PROTO IDIOT

Leisure Opportunity (Slovenly Recordings 2017) // Par DJ Klaus

Aussi efficace qu’un shot d’energy drink, Proto Idiot vous motiverait un mort. Je suis même prêt à parier      18 000 Lira qu’à l’écoute de Leisure Opportunity, les zombies léthargiques de Walking Dead pourraient se transformer en super-morts-vivants à la World War Z. Et si je rappelle ici à votre éminent souvenir, par un moyen des plus astucieux, les londoniens d’Art Brut, c’est que le lead singer de Proto Idiot - Andrew Anderson - n’est pas sans évoquer Eddie Argos et son chant débilo-scandé (I know you know devant toutes les autres).

La notion de « débilo » bien en avant car on sent chez les mancuniens une volonté très, très forte, de s’arrêter, de repartir, de déconstruire et de surprendre en mettant en place des structures étonnantes et des harmonies inattendues. Ce groupe vous donne l’impression de ne jamais être à l’abri et c’est paradoxalement parce que cette frénésie est orchestrée avec subtilité que ça marche et que ça pourrait même vous rendre légèrement fou à l’occasion.
Comme par exemple vous donner envie de tout casser, juste parce que c’est fun. On devrait presque songer à ajouter à leur pochette - d’une efficacité et d’une absurdité qui leur sied d’ailleurs à merveille -, le logo triangulaire « niveau 3 » qu’on voit apparaître sur les boites de médicaments trop forts pour prendre le volant. En écoutant ça en voiture, y’a moyen de mordre sur la ligne blanche !
 
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a3143437628_10.jpg, by Laetitia

J’ai aimé l’énergie fraîche et authentique de cet album, mais j’ai aussi aimé ce qu’il m’a rappelé. On pense à la gouaille de Richard Hell et aux guitares destructurées de ses Voidoids qui, dès l’écoute de "Theme", s’imposent en toile de fond. Ça devient d’autant plus évident sur des morceaux comme "Living a lie" ou "Angry Vision". Même les paroles des anglais, frôlant parfois la métaphysique, contiennent des points communs avec celles de leurs cousins américains. "What is my purpose" comme une "Blank Generation" version 2.1.

Mais pour en revenir à la Perfide Albion, il y a là quelques réminiscences d’un autre groupe londonien à l’ironie mélancolique, plus doux mais tout aussi cassé, dans la voix comme dans la musique… je pense évidemment à Dan Treacy et ses TV Personalities. Et puis comment ne pas évoquer les Toy Dolls et leur punk débile et fédérateur. Il s’agit là de fantômes liés à la pop et au punk qui, lorsqu’ils surgissent au détour d’un morceau, ont vite tendance à me séduire.

Cette nonchalance alliée à une énergie brute, cette manière de jouer avec l’auditeur en cassant les codes tout en restant dans un carcan exigu, ce sont des choses que Proto Idiot maitrise plutôt bien et ça, ça me plait. Tout comme le fait qu’ils aient su ajouter à ce Leisure Opportunity des accents plus « lourds », rappelant au passage Fugazi ou les Blues Explosion ("Theme" ou "Proto Paradox") et amenant alors du relief à un album qui aurait pu s’essouffler rapidement si le groupe s’était cantonné à jouer « vite et fort ». On retiendra d’ailleurs "I know you know" comme une vraie respiration. Dommage d’ailleurs qu’elle n’arrive pas plus tôt car si l’on devait reprocher quelque chose à cet album, ce serait peut-être sa longueur. À mon avis, il n’aurait pas souffert d’être allégé d’un ou deux morceaux : le propos s’en serait trouvé tout aussi complet mais aurait peut-être gagné en efficacité.

On leur pardonne, parce qu’on sait que leur « moronic garage rock music » (comme ils la qualifient eux-mêmes) dopée au speed et bourrée de second degré, va probablement parvenir à motiver une grande partie des débuts de soirée qu’on aura l’occasion de vivre à partir d’aujourd’hui.
 
PROTO IDIOT -Leisure Opportunity- LP - 01 Theme, by Laetitia

Leisure Opportunity​​​​​ - sortie 3 novembre 2017 / Slovenly Recordings