La discothèque idéale (1971) // Trésor caché #004
Folk de chambre discrètement orchestrée, à la simplicité désarmante, Into your ears ne quittera jamais sa place de disque de cheminée, celui qu’on passe le dimanche matin pour réchauffer la maisonnée. C’est l’œuvre d’un gentleman anglais discret et attachant, échappé des précieux HONEYBUS. Il se rangera trop vite des voitures pour vendre des voitures.
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En 1968, les HONEYBUS enchantent avec I can’t let Maggie go, une jolie ritournelle écrite par un certain Pete DELLO (né Peter BLUMSON), saupoudrée d’instruments à vent. Le succès est tel qu’on présente le groupe comme la possible relève des BEATLES. Angoissé à l’idée de partir en tournée, le casanier DELLO quitte le groupe avant l’enregistrement de Story, le premier album des HONEYBUS, pour apprendre le violon, puis revient en 1971 pour graver le magnifique Recital, qui ne paraîtra qu’en 2018 sur vinyle, grâce aux archivistes pop ibériques du label Hanky Panky Records. Mais c’est un autre trésor caché qui nous intéresse ici. Pendant son congé des HONEYBUS, Pete DELLO s’entoure de quelques amis, le temps d’un album solo à la bonhomie confondante, et aux mélodies notoires.
Pete Cello
À l’écoute d’Into your ears, on a l’impression d’avoir à faire à un disque miniature, dans lequel joue un orchestre de poche, pendant une petite demi-heure, pour le plus grand plaisir des oreilles des grands et des petits. Qu’on imagine Ray DAVIES enregistrant un album pour enfant, ou Buddy HOLLY composant la BO d’un film de Wes ANDERSON, et l’on approchera peut-être de la vérité de cette suite de chansons au charme unique. On y croise des insectes (Harry the earwig), des chipmunks (Uptight Basil) et des personnages sans doute très nobles (One a time said Sylvie, Arise Sir Henry), pour de petites scénettes qui pourraient sembler inconséquentes si elles n’étaient le fait d’un prince des beaux airs.
Sous ses atours domestiques et décontractés, Into your ears cache en effet un savoir-faire respectable et difficile. C’est l’œuvre d’un équilibriste qui marrie la beauté des harmonies vocales à celle d’un chant dénué de toute grandiloquence, et les arrangements classiques à la sobriété de la guitare folk : elle incarne le génie humble.
Demain Dello
Cette humilité peut s’avèrer être une malédiction. Elle conduit Pete DELLO à l’anonymat et à l’oubli. L’artiste qui ne sait pas vendre est condamné à se renier pour assurer les exigences de la vie sociale. En 1972, il jette l’éponge avec l’eau du bain. Son bébé sera ignoré à sa sortie et il se convertit bon gré mal gré en ce qui semble être l’antithèse du musicien folk : le vendeur de voiture.
Into your ears fait aujourd’hui l’objet d’un culte discret. Quelques salutaires et régulières rééditions (en 1989, 2005 et 2016) ont certainement porté leurs fruits, puisqu’on ne peut s’empêcher d’entendre l’influence de ce disque chez BELLE AND SEBASTIAN ou chez Adam GREEN. On ne sait pas si Pete a eu une belle vie en abandonnant ses premiers amours musicaux au profit d’une vie bourgeoise et moins bohème. Mais il aura fait quelques heureux en offrant aux oreilles du monde cette parfaite demi-heure de sérénité enjouée.
Paul MÉGLOT
(18 janvier 2022)XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
Pete DELLO and FRIENDS. Into your ears (Nepentha, 1971)
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Pour prolonger...
Into your ears s’écoute de préférence en vinyle.
Il est cependant disponible depuis 2016 en CD
et en streaming, sur la plupart des plateformes.
On recommandera aussi chaudement
- si étant qu’on puisse les trouver -,
l’écoute des deux albums des HONEYBUS (Story et Recital),
ainsi que l’album solo d’un autre membre du groupe, Colin HARE.
Son March Hare est un poil plus rugueux qu’Into your ears,
mais il frôle l’excellence.
HONEYBUS. Story (Deram, 1970)
HONEYBUS. Recital (Warner Bros Records, 1972)
Colin HARE. March Hare (Penny Farthing, 1971)
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Photographies : DR, Paul MÉGLOT.
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