Maplatine.com, le spécialiste de la platine vinyle

Les diamants sont éternels // Par Lætitia Lacourt

Reporté, annulé, déplacé, relancé : le rendez-vous pour rencontrer maPlatine.com, PME spécialisée dans la vente de platines et de matos Hi-Fi plutôt hauts de gamme était fixé le 12 avril dernier. J’y vais, un peu à reculons, car je sais qu’il va falloir avouer, révéler, indiquer, la queue entre les jambes, la marque de la chinoiserie qui me sert à écouter de la musique, ma soi disant passion.

12h22, j’arrive à Saint Jacques de la Lande, qui pourrait être à Rennes ce que Roissy est à Paris. 10 minutes de tourisme industriel plus tard, à zoner devant les entrepôts de Mondial Relay et Point P et après avoir croisé vingt-deux 38 tonnes, me voilà devant les locaux de maPlatine.com, partagés entre autres avec un marchand de tapis.

Charlène et Florine, respectivement Responsable webmarketing et Assistante chef de projet marketing, m’accueillent et me font visiter. L’open space (on oublie vite, quand on est indépendant, à bosser en pyj dans le salon, à quel point ce type d’espace est super oppressant), les espaces de stockage en mode Fort Knox, l’atelier de préparation/réparation, le coin shooting photo et enfin, the last but not least, l’auditorium. A première vue, il me fait immédiatement penser à la pièce secrète de Christian dans Fifty Shades of Grey (désolée pour les références) : tapis sombre, mur noir, objets rutilants, chromés, lustrés, quelques vinyles, canapé noir, table basse noire : l’ambiance est sibylline. Au final, l’auditorium est une pièce ultra lounge qui, une fois un disque posé sur la Roll’s des platines, donne envie de se vautrer comme une grosse loutre pour écouter de la musique. Pire, donne envie de s’asseoir sur la tapis moumoute, étaler les pochettes au sol comme un adolescent de l’époque Salut les Copains. Malgré toutes les envies qui me passent par la tête, je fais honneur à ma mère et reste bien élevée.
 
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fullsizerender.jpeg, by Laetitia

Ce rapide tour du propriétaire me fait comprendre tout de suite une chose. Derrière son nom de start-up spécialisée dans la hi-fi, il faut en fait comprendre artisanat, dans le sens le plus noble du terme. Ils sont 7 et ils font tout eux mêmes : rencontrer les fournisseurs, TOUS situés dans l’Union Européenne, les connaître personnellement, sélectionner le matériel et les nouveaux produits, les tester, en faire des fiches produits détaillées, critiques et transparentes, shooter les platines et les produits dans le mini studio photo, valoriser les produits et leurs qualités, les infimes détails, la tronche du diamant, répondre au client, voire même l’accueillir, essayer de le connaître, identifier ses goûts musicaux, ses besoins et son équipement, lui faire tester du matériel, le conseiller le plus justement et le plus sincèrement possible, exactement comme tu conseillerais un pote. Une fois le choix effectué, le produit est retiré du stock et remonte à l’atelier : la platine en mode boîte de Légo-prise de chou, va être intégralement montée, assemblée, préparée dans les moindres détails. Lorsque tous les réglages sont effectués (vérifiée et réglée sur mesure par l’un des co-fondateurs himself), elle est prête à l’emploi et à être expédiée. La voilà repartie à la logistique, emballée comme un bijou, bullée à souhait. Panne, galère, main gauche : le SAV aussi est au taquet, ma Platine.com ne laisse moisir personne devant sa commande, répond présent 7 jours sur 7. La cerise sur la galette ? On peut même venir nettoyer ses disques grâce à la machine à laver mise à disposition dans l’auditorium. Epatant.

13h et des bananes, nous montons dans la Ford Transit de Franck, l’un des co-fondateurs, qui avec le recul, n’aurait pas pris son utilitaire s’il s’était souvenu du rendez-vous. A quelques centaines de mètres seulement, changement de décor. De la ZAC déprimante et grise, nous voilà au restaurant du Golf Blue Green Rennes Saint-Jacques. Pendant que ça swing gentiment sur le green, nous passons commande et aux choses sérieuses : son interview. Je ne le sais pas encore, mais je suis devant ce genre de type, à tendance hyperactive, qui a eu 1000 vies.

Je l’interroge, il raconte volontiers. Se plie aux questions professionnelles, personnelles, indiscrètes. Je gratte, 8 pages, je creuse, pour cerner un peu le personnage. Rennais d’origine normande, cet entrepreneur de 48 ans que l’on imagine juste entrepreneur ultra tatoué a finalement plusieurs casquettes complètement légitimes mais qu’il ne mélange jamais. Pote de Seb Blanchais, fondateur de Beast Records à Rennes, depuis l’âge de 14 ans, Franck se charge depuis des années des tests pressing de toutes les sorties du label. Les compétences et le matos aidant. Il est aussi musicien sous le pseudo de Franck Headon : batteur pour Head On et guitariste/chanteur du groupe Bed Bunker. Après l’échec du Bac B, il s’improvise intermittent du spectacle (il écumera plus de 500 concerts en tant que technicien et plus de 1000 en tant que musicien), devient assistant son et technicien plateau puis passe un bac électro en candidat libre et un BTS du même acabit à 27 ans. Les précieux sésames en poche, il devient installateur/intégrateur en Hi-Fi spécialisé haut de gamme. 17 ans durant.
 
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18664646_1346201052115581_946022412210386440_n.jpg, by Laetitia

En 2011, il part en voyage à Montréal chez un ami et cherche à acheter un pré-ampli. Il surfe sur internet. Queud. A son retour, il en parle à son pote Jérôme, l’autre moitié co-fondatrice de maPlatine.com, qui travaille alors dans le web et les jeux vidéos. Comme toute bonne idée de génie, elle est sous-évaluée et retoquée au rang de « on fait un blog pour conseiller les gens, voire on fait un peu de vente », mais elle fait tout de même son chemin. Le fils de Franck griffonne du haut de ses 8 ans une platine, un nom vient s’apposer : le logo est validé, le nom déposé. Ultra complémentaires, jamais l’un sans l’autre n’aurait accouché seul de maPlatine.com. Rajoutez à ça un peu de sérendipité : aucun des deux n’avait réellement anticipé le retour en grâce du vinyle. La belle aubaine, l’heureux hasard qui vous apporte bien plus que ce que vous cherchiez à la base.

Mais la sauce prend et l’entreprise prospère, passant, en 7 ans, de deux potes à 7 salariés. Hasard, vraiment ? Pas tant que ça. Le job, les beaux objets, la musique lui collent à la peau. Accompagnés du goût du travail bien fait. Ce n’est donc pas non plus un hasard s’il est tatoué du symbole résumant la philosophie d’Elvis (trois énormes lettres reliées par un éclair) : le fameux TCB (Taking Care of Business).
 
Compulsif, Franck collectionne les plus belles Fender (celles entre 64 et 65, lorsque Léo Fender, légèrement valétudinaire mais surtout hypocondriaque, se diagnostique un cancer et décide de revendre sa boîte à CBS). D’ailleurs, c’est simple, Fender est pour lui ce que Jésus est pour un catho. Derrière un profil qu’il se défend d’être proche de celui d’un enfant de chœur (sic !), Franck n’a pas que le rock pour passion et religion. Excessif et passionnel, il creuse tous les sujets et les explore, à fond. Sans être élitiste, quel que soit le domaine (la cuisine, les instruments de musique - guitare, basse, clavier, batterie, ampli - ou la Hi-Fi), il illustre parfaitement cette citation d'Oscar Wilde : "mes goûts sont simples, je me contente de ce qu'il y a de meilleur". 
Et c’est ainsi qu’Elvis, le Gun Club ou Léonard Cohen tiennent le haut du pavé dans sa discothèque idéale, laquelle est garnie de quelques 3000 vinyles et autres raretés. 3000 ! C’est d’ailleurs l’un des critères de choix qu’il conseille à toutes ses copines : ne jamais épouser un type qui a moins de 1000 disques. Autant dire que ça en laisse pas mal sur le carreau, un « mâle pour un bien » puisque le choix créé l’embarras comme il aime le répéter.
 
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fullsizerender-2.jpeg, by Laetitia

Prolixe, pertinent et impertinent, observateur, l’entrepreneur est aussi doté d’un puissant humour, dégaine à tour de bras la vanne parfaite tout en balançant sérieusement les trois conseils majeurs pour acheter une platine : 1) AUCUN produit asiatique, 2) ne pas lésiner sur le prix – autant que faire se peut – en ne perdant jamais de vue que c’est la source la plus importante, et enfin, 3) acheter des disques ! Si maPlatine.com œuvre pour les labels et les disquaires, en tirant ses produits vers le haut, c’est parce qu’elle se méfie aussi du retour de bâton : si vous achetez une platine de daube, il n’y a aucun intérêt à acheter des disques. La multiplication des platines bas de gamme sur le marché associée à une première acquisition merdique pourrait ainsi dégoûter le novice, qui estimera, à juste titre, que le son du MP3 est bien meilleur que sa platine chinoise.

Alors que je médite sur cette analyse qui fait froid dans le dos et que nous sirotons nos cafés, les premières notes de Fuzzy de Grant Lee Buffalo s’élèvent dans la salle du restaurant. On se regarde un peu interdits, si étonnés d’entendre ce disque, trop peu connu du commun des mortels. Quelques frissons plus tard (écoutez donc cette chanson !), j’en profite pour lui demander ses derniers coups de cœur musicaux : Que Aura de Kelley Stoltz (Castle Face Records), You Want It Darker de Leonard Cohen, The Braves et enfin Visualizer des Black Angels. Et pour d'autres suggestions, on ne peut que vous recommander l'émission radio qu'il co-anime avec le fondateur de Beast Records, le samedi matin sur Canal B. 
 

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Grant Lee Buffalo - Fuzzy, by Laetitia

A bon entendeur ! On vous laisse écouter tout ça… sur une bonne platine…