Left Lane Cruiser

Claw Machine Wizard (Alive Narural Sounds Records) // Par l'Oreille de Moscou

Ce serait donc ça le blues d'aujourd'hui. Une paire de slackers qui joue heavy et vite. Un duo qui signe son dixième album chez les toujours très bon Alive Narural Sounds Records. Onze titres en saillies lapidaires et brut de décoffrage balancés comme on siffle une bière. On s'essuie d'un revers de manche, un rot et blam ! On s'en ouvre une autre...Avec les dents ! Oui, c'est ça le blues moderne : celui des Left Lane Cruiser (LLC).

Une musique commandée par la chair, le sang et les tripes. L'instinct aussi. Tout ça ne peut qu'être une histoire de magie atavique, un truc vaudou ! Sinon comment expliquer qu'au fond de l'Indiana ils jouent le même blues animal et spontané que ces vieux zicos en copeaux et exaltés du Delta du Mississippi, avec cette même rage sur douze mesures. Comment expliquer qu'à les écouter cramer leur boogie toutes les barbes du ZZ Top finissent par roussir ? Par quel prodige arrivent-ils à plaquer avec autant de naturel ces accords vermoulus sur ces rythmes antédiluviens, en jouant comme les plus hystériques des punks ? Non, sérieux, il y a quelque chose de pas net là-dessous.

Sur ce Claw Machine Wizard le son est sans concession, à la fois bien gras et contondant, jamais souffreteux, dévastateur tout simplement. Une sorte de reformulation du blues-rock sauce Lo-Fi. Cette musique souvent vue comme mauribonde renait ici sous leur coup de boutoir garage. Mais attention, ces deux-là ne préparent aucun grand soir du rock. l'ordre de schsoes sera ce qu'il sera ! Point barre. C'est vrai quoi ! Et si pour une fois le changement ce n'était pas maintenant ? Si la banalité avait valeur de principe, d'évidence, et devenait subversive ? C'est clair que cette galette ne se démarque pas plus que ça des précédentes sorties de LLC -un son globalement moins crado peut-être - mais elle s'en détache malgré tout par son intensité hors norme, et cette faculté d'appliquer en même temps à tous ces riffs séminaux, l'ascèse du blues des origines, la force des amplis bloqués sur 11 et cette jouissive folie désinvolte qui nous hurle, en substance : "On s'en bas lèc'!!". Enorme !