Pop parodisiaque // The DUKES OF STRATOSPHEAR

La discothèque idéale (1987) // Trésor caché #011
         
     Véhicule anachronique du groupe XTC pendant la seconde moitié des années 80, The DUKES OF STRATOSPHEAR offre aux super-héros de la pop anglaise, l’occasion d’un trip psychédélique à la hauteur de leur talent. Psonic Psunspot est la suite parfaite d’un canular réussi : un album qui navigue avec joie entre ambitions parodiques et morceaux d’anthologie.

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      On le sait, la double identité est un puissant révélateur. Derrière le masque, on peut s’émanciper de toute pression sociale ; une désinhibition créatrice qui offre au groupe XTC la plus belle des récréations. Le jour où Andy PARTRIDGE, Colin MOULDIN, Dave GREGORY et Ian GREGORY se sont transformés respectivement en Sir John JOHNS, The RED CURTAIN, LORD CORNELIUS PLUM et E.I.E.I OWEN, ils ont également construit une machine à remonter le temps. Sorties un 1er avril, les six chansons de 25 O’clock sont présentées comme une compilation de trésors cachés d’un obscur groupe de la fin des années 60 : The DUKES OF STRATOSPHEAR. Enregistré en deux semaines avec un budget de 5000£, le mini-album se vend deux fois mieux que The big express : XTC et leur label prennent acte de cette ironie et révèlent le pot aux roses. D’abord réfractaire à l’idée de remettre le groupe en selle pour un deuxième acte, PARTRIDGE succombe finalement à la tentation de donner libre cours à ses influences, après l’enregistrement compliqué de Skylarking, produit par le magicien caractériel Todd RUNDGREN.
 
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Jeu de pistes

Psonic Psunspot prolonge le plaisir du jeu, mais il s’éloigne aussi du pur exercice de style. 25 O’Clock faisait la part belle aux gadgets de studio et imitait à la perfection les tics formels d’une époque. Son successeur est plus sobre, use moins de pistes et se recentre sur l’écriture. Chacune des dix chansons est l’occasion d’une mélodie soignée et intemporelle ; aucune n’aurait déméritée sur un album d’XTC. Si l’entreprise est moins sérieuse qu’à l’accoutumée, on peut louer la simplicité et l’humeur joueuse d’un groupe qui s’est parfois empêtré dans ses ambitions. Ici, la parodie est un prétexte qui s’efface derrière le classicisme. On peut bien sûr tracer avec plus ou moins d’assurance, les inspirations et les références. L’ouverture Vanishing girl est un bel hommage aux HOLLIES, Have you seen Jackie ? resuscite le Syd BARETT des premiers PINK FLOYD ; You’re my drug rappelle les BYRDS de Fifth dimension et The affiliated la pop sophistiquée de LOVE. L’album se termine par un sommet : Pale and precious, un hommage époustouflant aux BEACH BOYS de la grande époque, qui emprunte autant à la construction alambiquée de Good vibrations qu’aux arrangements géniaux de Pet sounds. Et puis parfois, à l’écoute de Psunic Psunspot, on croirait reconnaître… XTC.
 
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Pastiches et postiches

PARTRIDGE et MOULDING ont parfaitement digéré cet héritage qui, des BEATLES aux KINKS, en passant par MOVE et IDLE RACE de Jeff LYNE, fait la fierté de la perfide Albion [Proposition du rédac'chef : et si on arrêtait avec cette expression ?]. Ils l’ont intégré à leur propre style. Il en va ainsi du génie qui se distingue de la pure virtuosité du faussaire. Le Néerlandais Han Van MEGEEREN s’est enrichi en peignant des tableaux « à la manière de » : il écrasait lui-même ses pigments, passait les tableaux au four pour faire craqueler la peinture et lui donner un aspect vieilli ; il imitait si bien ses modèles qu’il faisait passer ses productions pour des originaux de la Renaissance, aux yeux de tous les spécialistes. L’Histoire nous raconte que l’artiste cherchait ainsi à prendre sa revanche sur les critiques qui avaient dénigré ses œuvres de jeunesse. C’est peut-être aussi ce qui a motivé le bluffant 25 O’clock, avec ses guitares vintage, ses pédales d’effets et ses trucages sonores. Mais sa suite ne prétend tromper personne. Le délicieux Brainiac’s daughter nous laisse entendre ce subtil mélange entre pop sautillante et dérision, qui a fait la marque de ces musiciens surdoués. Pour ne pas se répéter, le groupe sabordera lors d’une interview malicieuse, le futur des DUKES OF THE STRATOPSHEAR : les quatre membres auraient péri tragiquement dans un accident mortel de « sucrerie ». PARTRIDGE envisagera un temps la création d’un opéra-rock, une parodie glam et un album de powerpop bubble-gum. Ce dernier, influencé par les années 70 et riche en allusions sexuelles aurait été refusé par la même maison de disque qui avait encouragé l’enregistrement de Psonic Psunspot. Peut-être que les blagues les plus courtes sont les meilleures... PARTRIDGE, un peu vexé par le succès de son avatar Sir John JOHNS conclura plus tard en philosophe : « c’était un peu troublant de penser que les gens préféraient ces personnages plutôt que notre vraie personnalité… Ils essayaient par-là de nous dire quelque chose. Mais je m’en moque, puisqu’avec les années, nous avons fini par devenir les DUKES OF STRATOSPHEAR ». Ce n’était donc pas une mascarade et un déguisement éphémère, mais le début d’une métamorphose.

 

Paul MÉGLOT

(10 mars 2023)

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The DUKES OF STRATOSPHEAR. Psonic Psunspot (Virgin, 1987)
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À écouter de toute urgence, en prenant le temps :

The DUKES OF STRATOSPHEAR. 25 O’clock (Virgin, 1985)
The DUKES OF STRATOSPHEAR. Psonic Psunspot (Virgin, 1987)

Pour prolonger...

XTC. Skylarking (Virgin, 1986)
XTC. Orange and lemons (Virgin, 1989)
Nuggets II : original artyfacts from the British Empire and beyond, 1964–1969
(Rhino Records, 2001)

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Photographies : DR
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