour le groupe.
 
Grégoire : « Nous, on adorerait pouvoir faire comme Jack White, histoire de fidéliser un public, qui se dit ''tiens qu'est-ce qu'ils vont nous sortir les Fuzzy Vox cette fois-ci ?'' Pour le moment, on essaye de faire en sorte de faire des concerts où le prix des places est le moins cher et où le prix de la pinte sera le moins cher. C'est pour être honnête vis-à-vis de notre public.
Quand on a sorti notre tout premier EP, y'a presque 5 ans maintenant, la mode du vinyle, c'était pas encore la folie ! Nous, on avait pas de sous et pourtant, on s'est dit go, on se fait des vinyles, parce que ça nous faisait plaisir ! On peut pas dissocier les notions de plaisir et d'honnêteté.  »
 
Hugo : « Avec cette pochette, on avait envie de jouer le jeu à fond ! On avait pensé mettre un kit No landing plan comme tu peux trouver dans les avions ! Un truc vraiment original et sympa ! Imagine tu trouves une trousse de secours dans un vinyle, c'est complètement malade !  »
 
Pendant qu'Hugo me parlait, je me disais que cette pochette me disait quelque chose ou plutôt que le style me rappelait quelque chose... Comme s'il avait lu dans mes pensées, Grégoire enchaîna :
 
« Est-ce que tu vois la pochette de l'album Cheap Thrills  de Janis Joplin ? Et surtout est-ce que tu vois le comic Fritz the Cat dessiné par Robert Crumb. C'est ce même Robert Crumb qui a réalisé la pochette de Cheap Thrills. On avait envie de quelque chose dans le genre. Je me souviens que je regardais cette pochette quand j'étais gamin, ça me passionnait, bien plus que le disque. Cette pochette, c'est pareil, y'a pleins de trucs à regarder, pleins de couleurs qui t'éblouissent ! En fait, même si pour la première fois, on a pas de disque coloré, à mon sens, c'est notre album le plus visuel. »
 
 
« Pendant 5 mois, on enregistrait la nuit et on lui envoyait le matin »
Une pochette réussie pour un disque réussi. Ce disque, il a été produit à l'autre bout du monde sous la houlette d'Andy Brohard et de Ryan Castle. Avec eux, c'est aussi s'échapper de l'ombre quelque peu encombrante des Hives. On a souvent fait la comparaison entre les Suédois bondissants et nos trois loustics de Joinville. D'autant plus de que leur premier album a été produit par leur producteur. Avec ce nouvel album, le groupe a, à mon avis, réussit à s'affranchir de l'encombrante paternité des  Suédois.
 
Hugo : « Sur le premier album, on avait confié ça au producteur des Hives. Cette fois-ci, on voulait complètement changer. On a cherché pendant longtemps, très longtemps. Au départ, on pensait travailler avec Jim Diamond, qui a travaillé avec les White Stripes mais ça n'a pas pu se faire. Donc on a envoyé pas mal de mails et à un moment donné, on a remarqué qu'un nom revenait sur la production de pas mal de groupes qu'on aimait. Ce nom c'était David Sardy. Il a notamment bossé avec les Black Angels, les Rolling Stones ou Oasis. Forcément, le mec était un peu inaccessible niveau prix mais en fouinant un peu, on s'est rendu compte qu'il bossait avec les deux mêmes ingés son à chaque fois, Andy Brohard et Ryan Castle. On les a contacté, ils ont été hyper réactifs et très vite on a convenu d'une session d'enregistrement au mois de juin. Pour une bouchée de pain, on a eu un studio incroyable avec un matériel complètement malade ! On était en janvier. On a envoyé 30 chansons d'un coup et pendant 5 mois, on enregistrait la nuit, on leur envoyait le résultat le matin, ils écoutaient ça en se levant, nous disait ce qu'ils en pensaient et nous on retravaillait la nuit d'après. C'était assez excitant mais aussi stressant vu qu'on avait pas les personnes en face de nous ! »
 
Puis arrivent les Etats-Unis avec tout ce qui en découlent de superlatifs. Avant d'entrer en studio, le groupe s'était octroyé 4-5 jours de repos dans une maison en plein milieu du désert avec pour seule occupation qu'un jaccuzzi et le silence. Après ce dépaysement total, c'est le début du travail et la découverte du professionnalisme du producteur...
 
Grégoire : « Quand on est arrivé au studio, on s'est pointé avec des bières, histoire de dire... Les producteurs nous ont tellement regardé d'un œil, l'air de dire ''les mecs, on est pas là pour se torcher la tronche, on bosse'', qu'on a pas bu une goutte d'alcool pendant 3 semaines ! »
 
Nico : « Du coup, on a été hyper productifs ! En temps effectif, on l'a enregistré en peu de temps. Mais en temps réel, ça a pris trois semaines parce qu'Andy, il va essayer chaque pédale avec chaque ampli pour chaque moment de la chanson et ça pour chaque instrument. Ils sont à la recherche d'un vrai son. Cet album, il est dans le rush parce qu'on a essayé pleins de trucs et que chaque truc était fait vite pour pouvoir en tester le plus possible. C'est là qu'on retrouve côté garage, c'est que même si on a essayé beaucoup de choses, c'était à chaque fois sur un laps de temps très court ! »
 
Cette notion de rush est aussi reprise par Hugo : « y'a quelque chose qui à mon sens nous définit bien, c'est le fait de faire le plus de choses avec ce qu'on a à notre disposition et en trio. On sera toujours trois en live et on mettra jamais de synthé en live par exemple. Jamais de deuxième guitare non plus. »
 
 
« Pensez-vous que cela soit possible de faire un concert de garage de 3 heures ou est-ce que le propre du style en live est de ne pas dépasser l'heure ? »
Si y'a bien quelque chose qui définit le groupe, c'est le live. Ils s'y sentent bien, c'est un des fondements du groupe. C'est lors des concerts que leur musique prend le plus d'ampleur. Une semaine après l'interview, je suis allé voir le concert des Heaters avec Hugo à la Mécanique Ondulatoire. C'est véritablement à ce moment-là que j'ai compris ce que le groupe cherchait dans ses concerts. Première chose, un vrai rapport au public, des échanges. Seconde chose, c'est le rythme du concert qui doit être intense. Grand fan des concerts de garage, j'aime bien aller dans la fosse avec les coudières et en ressortir une heure plus tard – sans les coudières – avec les membres quelque peu endoloris. Mais à côté de ça, j'adore le psyché avec des longues nappes, des grandes fresques qui durent des plombes. Du coup, je leur ai demandé si cela était possible de faire un concert de garage de 3 heures ou est-ce que le propre du style en live est de ne pas dépasser l'heure ?
 
Le groupe : « Y'a un côté punk qui s'arrête plus rapidement. On pense qu'il existe une transe dans le garage mais que celle-ci perd de son intensité au bout d'un certain moment. On préfère jouer une heure avec une vraie communion avec le public que perdre notre audience dans des choses parfois approximatives. Mais tu auras la réponse à ta question en venant au Point FMR le 27 février ! ».
Voilà le mot de la fin... Ou plutôt l'invitation de fin. Car le vrai mot de la fin fut : « Qu'est-ce qu'on boit ? »
L'idée de venir dans leur bar, là où ils ont leurs habitudes, c'était pour prendre le pouls du groupe, comprendre les relations entre ses membres ainsi leur relation aux gens qui les ont vu grandir. Voilà pourquoi venir dans ce bar n'avait rien d'anodin. J'ai vraiment compris pourquoi les Fuzzy Vox étaient des véritables piles électriques sur scène, pourquoi ils étaient si heureux. Tout simplement parce qu'ils font ce qu'ils aiment et ça se ressent dans leur musique. Après avoir embrasé le Point FMR, c'est quand vous voulez que vous revenez à la maison !
 
 
Le moment « Révélations » :
-Le batteur est la voix d'Oggy dans Oggy et les cafards.
-Ty Segall a volé le nom du groupe Fuzz à Fuzzy Vox.
-Le batteur a joué à Candy Crush pendant l'interview, « parce que c'est la couronne en ce moment »
-Le chanteur n'a jamais perdu à Mario Kart ou comme il aime dire : « J'ai toujours gagné ».
-Le batteur a adoré le dernier concert des Black Lips.
-Le groupe aime découvrir les plats locaux lors de ses tournées. Ils attendent vos invitations.
-Le batteur est un fan de punk-reggae-skinhead-ska-punk.
-Le premier amour du bassiste est le jazz manouche.
-Le batteur a adoré le musée Van Gogh à Amsterdam.
-Le bassiste se voit, je cite, comme « l'instrument » d'Hugo.
-L'interview a dû être écourté car le groupe devait aller tondre la piscine pour le cours d'aquaponey du lendemain.
 
 
Mais surtout si vous voulez découvrir avec quel objet le batteur fera un solo le 27 février, rendez-vous au Point FMR pour la Release Party de No Landing Plan !