The Psychedelic Sound of the Poncho

#3 Kaviar Special // par Rémi Morvan
Vieilles Charrues 2012. Carhaix-Plouguer. Camping 10. 3h29. Voici le moment précis où Super Poncho a découvert le pâté Hénaff. Une rencontre au sommet entre deux âmes perdues dans les affres de l'alcool. Mon ascendance bigoudène ne pouvait passer à côté de cette proposition divine ! 
 

Viande de porc (91%) dont jambon (20%),
fumet, foie de porc (1,5%), sel de mer, épices
et quelques traces sur le poncho.

 
Voilà la recette du mal. Depuis plus de cent ans, des centaines de milliards de petits bretons ont été gavés de cette mixture qui respire bon l'obésité et le cholestérol. A la vue de la vitalité de la scène musicale bretonne, force est de constater que ça a du bon. Depuis un bon paquet d'années, les Rennais mettent une sacrée branlée à l'Hexagone. Parmi la crème de la crème rennaise, les Kaviar Special. Je suis désolé mais me dîtes pas qu'avec un nom pareil ça ne vous donne pas envie d'une bonne galette saucisse ! Moi oui ! Donc vu que sous mon poncho, y'a souvent les fils qui se touchent, je me suis dit qu'une interview pâté Hénaff avec les Kaviar Special, ça serait drôlement rigolo !

Mais avant de parler bouffe, rappelons-nous le pourquoi du comment de cette interview. Tout simplement parce qu'#2, les 4 loustics de Kaviar Special viennent de faire dans le luxe. Leur nouvel album, sorti chez Beast Records et Howlin Banana est un vrai petit bijou. Je devais les rencontrer. C'est donc Léo qui s'est collé à l'interview pâté. Autant le titre tout de suite, il a fait  honneur à leur patronyme. Du jeu de mots à foison, du Volage, du Ouest-France, du Volage, du pâté Hénaff épicé, encore du Volage, du Brossard et toujours du Volage. Avant de passer à l'interview qui ferait passer l'horizon funèbre de Jean-Pierre Coffe pour un papier Marmiton, petit tour d'horizon du second effort des Rennais.

Un album d'une densité et d'une justesse folle. On a un vrai son, quelque chose de très travaillé, qui te fait te questionner. Un son psyché. Mais ce qui m'a troublé, c'est que ce son est monté sur des compositions de garage classiques, très énergiques.  Léo me disait que contrairement au premier album où tous les instruments avaient été enregistrés ensemble, le choix a été fait d'enregistrer instrument par instrument, pour gagner en justesse. Le point fort de l'album, c'est ça, gagner en justesse tout en gardant la force et la puissance de compos très instinctives.

Avec Starving, on entre au cœur du menu Kaviar Special. Un plat qui réussit l'exploit de plaire aux végétariens et aux viandards! Un repas équilibré au possible ! Le début du titre est tout mignon, on croirait faire des sauts dans une laitue et d'un coup, les guitares – tels des hachoirs –  te rappellent qu'ici, on n'est pas là pour beurrer les sandwichs. Avec cet album, le groupe revient la dalle au bide, ça fait plaisir à voir. Sleep Thoughts sent bon la balade d'été entre potes. Avec Highway, I Wouldn't touch with a Stick et Night Shift, c'est buffet à volonté. On a tout ce qu'on aime dans ce groupe. Ce qu'on avait adoré dans le premier album avec cette énergie folle, des guitares utilisées comme des nunchakus et des compos de plus en plus fleuries. Faîtes-vous plaisir les gars, mettez-nous des coups de bâtons ! Alors Night Shift, Léo m'a dit qu'il avait eu du mal avec ce titre, qu'il y voyait beaucoup de défauts. Bah moi je l'adore ! Et c'est ce qui fait qu'on s'attarde sur l'album, qu'on le réécoute et qu'on découvre des petits détails à chaque fois.

On n’est pas encore au milieu du repas qu'on a déjà les dents du fond qui baignent. Avec Mad et Mind Fuck, ça continue sur la même lignée. Ça cogne sec et dur. Mention spéciale au deuxième titre. Tentez de rester en place et de ne pas pogoter votre voisin dans le métro, vous verrez c'est dur. Come On et Morning Light c'est le trou normand. On débarrasse la table, on fait le point sur l'état des troupes et hop un petit coup de Calva. Mon papi disait que c'était le balai/ballet de l'estomac. Poésie quand tu nous tiens.

Alors là, on arrive à la pièce montée, à l'explosion de saveurs, à un amour de titre : Now I Know. Quelque chose s'est passée entre moi et cette chanson. C'est direct, on réfléchit pas. Au fond, c'est ça la passion. Avec Yolove, c'est l'amour façon YOLO. Drowned in Doubts, conclusion parfaite avec cette basse qui accompagne la sieste de ton papi qui a un peu trop abusé sur le Calva.
Vous vous dîtes : « Oh l'autre, il bouffe un bout de pâté avec un membre d'un groupe, il pond un article dithyrambique ». Et vous avez raison ! A mi-chemin entre le critique culinaire et la tapineuse, je fais un beau papier contre deux trois galettes complètes. Sauf qu'avec Kaviar Special, le papier, je l'aurais fait contre un plat cuisiné Fleury Michon. L'album est top, y'a rien à dire. Du coup, passons de suite au repas du soir, l'interview, sponsorisée par Laurent Ruquier.
 
 

« Nous voilà devant notre pâté Hénaff. Pis nos galettes complètes. Pis notre pack de bières. Pis notre Côtes du Rhône 2012 »

Après plusieurs rendez-vous manqués, tels des hors-d'oeuvre mal digérés, nous voilà devant notre pâté Hénaff. Pis nos galettes complètes. Pis notre pack de bières. Pis notre Côtes du Rhône 2012 de chez Monsieur Guigal. La dégustation de ces multiples mets déliant nos langues, de multiples analyses sur l'indépendance musicale, Pouldreuzic, le garage et le pâté Hénaff ont émaillé notre après-midi. Extraits choisis.
 
Rémi : J'ai raconté mon histoire avec le pâté, t'en as pas une ?
Léo : « On a été à Pouldreuzic, terre natale du pâté Hénaff. Je sais pas si tu y as déjà été mais il y a un énorme château d'eau avec une boîte de pâté géante tout en haut. C'est n'importe quoi. A part ça, le musée était fermé, donc on a mangé du pâté sous la pluie et la grêle bretonne, c'était cool. C'est pas grand chose mais au fond, c'est ça le pâté Hénaff, pas grand chose mais beaucoup d'histoire et d'amour derrière ! »
 
En Août 2015, vous sortez un Split avec Régal, dont 3 titres qui sont dans l'album. Même pas un an après, sort un album avec un premier titre qui s'appelle Starving ! En fait, vous vous êtes tellement ''régalés'' que ça que ça vous a ouvert l'appétit ? 
(assommé par la richesse des jeux de mots) : « Tout à fait ».
 
Du split en Août à l'album sorti le 8 avril dernier, que s'est-il passé ?
« Tout s'est enchaîné très vite. Je crois que le jour où on sort l'EP, on joue à Binic dans la foulée. On entre en studio et en dix jours, tout est bouclé. Toute la production, le mastering etc, tout a été fait rapidement. D'un côté, ça faisait presque 3 ans qu'on avait rien sorti, on avait suffisamment de chansons. On avait la dalle ! »
 
(Et hop, un petit coup de vin, histoire de se remonter le moral).
 
Parlons de l'album et de Night Shift. Tu m'as dit que tu avais eu du mal avec ce titre, moi je l'adore !
"Avec Night Shift, on a eu des soucis avec les voix. Après, soit, c'est moi qui me goure sur cette chanson et que j'y vois trop de détails ou alors tu as très mauvais goût ! D'un côté, aimer le pâté Hénaff, c'est un peu le comble du mauvais goût ! "
 
(Provocation gratuite. Cul sec de pâté Hénaff).

Je vais revenir à votre premier album. Y'a une chanson que j'adore, c'est Sabadidon. Je me suis dit ''un jour, un des mecs du groupe a dû dire : ''oh bah ça dis dont, c'est un peu fort !'' et vous avez écrit le morceau ! Ça ne vient pas de là quand même ?!
(Dans un fou rire) : "Ça veut rien dire du tout ! En fait, au début, on n’avait pas de chanteur sur le premier album. Sans prévenir les Kaviar, j'avais envoyé une annonce sur un site pour en recruter un. Un mec se pointe à la répet... Pas trop le style garage, genre 40 ans bien bedonnant. On jouait en boucle l'instru de cette chanson qui à l'époque n'avait ni nom ni paroles. Et le gars dit ''attendez je vais chanter dessus, j'ai trop envie de tester''. Et là, il commence à baragouiner un truc, ça voulait rien dire. Je vois les trois Kaviar qui baissent la tête et commencent à rire. Et à chaque refrain, on croyait entendre ''Sabadidon !'' Du coup, après avoir écrit les paroles, j'ai appelé cette chanson comme ça !"
 

« A chaque fois qu'on sort avec Volage, c'est carnage »

 
Revenons à notre pâté Hénaff et allons au marché !
Déjà sur le disque, on a un marché Beast Records/Howlin Banana. Comment ça se passe entre eux ?

"Alors leur popote interne, c'est eux qui la gèrent. Mais Bougui de Beast et Tom d'Howlin, c'est des passionnés, ils sont pas là pour faire de la thune. Si c'était le cas, ils feraient pas les Kaviar, Sapin et surtout pire que tout, ils feraient pas Volage ! Heureusement que ce genre de personnes existe, je vois pas où notre disque serait sorti sinon..."
 
Continuons notre marché. Rayon crèmerie. La crème de la crème de l'indé français ?
"La crème je ne sais pas mais dans ceux qui me plaisent, t'as Sapin, Jaromil Sabor et les Skeptics. J'ai toujours de la musique chez moi mais j'ai du mal à mettre des noms dessus..."
 
Rayon Primeur. Les nouveaux groupes ? Et les plus novateurs ?
"Nouveau groupe... Des petits Rennais, Cheapster. Ils sont jeunes mais ont une musique déjà très en place. C'est du garage sans l'être. T'as des influences grunge/indus. Leurs compos sont très pointues ! Et tu te rends compte des influences que risque d'avoir la nouvelle génération. C'est assez plaisant. En live, ils foutent un sacré foin ! Pour le plus novateur, je te laisse le dire, on va être obligé de leur faire du bien un peu !"
 
Volage !
"Of course !"
 
Rayon Triperie. Qui se fout le plus les tripes à l'air en live ?
"Les Français, c'est pas les Ricains. C'est plus fin, ils ont tous leur petit truc à eux. Mais un groupe qui cogne très très dur, c'est Dragster. Y'a les Magnetix et les Skeptics aussi."
 
Rayon charcuterie. Le jambon. Quel groupe nous prend le plus pour des jambons ?
"Oulah, y'en a pas mal ! Des groupes qui mettent plus leurs égos en avant que la musique. Dans le style, y'a Savages, elles se foutent bien de la gueule du monde !"
 
On est dans la charcuterie donc finissons dans le cochon. Donc copain comme cochon avec ?
"Volage, Sapin, Dragster, Madcaps. C'est les quatre avec qui ont est vraiment potes. Tu vas me dire que c'est Howlin Banana mais c'est pas par hasard qu'on se retrouve tous. Et au final, les Volage, on les aime, on a même failli faire une tournée avec eux. Mais heureusement que ça ne s'est pas fait parce qu'à chaque fois qu'on sort avec Volage, c'est carnage ! Dieu merci, un des Volage est éduc spé, histoire de recadrer tout le monde !"
 

Achetez #2 des Kaviar Special.
Et une dernière réflexion pour la route : est-ce que le pâté Hénaff épicé, c'est du pâté Hénaff indé ? Venez au Point FMR le 7 mai pour le savoir ! En plus, y'aura Volage et les Combomatix. Et avec Volage, c'est...