The Psychedelic Sound of the Poncho

#4 Os Noctàmbulos // Par Rémi Morvan
   Cela fait un sacré bout de temps que je rêvais d'interviewer les Os Noctàmbulos. Je me voyais déjà disserter de la société autour d'un feu de camp de Nuit Debout ou bien me retrouver au bout d'une ligne de Noctilien après avoir loupé notre arrêt, perdu dans un débat sans fin sur la définition de leur genre musical. Psyché ? Garage ? Je peux vous dire qu'en voyant débarquer Nick dans son t-shirt du Brian Jonestown Massacre, j'étais pas plus avancé. Dans DIG !, quelqu'un disait : « Anton est le meilleur revivaliste de son époque ». A mon sens, Nick boxe dans la même catégorie et est le meilleur héritier des Seeds, des Byrds ou autres Sonics.
 
   Avec la sortie de leur second album, sorti chez Stolen Body Records, l'occasion de les rencontrer était trop belle. Point de bus de nuit ou de jongleurs en sarouels, mais plutôt studio d'enregistrement au cœur du XVIIIe arrondissement, que je pensais être le fameux Corsica Garden.
Pendant une heure, j'ai appris beaucoup de choses, notamment que ce fameux jardin corse se trouvait à Massy, que l'origine du groupe tenait à un départ d'Angleterre, que le nom du groupe venait d'un roman de James Ellroy et qu'à l'époque de la formation du groupe, le batteur avait déjà quatre autres formations, faisant passer Ty Segall et Jack White pour des gourous de l'oisiveté. Mais pour moi, si je ne devais retenir qu'une chose de cette interview, c'est le rappel incessant de la productivité qualitative de Nick, le principal compositeur. Rendez-vous compte qu'alors que sort le second album d'Os Noctàmbulos, le troisième est déjà écrit et prévu pour 2017, de même qu'un split et un album pour un de ses side-projects, 39th & the Nortons !

   Alors que son Royaume-Uni natal vient de faire faux bond à l'UE et que leur album est intitulé Stranger, les paroles des chansons de cet opus résonnaient particulièrement haut dans le ciel  de Barbès. Les Os Noctàmbulos ne sont pas des lapereaux de six semaines, chacun de leur côté, ils ont connu des groupes, des expériences de vie qui les ont mené ici et à jouer ensemble. C'est en cela que Super Poncho parlait de possible perfection de leurs titres. Ce groupe bénéficie de l'alchimie de ces membres et la musique s'en trouve gagnante. Ajoutez à cela, la qualité des textes et des compositions et vous obtenez l'un des groupes phares de la scène parisienne. Vous allez me demander le pourquoi de leur absence d'un grand label français, le pourquoi de leur absence répétée dans les différentes salles françaises ? Exactement pour les mêmes raisons qui font la force de ce groupe, la vie. Si je ne devais avoir qu'un souhait pour eux, ce serait de continuer à respirer l'air du temps et de retranscrire cela en musique. Avec cet interview, j'ai tenté de montrer qu'au fond, bien qu'étant toujours un petit peu étranger de tout un tas de choses touchant au milieu, ils étaient au cœur du cercle, celui de la vérité.
Extraits des confidences de Baldo (batterie), Coline (basse), Nick (guitare/voix) et Valentin (guitare).
 

« Je m'inspire beaucoup des choses que je vois »

 
Je vais commencer par une question d'actualité pour Nick. L'album s'appelle Stranger et j'avais dans l'idée de vous amener à République pour participer à Nuit Debout, ça aurait été sympa avec les Os Noctàmbulos ! Finalement, Nuit Debout a périclité et le Royaume-Uni vient de voter sa sortie de l'UE. Nick, as-tu dans l'idée de t'installer place de la République, de relancer Nuit Debout et de demander l'asile politique ?
Nick : Pourquoi pas !
 
Plus sérieusement, est-ce qu'être un Anglais à Paris est quelque chose qui te marque dans ta manière de composer ?
Nick : Oui bien sur. Mais je m'inspire beaucoup des choses que je vois. Je me souviens d'un travail où je devais coller des affiches partout et j'ai vu beaucoup d'affrontements entre la police et les immigrants, du coup, ça m'avait inspirer pour mes textes.
 
Peut-on dès lors dire que l'album a une portée politique ?
Nick : Oui bien sûr ! Not Everyone va parler des différences, des droits pour tous. The Circle Ain't Broken, c'est repris d'un classique de country. The Circle Ain't Broken/The Circle is closed, c'est pour dire que ce ne sont pas nous qui décidons mais les politiques. Medication aussi, c'est pour dire qu'on est drogué par la télévision et les médias en général. C'est vrai qu'il peut y avoir plusieurs interprétations, plusieurs lectures des différents titres. En écrivant Changes en 2014, je pensais plutôt à une révolution, avec le Brexit, ça a une toute autre portée...
 
Je pose cette question parce que ça faisait longtemps que je n'avais pas entendu un album avec des paroles avec un minimum de sens. Votre musique est très teintée sixties et à cette époque les artistes faisaient de la musique un moyen d'exposer leurs opinions. C'est quelque chose qu'on retrouve beaucoup moins aujourd'hui.
Coline : Je pense que quand tu as 20 ans, tu ne vois pas forcément la politique comme quelque chose de très important. Sauf que dix ans après et deux trois baffes de la vie plus tard, il t'arrive de retrouver des gens et de voir qu'ils se sont politisés. Le contexte est très important.
 

« On est plus âgés, on a fait nos vies »

 
Parlons du groupe. Hier, je me disais que je ne comprenais pas pourquoi vous n'étiez pas plus connus et reconnus dans la scène indé française.
Coline : Parce qu'on a pas les bons copains ! (Rires) Plus sérieusement, je veux dire par là qu'on est pas un groupe de copains de 20 ans ayant des copains qui organisent des soirées et qui nous font jouer partout. On est plus âgés, on a fait nos vies. On est moins dans le coup !
 
Je rebondis là-dessus et sur le split que vous avez fait avec Plantains, aujourd'hui Heaters. Quand je vois où ils en sont aujourd'hui, est-ce vous pensez qu'ils explosent parce qu'ils sont Américains et qu'ils ont de meilleurs amis que vous ou pas du tout ?
Nick : Je pense surtout qu'ils travaillent énormément et qu'à force de tourner, ils se sont faits connaître. Ça leur a fait de la publicité, ils ont eu un manager etc. 
Coline : Si on avait fait des plusieurs dates dans plusieurs villes, on se serait habitué à nous. Si tu connais quelqu'un qui est en tête de réseau, ça peut faire pas mal la différence. Bien sur qu'on a un réseau d'amis et de fans dans le milieu mais c'est différent. On a plus de recul.
 
Votre premier album Corsica Garden est sorti en septembre 2014, on est en juillet 2016 et pourtant j'ai vu que vous jouiez déjà les titres de ce second opus en 2014, et vous avez déjà annoncé la sortie d'un split et d'un album pour 2017 ! Comment cela se fait-il que quelque chose ne soit pas sorti plus tôt ?
Nick : On a enregistré les chansons de cet album fin 2014-début 2015 mais après ça, beaucoup de choses se sont passées. J'avais dû quitter mon appartement donc je n'avais pas de place pour faire le mixage... C'était surtout une question pratique.
Baldo : Ce qui est bien, c'est qu'on joue les morceaux sur scène, ils se modifient, ils prennent leur figure. Dans la mesure où Nick est ultra productif, les titres tournent beaucoup et y'a pas une semaine, j'écoutais une répèt qu'on avait fait où il y avait de très bons titres qu'on joue plus maintenant et qui ne sont sur aucun album ! 
 
Donc les chansons du troisième album sont déjà écrites et enregistrées ?
Nick : Ecrites oui mais pas encore enregistrées, bientôt !
 
Avant de parler du troisième album, parlons de celui-ci. J'avais reçu les morceaux dans le désordre et je me suis rendu compte hier de la véritable tracklist. Et c'est vrai qu'écouter l'album dans cet ordre-là change beaucoup de choses !
(Je montre l'ordre des chansons).
Nick : Ha oui mais c'est bizarre ça, complètement bizarre. Ça marche pas!

Lesquelles préférez-vous ? En live ?
Coline : Avec Valentin, on aime bien jouer Jordi Taught Me mais Nick veut plus la jouer ! Il la trouve trop facile !
Nick : Control !

Personne pour Handcuffs ? Je suis un fanatique de ce titre !
Baldo : Handcuffs, ça fait pas mal de temps qu'on l'a joue, du coup, on va plus être attiré par les nouveaux morceaux, histoire de pas rentrer dans la routine !
 

« Les Night Beats parce que le nouveau bassiste, ça va pas ! Il va falloir remettre de l'ordre ! »

 
Pour finir, je vais vous faire un petit quizz Noctambules où vous risquez de vous faire des amis ! Première question : En quel groupe aimeriez-vous vous réveiller ?
Coline : Les Night Beats parce que le nouveau bassiste, ça va pas ! Il va falloir remettre de l'ordre !
Nick : Reigning Sound.
Valentin : Thee oh Sees.
Baldo : The Masonics.
 
Le groupe cauchemar ?
Coline :
Il va falloir qu'on soit gentil si on doit tourner !
Baldo : Moi je suis bon public, j'aime tout !
Valentin : Dans le monde, j'ai beaucoup trop d'idées ! En France, beaucoup moins !
 
Quel groupe a le sommeil agité ? Ou celui qui envoie le plus en live ?
Valentin : Les Magnetix.
Nick : Dusty Mush ou The Blind Shakes.
Coline : Le groupe de Lyon... Cavemen 5 !
 
Et enfin, si vous deviez passer la nuit avec un autre groupe ? Jaromil Sabor et Bootchy Temple ne sont pas acceptés pour toi Nick !
Nick :
Ha non non mais je les déteste !
Valentin : JC Satan.
Coline, Nick : The Feeling of Love !
 
C'est sur ces doux rêves que je ne souhaite qu'une chose : les revoir en live. Car oui, aucune date à l'horizon pour eux. A vous, organisateurs de soirées et programmateurs de salles. Devant vous, la crème franco-anglaise de l'indé français.