Not dead ! / WASHINGTON DEAD CATS

Interview (2022)
                    Toujours en activité, vivants et vigoureux, les WASHINGTON DEAD CATS ont sorti en 2022 un album à leur image, Monkey brain.
Leur chanteur, Mat FIREHAIR, leader et canal historique du groupe répond à nos questions. C'est l'occasion de parler graphisme, influences musicales, politique et de revenir un peu sur le rock français des années 80.

 

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          WASHINGTON DEAD CATS fut l'un des meilleurs groupes du rock alternatif (1983-1989), tant sur disques que sur scène où les légumes volaient. Quelques décennies plus tard, sur l'album Monkey brain (sorti en avril 2022 en compact disc laser et en septembre en 33 tours), leur punkablilly batcave cuivré sent toujours bon la série Z avec héroïnes plantureuses en bikini, monstres grotesques et décors en carton-pâte. Les chats ne sont pas morts (ils ont même joué au Hellfest édition 2022) !

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"Plus brut, plus direct, plus impactant"

Avant d'entrer dans la musique de ce réjouissant et tonique Monkey brain, les fidèles du groupe remarqueront que sa pochette est très différente de celles des précédents disques (bien qu'il y eut des pochettes de 45t. en noir et blanc). Son esthétique très sombre serait-elle en résonance avec l'état actuel du monde ?

Mat FIREHAIR : J’ai toujours fait ou dirigé les pochettes, afin que ces dernières répondent à l’image du groupe et à notre univers. J’étais assez fan de celui de MASTO, notre premier saxophoniste (ex-LUCRATE MILK et futur BÉRURIER NOIR à l’époque). Sur notre première pochette, nous avions décidé de nous rapprocher de son travail photographique avec LUCRATE MILK, ​​en adaptant son style à notre image. À l'époque, le label Bondage (dont ce fut d'ailleurs la première pochette couleur du catalogue) nous imaginait plus devant un mur de briques type RAMONES. Ils ont mis du temps à valider notre choix de paysage plein de légumes sur Go vegetables Go ! [Masterpiece du rock français, NDLR].

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Puis, nous avons aussi eu la chance d’avoir comme guitariste dans le groupe, pendant vingt ans, Lord FESTER aka Fred BELTRAN, dessinateur de bandes dessinées. Nous parlions du sujet de la pochette, parfois je faisais même un minable rough et il en faisait un superbe dessin. Par la suite, je reprenais ses éléments pour faire le reste. J’ai fait toutes les dernières pochettes depuis Under the Creole moon. Pour Monkey brain, je ne voulais pas la faire, ou alors aller radicalement ailleurs, chambouler un peu tout. Les membres du groupe à qui je demandais de faire appel à quelqu’un d’autre m’ont proposé, dans un premier temps, de faire à mon idée, c’est à dire quelque chose de plus direct, en noir et blanc et plus impactant. Dès la première proposition, ils ont validé. Il faut dire que l’idée est simple, en relation directe avec le titre Monkey brain. À l’intérieur, sur le digisleeve, j’ai rajouté des fresques à base de gravures, dans un état d’esprit plus personnel et moins Washington Dead Cats, car finalement j’avais fini par créer un carcan graphique dont nous ne sortions plus. En choisissant le noir et blanc plutôt que la couleur, il n’est pas ici question de résonnance avec l’état du monde, mais plutôt avec l’album qui est assez différent aussi de nos disques précédents ; plus brut et plus direct musicalement. J’ai toujours aimé le noir et blanc (comme les pochettes des THUGS par exemple), mais la couleur correspond plus à l’image du groupe depuis le début.
 

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Les changements de line-up furent nombreux au sein des WASHINGTON DEAD CATS. Pour autant, le son du groupe a su évoluer et l'esprit originel punkabilly a été préservé. Comment l'expliquer ?

En fait, chaque remplaçant arrive toujours avant que le musicien dont il va prendre la place soit parti, cela doit aider. Il est souvent intronisé par un autre membre du groupe et il y a, malgré tout, un son WASHINGTON DEAD CATS. La voix fait souvent le lien entre tout cela. Après, nos options d’influences musicales sont larges, mais ce qui nous réuni et nous permet d’être cohérents est sans doute la même envie de faire une musique énergique sans s’interdire quoi que ce soit. Il y a un fil conducteur dans nos influences qui partent du blues, du rockabilly en passant par la country, le surf, le garage punk et le punk 77. Ce ne sont que des musiques qui ont les même racines. Et je suis sans doute devenu au fil du temps une sorte de gardien du temple [rires ! ], quoique notre bassiste, YOU RIP, étant un grand fan des premiers albums, a tendance à nous ramener parfois vers cela aussi et devient une sorte de Cerbère du son Wash. ☺
 

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Retour à Voodoo island ?

Les cuivres ont toujours eu une grande importance chez les WASHINGTON DEAD CATS. C'est particulièrement flagrant sur ce 13ème album. Sont-ils plus pensés en arrangements ou font-ils partie intégrante de la composition des chansons ?

Les cuivres sont avant tout pensés en arrangements, tout comme les chœurs, nous écrivons beaucoup de refrains avec des chœurs. Quand nous écrivons une chanson, nous savons dès qu’elle est finie s'il y aura des cuivres ou non dessus. Dans le cas où il y a des cuivres, nous leur laissons de la place afin qu’ils s’expriment. Notre bassiste, qui est aussi tromboniste, ou notre trompettiste écrivent les arrangements cuivres et nous ne sommes jamais bloqués sur le fait de rallonger une partie ou d’enlever un couplet de chant si c’est nécessaire pour le bien du morceau. Après, certains titres, comme Mata Hari par exemple sur le dernier album, sont avant tout des morceaux à cuivres ou plus précisément pour celui-ci, à trompette, ce qui permet aussi dans l’ensemble d’un album de varier les ambiances et ne pas revenir obligatoirement à la guitare pour les solos.

Sur plusieurs titres de ce nouvel album, on a l'impression qu'il y a une contrebasse. Cela renforce alors bien la dimension psycho-punkabilly de votre propos musical. Es-tu fier de cette réussite ?

Et bien, il n’y a pas de contrebasse sur cet album, c'est du rimshot sur le bord du cercle en fer de la caisse claire, ce qui donne l’impression d’entendre un cliquetis de contrebasse. Cela fut pas mal utilisé à la fin des années 50 par des musiciens de Rock’n’roll jouant avec une basse plutôt qu’une contrebasse. Nous utilisons ce procédé depuis le début du groupe comme sur Beetroot girl sur le premier album. Nous avons toutefois utilisé une contrebasse sur certaines chansons du double live Electric and acoustic. Cela permettait de les interpréter différemment et de ramener à certains morceaux plus rockabilly un côté plus roots. Idem pour le 45t. Goin’ wild and acoustic qui est enregistré avec une contrebasse. Cet instrument n’est pas une option possible pour toute une partie de notre répertoire, trop punk. Finalement, la basse permet à bon nombre de chansons rapides un côté plus punk, rentre-dedans.

La trompette de Mata Hari est un beau clin d'oeil à Ennio MORRICONE. Elle fait le lien avec d'autres de vos chansons qui - dès 1988 - rendaient déjà hommage aux ambiances du western spaghetti (cf. Welcome/Return to blood city). Je me trompe ou le maître disparu il y a deux ans est une influence majeure du groupe ?

Oui, Ennio MORRICONE a toujours été une grande influence chez les Wash ainsi que la musique DE western (pas la musique western ce qui est différent). Mais il en est de même pour Lalo SCHIFRIN, Henry MANCINI ou John BARRY [Carton plein !, NDLR]. Nous avons souvent pensé nos morceaux comme des bandes-sons de films plus que comme des chansons et cela se retrouve régulièrement dans nos disques. On le sent aussi dans les textes, très influencés par le cinéma bis. Nous avons longtemps pensé notre musique en ambiance comme sur Voodoo island avant de la penser en chanson couplets-refrains.

Oui, votre musique est, depuis le départ, empreinte d'ambiances cinématographiques. Il est alors étonnant que vous n'ayez pas réalisé de bandes originales de films. Avez-vous déjà été sollicités par des cinéastes ?

Nous avons été sollicités pour que nos morceaux se retrouvent dans des B.O ou des courts métrages, pour illustrer des vidéos de surf, skate… même pour des pubs, mais jamais directement pour écrire pour un film. Il est plus simple pour les gens de repérer un morceau sur un disque que de demander à un groupe de composer toute une B.O. Ce qui est long et peut-être fastidieux si les gens ne se comprennent pas bien. Mais l’expérience nous tenterait vraiment.
 

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"Aucune nostalgie"

 WASHINGTON DEAD CATS est l'un des seuls groupes rescapés du rock alternatif à être encore en activité. Avec du recul, quel regard portes-tu sur ce mouvement ?

Je n’ai aucune nostalgie par rapport au passé. Le rock alternatif et plus particulièrement le label Bondage qui a lancé, créé le rock alternatif et sur lequel nous étions avec BÉRURIER NOIR, NUCLEAR DEVICE et LUDWIG VON 88 reste un super souvenir. C’est la période où les radios libres et les fanzines explosent, plein de jeunes se mettent à organiser des concerts, tout le monde se disait qu’il pouvait faire un groupe, un fanzine, une émission de radio, c’était une période d’ébullition intense. Les groupes Bondage jouaient en plateau ensemble, en imposant leurs conditions de prix d’entrée de concert à un tarif abordable pour les jeunes, ainsi que le refus de laisser entrer dans la salle toute personne s’affichant avec des insignes racistes, fascistes, nationalistes (ce qui est toujours dans nos contrats d’ailleurs). Après, cela est devenu une mode, a dépassé les groupes et leurs labels. Puis une autre mode est arrivée. Cela a ouvert les yeux à plein de gens sur une autre manière de faire et sur certaines valeurs plus libertaires. Le rock alternatif n'était pas un style de musique. Les LUDWIG et NUCLEAR DEVICE, tout comme les Bérus et les Wash n’avaient pas grand-chose à voir musicalement, mais c’était avant tout une manière différente de faire les choses. Bondage était un label assez collégial au début, et une prise de conscience de certains problèmes comme le racisme ou la montée du Front National.

Certes, mais à cette époque, vous sembliez à part des autres groupes étiquetés alternatifs, pour la plupart politisés. Tes paroles n'ont jamais revêtu de dimension sociale explicite. N'était-ce ou n'est-ce point tentant de dénoncer les injustices, les inégalités, le racisme, la violence sociale, notamment en France ?

Je pense que tout le monde a sa sensibilité. La mienne se rapproche plus en terme d’écriture de choses plus délirantes comme Pizza attack ou Monkey brain. BÉRURIER NOIR le faisait très bien et mieux que je n’aurais su le faire et quand nous faisions les tournées de soutien pour le SCALP ou REFLEXes, à mon idée, il était aussi important d’avoir des groupes avec des propos revendicatifs que des groupes comme nous qui ne l’étaient pas dans les textes mais dans la démarche. Après, la dénonciation sans solutions a ses limites en terme de crédibilité. Nous avons fait énormément de concerts de soutien et c’est aussi là qu’il était important d’être, près des acteurs qui tentaient de trouver des solutions.

Cela dit, la présence, sur le nouvel album,  du cover du White riot du CLASH permet de remettre les pendules à l'heure. Pourquoi avoir choisi cette chanson, puis l'avoir passée au filtre rockabilly ?

Quand nous avons commencé, les Teddy boys (il y en avait encore à l’époque) détestaient les punks et je pense que, pour eux, nous étions sans doute un de leurs pires cauchemars, car nous détournions nos influences rockabilly pour en faire du punk. Reprendre White riot des CLASH en version plus rockabilly est donc un bon pied-de-nez. White riot reste une belle chanson contestataire des CLASH qui fut longtemps mal comprise. White riot était une chanson écrite pour inciter les jeunes blancs à se rebeller, Joe STRUMMER pensant à l’époque que les jeunes noirs l’avaient déjà fait. CLASH reste pour nous un groupe de référence en terme d’influence musicale, de par leur diversité et de par leur engagement social et militant.
 

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En décembre 1987, dans une cité de Valence, après un mémorable concert (de vous, NUCLEAR DEVICE et les gloires locales MORT À VENISE), perturbé par une intrusion de crânes rasés fascistes, vous aviez organisé une chasse aux skins en skateboard pour finir la soirée. T'en souviens-tu ?

Oui je me souviens, nous finissions une tournée avec NUCLEAR DEVICE. Les premiers spectateurs qui étaient sortis du concert s’étaient fait agressés par une bande de skins boneheads. Ils s’étaient échappés en courant et étaient revenus à la salle [MJC du Polygone, désormais Conservatoire de Valence, NDLR], pour prévenir tout le monde. Du coup, nous étions sortis, les Wash et les N.D, avec ce que nous avions sous la main, pour leur reprendre le terrain. Il se trouve que c’était, entre autres, des skates  - je pratiquais assez régulièrement à l’époque et pratique toujours un peu. Et un skate en pleine figure, cela fait assez mal ! Une grande partie du public nous a suivi et quand nous sommes arrivés là où ils attendaient toujours le public, ils ont vu arriver les groupes devant, suivis par toute une partie du public, tous prêts à en découdre. Ils se sont donc enfuis à toute jambes, comme une volée de moineaux. C’était en fait plutôt drôle. La solidarité groupe et public avait bien marché ce soir là.
 

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L'extrême-droite paraissait à la fois menaçante mais marginale à cette période. Elle est désormais plus qu'à nos portes puisque dans les urnes et très présente à l'Assemblée nationale, mais cela ne semble plus déranger grand-monde. Quelle analyse fais-tu de cette situation ?

Dans les années 80, l’extrême-droite était menaçante et déjà à 10%, mais elle ne voulait pas du pouvoir à proprement parler. Elle se considérait comme un parti d’opposition. Maintenant, elle veut accéder au pouvoir et Marine Le Pen ne nous présente dans son programme que la partie immergée de sa pensée fasciste et nationaliste, dédiabolisée à sa droite par un Éric Zemmour, délirant et profondément fasciste. Le plus inquiétant étant que, pendant longtemps, le vote d’extrême-droite était considéré comme honteux et les électeurs ne se vantaient pas toujours de voter pour un parti ouvertement xénophobe, raciste et j’en passe. Maintenant, il est devenu banal de voter pour Marine Le Pen qui véhicule toujours les mêmes idées, mais a su se faire passer pour quelqu’un d’acceptable. Sachant que si elle accède au pouvoir elle n’aura pas dans ses rangs de quoi former un gouvernement et nous entraînera dans sa chute. Elle est véritablement dangereuse pour la démocratie. Sur la durée, les gens se sont fatigués des partis traditionnels qui les ont déçus, le P.S et François Hollande en premier pour les gens votant traditionnellement à gauche. Les histoires, de DSK à Balkany, ont fini par détourner les gens des gros partis politiques. Ceux-ci ont perdu toute crédibilité et ne sont plus dans la réalité de terrain depuis longtemps. Marine Le Pen bénéficie du vote ras-le-bol, mais elle n’est pas du tout une solution envisageable pour la démocratie.

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"Dès que je me vois le matin dans la glace,
je sais que je vais devoir expier le fait d’être un monstre"

Les sources d'inspiration de ce nouvel album semblent fidèles aux basiques du groupe, dans une ambiance très séries Z : monstres des marais, zombies, animaux sauvages... D'où te vient cette fascination pour la monstruosité ?

De mon physique. Dès que je me vois le matin dans la glace, je sais que je vais devoir expier le fait d’être un monstre [Sois rassuré Mat, tu es un éternel BG, NDLR ; cf. photo ci-dessus]. J’ai finalement plus de fascination pour l’étrange que pour la monstruosité. Ma culture cinématographique, les séries B de science-fiction, Star Treck, les films d’horreur de la Universal ou de la Hammer sont à la base d’une bonne partie de mes influences. Cependant, sur chaque disque, il y a aussi depuis un certain temps des chansons qui se dégagent de cela, comme The river carries me sur Primitive girls are more fun, Satan's grave (influencée par Woody GUTHRIE) sur Attack of the giant purple lobsters ! ou encore Coal and roses sur Monkey brain. Après, j’ai toujours abordé les sujets tournant autour de ces thèmes en essayant d’être en décalage avec l’idée de base, en rajoutant souvent une sorte de fin en forme de morale décalée. En jouant avec le thème au second degré ou de manière cynique. Par exemple, dans Monkey brain, Are we all zombies ? ne parle pas à proprement parlé de zombies, mais plutôt de notre inaction nous transformant en zombies face au réchauffement climatique. Faire une chanson de zombies ou sur le réchauffement climatique au premier degré ne m’intéresse pas, c’est pour cela que je combine mes influences pour mieux les détourner.
 

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En effet, derrière tout ce bestiaire et cette monstruosité, on sent plusieurs niveaux de lecture de tes paroles. Hormis peut-être sur le plus direct Red lights, blue lights, est-ce par pudeur que tu ne souhaites pas aborder explicitement certains sujets que l'on devine pourtant ?

Je pense, oui, qu’il y a une forme de pudeur, mais aussi l’idée qu’aborder certains thèmes au premier degré révèle parfois d’une certaine forme de vulgarité pour moi. Comme dit précédemment, je joue beaucoup avec le second degré et le cynisme, je raconte des histoires mais ne dénonce pas des faits. J'aime l’idée d’écrire une chanson comme une histoire avec un début, une fin et une phrase conclusive avec différents niveaux de lecture si possible et par parabole. Pour moi, l’affrontement direct avec la réalité de certains sujets manque souvent de charme et me paraît tristement réaliste, j’ai besoin d’entourer cela d’humour. Si je prends l’exemple de Napalm surf, il s’agit du fait que toutes sortes d’armes sont en libre accès aux États-unis. J’avais vu un documentaire où il y avait des bombardiers en vente dans un immense champ, d’où l’idée d’écrire une chanson sur un personnage passablement aisé qui se paye un bombardier pour draguer une fille en lui disant « chérie, nous allons bombarder une petite île et faire du Napalm surf car nous ne sommes pas des hippies ». Cela voulait dénoncer de manière indirecte le fait que n’importe qui peut acheter une arme et faire n’importe quoi, ce qui est un véritable danger, comme cela vient encore de nous être prouvé. En conclusion : je ne suis pas militant NRA ! [Nous voilà rassurés ! NDLR]

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Quels sont alors les véritables thèmes de cet album Monkey brain ?

Monkey brain est totalement influencé par une scène du film Bad taste, mais détournée pour en faire une autre histoire à base de transplantation de cerveau de singe. Man made monster n’est jamais que la re-interprétation contemporaine de l’homme voulant créer un surhomme, jouer à Dieu et la créature se retourne contre son créateur. Dans les années 50, les films de science fiction faisaient à peu près tout et n’importe quoi, avec l’emploi des mots atomic ou atome, comme dans le film The atomic manBlack moon rising est sans doute lié à ma fascination pour Yma SUMAC et son morceau Jivaro et aux effets de la lune noire. Mata Hari fait référence à la célèbre espionne danseuse exotique exécutée pour trahison pendant la Première Guerre mondiale, sans que l’on sache vraiment pour qui elle espionnait car elle passait du camp de l’espionnage à celui du contre-espionnage. C’est le mythe de la belle femme, espionne et séductrice, une James BOND au féminin, la vodka Martini en moins, l’exotisme en plus. The swamp thing will get you fait référence à la créature de la série de bandes dessinées qui est vraiment à part dans le monde des comics américains. Ce n’est pas à proprement parler un super-héros, mais un savant transformé en plante des marécages, sachant que la reprise de la BD par Alan MOORE est plus intéressante que l’originale dans son développement. Nous avons toujours été fans de super-héros et avons d'ailleurs enregistré des covers de Batman et Spiderman et écrit un morceau en l’honneur de CatwomanMan made out of lies est une histoire d’espion, ou plutôt la description de ce qu’est finalement un espion : un homme prêt à tout dont l’identité est bâtie sur le mensonge. Coal and roses et I need a place to cry se rapprochent de mon penchant plus mélancolique, bercé par les textes de blues roots ou de la country de Hank WILLIAMS. Ce sont plus des textes métaphoriques sur l’existence et les chemins de vie. En résumé, les thèmes dont il est question sur cet album sont ceux abordés depuis longtemps finalement : l’emprise de l’homme sur le monde et son impuissance face à l’inconnu et aux créatures hors normes. L’autre partie des textes se veut plus métaphorique et ancrée dans les sentiments humains.

Il y eut quelques tentatives de chant en français de ta part. Pourquoi ne pas avoir davantage creusé cette piste ?

Il y a eu quelques titres en français avec les Wash ou avec mon groupe JUJU MESSENGERS. Mon choix d’écriture s’oriente naturellement et plus facilement vers l’anglais, de par les thèmes des chansons souvent abordés qui font souvent référence à des films ou des livres anglo-saxons et par musicalité, je trouve l‘anglais plus seyant pour le rock, au même titre que l’Italien pour l’opéra. De plus, je n’écoute que très très peu de musique chantée en français ou alors des classiques comme BREL ou BRASSENS, mais je ne me reconnais pas dans ce style d’écriture et je n’ai sans doute pas le talent non plus. Après je ne m’interdis rien. Certains titres comme Juju, Down under my feet ou All I miss ont été écrits en français et en anglais. Nous avons enregistré les deux versions, mais le groupe préférait les versions anglaises. Elles sonnaient mieux.
 

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"Quoi de mieux qu'un groupe de rock ?!"

À mon sens, vous êtes l'un des groupes les plus intègres que le rock français ait pu connaître. N'avez-vous pourtant pas été tentés par les compromis, notamment quand ça sentait le sapin pour le rock alternatif et que les majors récupéraient beaucoup de groupes du mouvement ?

Nous n’avons pas été tentés par les compromis. Nous avons été abordés par des majors, qui sont même venues nous voir en studio et nous avons très vite compris que nous ne parlions pas le même langage. Très rapidement, ils nous ont dit qu’il faudrait faire un single en français et j’avoue que la notion de single pour une major n'est pas la même que la nôtre. Par exemple, selon les critères d’une major de l’époque, Pizza attack n’aurait  jamais été un single et le fait d’avoir une personne qui te dit "je te donne de l’argent si tu chantes en français" n’était pas envisageable. J’ai répondu à l’époque que je chanterais en français si j’avais envie de chanter en français, non par obligation. Ils voyaient sans doute un potentiel dans le groupe, mais sachant que très tôt nous avions décidé de contrôler notre musique et notre image et que nous venions de la scène DIY, il ne nous semblait pas nécessaire de travailler avec des personnes qui ne comprenaient rien à ce que nous faisions et qui nous étions. Les majors ont pu être une bonne chose pour certains groupes voulant réussir comme ce fut le cas pour les WAMPAS. Ils ont vraiment décollé avec l’aide d’Universal, mais leur choix n’était pas le nôtre. En même temps, nous n’avions pas non plus milité aussi longtemps pour le rock indépendant pour nous faire récupérer du jour au lendemain par une multinationale qui, de toutes manières, nous aurait jetés comme cela est arrivé à tous ces groupes au bout de deux disques parce-qu’ils ne vendaient pas assez et qui finalement finirent du coup rincés, incapables de continuer. Notre choix était lié à l’envie de faire de la musique et d’arriver à s’en sortir, pas de faire de la musique au kilomètre pour une major qui signe des chèques.

Sans que cela ne soit trop douloureux, pourrais-tu nous expliquer pourquoi les WASHINGTON DEAD CATS se sont arrêtés pendant une décennie (Lassitude ? Tensions internes ? Désillusions ? Fatigue ?... liste non exhaustive) ?

Si nous nous sommes arrêtés au bout de presque huit ans, c'est parce qu'il y avait des tensions internes, une lassitude. Nous avions beaucoup tourné et finalement pas mal enregistré. J’avais aussi la volonté de faire un autre type de musique qui ne correspondait pas à ce que le public attendait des Wash, donc l’idée de commencer un nouveau projet me paraissait plus exaltante que de continuer. C’est à cette période là que j’ai enregistré deux albums avec JUJU MESSENGERS et plus tard un album de jazz crooner sous le nom de Mat FIREHAIR and The Imperators of Kool. Ces expériences m’ont conduit à voir les Wash différemment. Elles ont aussi permis, au moment de la reformation du groupe, d’élargir son répertoire d’influences et ses possibilités. Nous avons aussi monté le label Made in heaven, avec SeaweedYo, le batteur des Wash. Nous avons sorti une dizaine de disques, des nouveaux groupes (Les SNAILS, Les PORTUGAISES ENSABLÉES, ALERTE ROUGE, APPLERED, JUJU MESSENGERS) et des rééditions (DEAD BEATS, 101'ers, LIVING IN TEXAS). Ce qui est assez marrant c’est que Yo jouait dans ALERTE ROUGE, moi dans JUJU MESSENGERS, nous avons donc naturellement sortis nos albums puis ceux des SNAILS, dont le guitariste, Lord FESTER, deviendra, à la reformation, celui des Wash pendant 20 ans, et tous ensemble, nous enregistrerons sur l’album Treat me bad une reprise de Crazy when I hear that beat des DEAD BEATS que nous avions réédités. 

Est-ce facile de vivre de sa musique quand on est un groupe de rock toujours underground en 2022 ?

Une réponse franche : non ! Mais le système de l’intermittence qui est unique en Europe nous aide à pouvoir prendre le temps de répéter, faire des disques et de continuer ainsi que le fait que certains d’entre nous jouent dans plusieurs groupes et multiplient les activités pour s’en sortir, mais… quoi de mieux qu’un groupe de rock ?!

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"Elvis a une capacité étonnante
à pouvoir chanter n’importe quoi,
                            du meilleur au pire"

Que penses-tu du rock français actuel ? Des groupes te font-ils vibrer ?

Récemment les HOWLIN' JAWS, les DYNAMITE SHAKERS, JOHNNY MAFIA, les SPUNY BOYS, KOKOMO sont vraiment de jeunes et bons groupes, mais il est vrai que je ne suis pas très branché électro ou hip-hop français pour avoir un avis sur ces musiques là. À l’inverse, il y a aussi de jeunes groupes que je trouve un peu vide de sens, qui recopient des clichés sans y apporter une nouvelle énergie.

Malgré la décennie de pause précédemment évoquée, les WASHINGTON DEAD CATS sont en activité depuis 1984. Le régime légumes et surf semble te réussir. D'autres conseils pour garder la forme, notamment sur scène ?

Le seul moyen de garder la forme, c’est l’envie.
 

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- - - - - - - - - - - - - W A S H I N G T O N   D E A D   K.  - - - - - - - - - - - - -


Au départ, ta voix me faisait penser à un mélange de celles de Lux INTERIOR, de Jello BIAFRA et du jeune Nick CAVE (époque BOYS NEXT DOOR / BIRTHDAY PARTY). La possible influence Cavienne se sent toujours, notamment sur Coals & roses ou The swamp thing will get you, et ta voix a gagné en amplitude, notamment dans les basses. Étaient-ce des modèles pour toi quand tu as débuté ?

Quand tu as une voix relativement basse, il est évident que tes préférences vont souvent vers des chanteurs utilisant le même registre. J’ai beaucoup écouté les CRAMPS ou DEAD KENNEDYS, mais aussi beaucoup les CLASH et Joe STRUMMER, Elvis et Johnny CASH. Elvis a une capacité étonnante à pouvoir chanter n’importe quoi, du meilleur au pire. Sa capacité à pouvoir chanter du rock ou d’horribles Bossa Nova m’a ouvert les oreilles et l’esprit au fait que l’on pouvait élargir son registre d’influences musicales. Idem pour Joe STRUMMER et les CLASH qui avaient un registre d’influences très large, par exemple sur Sandinista ou London calling. Cela m’a donné l’envie de progresser et de devenir chanteur, afin d’aborder différents styles. C’est pour cela que les Wash aujourd’hui me conviennent bien : nous pouvons passer d’un morceau punk à une ballade country, à un morceau rockabilly, à une chanson plus garage. Je pense que me cantonner à un seul style de musique m’aurait lassé et les Wash m'apportent cette diversité. Jello BIAFRA a été une influence au niveau des textes, pour le second degré abordé dans des chansons comme Stealing people mail, par exemple sur Fresh fruit for rotting vegetables [Encore une histoire de légumes, cf. Go Vegetables Go ! Et encore un chef-d'oeuvre]. Le punk disait aussi que tout le monde pouvait tout faire et cet état d’esprit m’a aidé à accepter de chanter dans un groupe. Par contre, j’ai très peu écouté Nick CAVE, sans doute trop dark pour moi, même si je reconnais la valeur de l’artiste.
 

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D'aucuns prétendent que la Cervelle de singe permet de bien graisser les cordes vocales. Connais-tu ce cocktail ?

Le Monkey brain cocktail, c'est une grosse cervelle de singe + 20cl de jus de tomate + 6cl de vodka + 6 cl de rhum blanc. Normalement, si tu en bois trois en une heure, cela te remet la tête à l’endroit et tu te sens capable de chanter comme CARUSO.

Mat, en tant que seul membre des WDC canal historique, quel regard portes-tu sur la carrière du groupe après 38 ans d'exercice ?

The best is yet to come ! Sinon, nous avons avec le groupe réalisé pas mal de nos rêves, à savoir faire des disques, faire un double album, faire un picture disc, des 45t., des concerts un peu partout, des gros festivals aux petits bars, des clips marrants... Pour un groupe dont l’ambition à ses débuts était juste de sortir une K7, finalement cela ne s’est pas trop mal passé.

À plus ou moins long terme, quels sont les projets pour les WASHINGTON DEAD CATS ?

Fêter les 40 ans en 2024 avec une formation big band de 13 cuivres, avec laquelle nous jouerons une sorte de best of réarrangé et l’enregistrer.

En vous souhaitant de bons concerts, qu'écoute-t-on actuellement dans le camion de tournée du groupe ?

Très peu de musique dans le camion, tout le monde dort pour se remettre du concert de la veille et se reposer pour le concert du soir.
Sinon, le dernier disque entendu est un best of de Chris ISAAK, mais c’est un hasard ahaha
[et un excellent choix, NDLR].

Aurais-tu un dernier mot pour les lectrices et lecteurs du Casbah Webzine ?

Sortez ! Bougez ! Échangez ! 

   

Article et propos recueillis par bingO

(27 septembre 2022)

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WASHINGTON DEAD CATS. Monkey brain (Devil Deluxe Music / PIAS, 2022)
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 - - - - - - - Ils tapent sur des bambous // toujours numéro 1 - - - - - - - -
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Pour prolonger...

WASHINGTON DEAD CATS : site web officiel
WASHINGTON DEAD CATS : Facebook
WASHINGTON DEAD CATS : chaîne Youtube
WASHINGTON DEAD CATS : Reverbnation
WASHINGTON DEAD CATS
          en concert au Hellfest (18/06/2022)
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Dans nos archives sonores :
Rock à la Casbah #783 (28/09/2022)

Dans nos archives écrites :
Félin pour l'autre, par Vico (04/10/2016)
Sauvages mais fun / La Tannerie, par bingO (10/05/2022)

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Photographies : Alain FRETET, bingO, DR / Bondage Records, ARG!
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- - - - - - - - live report by POLLÜX in ARG !! #4 (juin 1988) - - - - - - - - -
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- - - - - - - - - - B i e n   m i e u x   q u ' u n    s e l f i e   ! ! !  - - - - - - - - - -
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- - - - - - - - - - - - - M a t   F I R E H A I R   e n   1 9 8 5 - - - - - - - - - - - - - -
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