Evil Red Sun (self prod) // Nicolas Gougnot
- Papy, Papy, tu nous racontes une histoire ?
- Avec plaisir, les enfants, quel livre voulez-vous que je vous lise ?
- On veut pas que tu nous lises un livre, on veut une histoire de quand t’étais jeune.
- Ah bon. Hé bien soit. Laissez-moi réfléchir. Ah oui ! Je vais vous raconter ma rencontre avec un viking, un vrai !
- Un vrai viking ?!? Avec un casque et tout ?
- Heu… Celui-ci avait égaré son casque, mais c’en était un vrai.
- Raconte papy, raconte !
- Quand j’étais jeune, je faisais les vendanges, ça me permettait de gagner un peu d’argent. Je les ai faites pendant des années. J’ai même été Rookie of the Year 1993, et plusieurs fois Vendangette d’Or entre 1994 et 2000.
- Holala, papy, t’es drôlement vieux, dis-donc !
- Ouais, oh, ça va, hein ! Je vais vous apprendre la politesse, petits cons ! Grmml, y’a plus de jeunesse !
- Alors papy, tu la racontes, ton histoire ?
- Donc, je suis allé faire les vendanges, toujours chez le même vigneron, et une année s’est pointé un grand gaillard, gigantesque, super costaud, le visage buriné, taillé à la serpe, les cheveux longs. D’ailleurs, il s’est vite retrouvé à porter la hotte, parce que des fortiches comme ça, ça ne courait pas les rues.
- Il était fort comment ?
- Il était plus fort que moi, ça c’est sûr.
- Ouais, ben c’est pas difficile, Papy, même que Maman elle dit que t’es plat comme une limande et musclé comme une serpillère.
- Ouais, bon… Et donc le type nous fait un grand sourire, et on a tous vu qu’une de ses incisives manquait et qu’elle était remplacée par une dent en or. Une vraie. Impressionnant. Et il commence à parler, ou plutôt à baragouiner. Il n’était pas français, mais danois. Quand je vous disais que c’était viking !
- Et il était où, son bateau ?
- D’abord on dit pas « bateau », mais drakkar. Il l’avait garé un peu plus loin et il y avait laissé son casque et le reste de son matériel. On buvait beaucoup, à cette époque. Et lui n’était jamais saoul. Jamais. Il buvait comme un trou, mais il ne bougeait pas d’un pouce. Il éructait dans son sabir de brute épaisse, mais sans donner l’impression de faiblir. Et un soir, au cours de que l’on appelait repas, mais qui était un véritable festin, on a bu encore plus que d’habitude. Ça faisait longtemps que nous, les autochtones, avions besoin d’au moins un coude pour rester au niveau de la table et pas en dessous, quand lui tenait encore debout, littéralement, rugissant et tapant du poing sur la table, tenant des propos que nous étions bien incapables de comprendre, probablement de vieilles histoires de pillage, d’incendie d’église, de viol de moine et d’enlèvement de donzelles, quand soudain il s’est écroulé le front contre la table, inerte, totalement immobile. Impossible de la bouger d’un pouce. C’est lourd, un barbare. Ceux qui en avaient encore la force se sont marré. Comprenant que c’était le signe indiscutable qu’il était l’heure d’aller se pieuter, nous avons titubé jusqu’à nos lits plus ou moins respectifs, le laissant là pour la nuit. Il y était encore au petit matin blême et brumeux, quand nous sommes venus prendre notre petit déjeuner. La bruit des tâches matutinales aidant, il a ouvert un œil glauque et a levé la tête. Et c’est là que nous avons vu.
- Vu quoi, Papy ?
- Qu’il n’avait plus son incisive en or. Il l’a cherchée partout, sans la retrouver. Il l’avait avalée ! Ha ha ha, qu’est-ce qu’on s’est bidonnés !
- Et après ?
- Ben après, rien, il a terminé les vendanges sans sa dent, il a bu autant qu’avant et nous aussi, il est parti et je ne l’ai jamais revu.
- Elle est nulle, Papy, ton histoire.
- Ouais, ben j’avais que celle-ci en stock, et maintenant allez jouer aux vikings dehors.
Halàlà, les souvenirs du bon vieux temps, ça nous rajeunit pas. Pourquoi j’ai raconté cette histoire, aussi ? Peut-être parce qu’au hasard de mes pérégrinations sur Camp de Groupe ou sur Toi Télé, je suis retombé sur des Danois. « Haha », me suis-je dit, repensant à mes vertes années, « de la bonne musique de viking ! ». Ben tu parles, c’est plus ce que c’était, les Scandinaves. Avec un nom pareil, il aurait fallu s’en douter. Thor Mjölnir, ç’aurait été autre chose que Morgan Square, qui fleure bon la décadence, la dégénérescence au contact de la morale petite-bourgeoise de l’Angleterre et de ses valeurs dévoyée de confort mou. Je me suis retrouvé à écouter du psyché, et du lourd. Ça tombe bien, j’aime ça, bien plus que Dimmu Gorgir, qui sonne portant bien plus scandinave.
Morgan Square, donc. Attention, ce n’est pas du tout neuf. Les morceaux sont apparus sur internet en août 2013, suivis par d’autres un an plus tard (When Kistofar Is Lost In The Woods), et que je n’évoquerai pas, ne sachant pas trop quoi en penser. Evil Red Sun ne semble pas être sorti en disque, uniquement sur Bandcamp et à prix libre. Un morceau, de 20 minutes, en réalité composé de cinq parties distinctes, qui pourraient constituer autant de morceaux différents (vous remarquerez d’ailleurs que chaque partie porte un nom !). Il doit y avoir du concept là-dessous, ou je ne m’y connais pas. Pour accrocher, il faut vraiment bien aimer The Doors et The Black Angels. Cette proximité peut même leur être reprochée, et j’en connais qui ne se gêne pas. On pourrait effectivement être dérangé par cet aspect ersatz des Californiens : même timbre de voix et hurlements rauques et déchirés que Jim Morrison, mêmes ambiances « à la The End », dès les premières mesures d’ Evil, même jeu de batterie, poème abscond déclamé à la fin de Mother, genre « je suis le Roi-Lézard ». Pas de Ray Manzarek, en revanche. Cela peut déranger, d’autant que cela n’apporte rien de neuf. Mais j’aime bien. Je craque même complètement sur la mélodie voix du « refrain » de Førmennesket (Ah ah ah, un truc écrit avec des lettres pas possibles mises bout-à-bout n’importe comment, c’est du danois!), j’affirmerais même, au risque de paraître vulgaire, que ce passage me pousse la tronche. Rien de révolutionnaire, donc, mais 20 minutes de plaisir personnel.
- Avec plaisir, les enfants, quel livre voulez-vous que je vous lise ?
- On veut pas que tu nous lises un livre, on veut une histoire de quand t’étais jeune.
- Ah bon. Hé bien soit. Laissez-moi réfléchir. Ah oui ! Je vais vous raconter ma rencontre avec un viking, un vrai !
- Un vrai viking ?!? Avec un casque et tout ?
- Heu… Celui-ci avait égaré son casque, mais c’en était un vrai.
- Raconte papy, raconte !
- Quand j’étais jeune, je faisais les vendanges, ça me permettait de gagner un peu d’argent. Je les ai faites pendant des années. J’ai même été Rookie of the Year 1993, et plusieurs fois Vendangette d’Or entre 1994 et 2000.
- Holala, papy, t’es drôlement vieux, dis-donc !
- Ouais, oh, ça va, hein ! Je vais vous apprendre la politesse, petits cons ! Grmml, y’a plus de jeunesse !
- Alors papy, tu la racontes, ton histoire ?
- Donc, je suis allé faire les vendanges, toujours chez le même vigneron, et une année s’est pointé un grand gaillard, gigantesque, super costaud, le visage buriné, taillé à la serpe, les cheveux longs. D’ailleurs, il s’est vite retrouvé à porter la hotte, parce que des fortiches comme ça, ça ne courait pas les rues.
- Il était fort comment ?
- Il était plus fort que moi, ça c’est sûr.
- Ouais, ben c’est pas difficile, Papy, même que Maman elle dit que t’es plat comme une limande et musclé comme une serpillère.
- Ouais, bon… Et donc le type nous fait un grand sourire, et on a tous vu qu’une de ses incisives manquait et qu’elle était remplacée par une dent en or. Une vraie. Impressionnant. Et il commence à parler, ou plutôt à baragouiner. Il n’était pas français, mais danois. Quand je vous disais que c’était viking !
- Et il était où, son bateau ?
- D’abord on dit pas « bateau », mais drakkar. Il l’avait garé un peu plus loin et il y avait laissé son casque et le reste de son matériel. On buvait beaucoup, à cette époque. Et lui n’était jamais saoul. Jamais. Il buvait comme un trou, mais il ne bougeait pas d’un pouce. Il éructait dans son sabir de brute épaisse, mais sans donner l’impression de faiblir. Et un soir, au cours de que l’on appelait repas, mais qui était un véritable festin, on a bu encore plus que d’habitude. Ça faisait longtemps que nous, les autochtones, avions besoin d’au moins un coude pour rester au niveau de la table et pas en dessous, quand lui tenait encore debout, littéralement, rugissant et tapant du poing sur la table, tenant des propos que nous étions bien incapables de comprendre, probablement de vieilles histoires de pillage, d’incendie d’église, de viol de moine et d’enlèvement de donzelles, quand soudain il s’est écroulé le front contre la table, inerte, totalement immobile. Impossible de la bouger d’un pouce. C’est lourd, un barbare. Ceux qui en avaient encore la force se sont marré. Comprenant que c’était le signe indiscutable qu’il était l’heure d’aller se pieuter, nous avons titubé jusqu’à nos lits plus ou moins respectifs, le laissant là pour la nuit. Il y était encore au petit matin blême et brumeux, quand nous sommes venus prendre notre petit déjeuner. La bruit des tâches matutinales aidant, il a ouvert un œil glauque et a levé la tête. Et c’est là que nous avons vu.
- Vu quoi, Papy ?
- Qu’il n’avait plus son incisive en or. Il l’a cherchée partout, sans la retrouver. Il l’avait avalée ! Ha ha ha, qu’est-ce qu’on s’est bidonnés !
- Et après ?
- Ben après, rien, il a terminé les vendanges sans sa dent, il a bu autant qu’avant et nous aussi, il est parti et je ne l’ai jamais revu.
- Elle est nulle, Papy, ton histoire.
- Ouais, ben j’avais que celle-ci en stock, et maintenant allez jouer aux vikings dehors.
Halàlà, les souvenirs du bon vieux temps, ça nous rajeunit pas. Pourquoi j’ai raconté cette histoire, aussi ? Peut-être parce qu’au hasard de mes pérégrinations sur Camp de Groupe ou sur Toi Télé, je suis retombé sur des Danois. « Haha », me suis-je dit, repensant à mes vertes années, « de la bonne musique de viking ! ». Ben tu parles, c’est plus ce que c’était, les Scandinaves. Avec un nom pareil, il aurait fallu s’en douter. Thor Mjölnir, ç’aurait été autre chose que Morgan Square, qui fleure bon la décadence, la dégénérescence au contact de la morale petite-bourgeoise de l’Angleterre et de ses valeurs dévoyée de confort mou. Je me suis retrouvé à écouter du psyché, et du lourd. Ça tombe bien, j’aime ça, bien plus que Dimmu Gorgir, qui sonne portant bien plus scandinave.
Morgan Square, donc. Attention, ce n’est pas du tout neuf. Les morceaux sont apparus sur internet en août 2013, suivis par d’autres un an plus tard (When Kistofar Is Lost In The Woods), et que je n’évoquerai pas, ne sachant pas trop quoi en penser. Evil Red Sun ne semble pas être sorti en disque, uniquement sur Bandcamp et à prix libre. Un morceau, de 20 minutes, en réalité composé de cinq parties distinctes, qui pourraient constituer autant de morceaux différents (vous remarquerez d’ailleurs que chaque partie porte un nom !). Il doit y avoir du concept là-dessous, ou je ne m’y connais pas. Pour accrocher, il faut vraiment bien aimer The Doors et The Black Angels. Cette proximité peut même leur être reprochée, et j’en connais qui ne se gêne pas. On pourrait effectivement être dérangé par cet aspect ersatz des Californiens : même timbre de voix et hurlements rauques et déchirés que Jim Morrison, mêmes ambiances « à la The End », dès les premières mesures d’ Evil, même jeu de batterie, poème abscond déclamé à la fin de Mother, genre « je suis le Roi-Lézard ». Pas de Ray Manzarek, en revanche. Cela peut déranger, d’autant que cela n’apporte rien de neuf. Mais j’aime bien. Je craque même complètement sur la mélodie voix du « refrain » de Førmennesket (Ah ah ah, un truc écrit avec des lettres pas possibles mises bout-à-bout n’importe comment, c’est du danois!), j’affirmerais même, au risque de paraître vulgaire, que ce passage me pousse la tronche. Rien de révolutionnaire, donc, mais 20 minutes de plaisir personnel.