Le Grand guignol à l'australienne // The VICTIM'S BALL

Interview (2022)
                    En direct de Melbourne, notre correspondant foufou a rencontré un de ses voisins, Roberto MASSAGLIA, chanteur du singulier groupe The VICTIM'S BALL, fasciné par la Révolution française, les fantômes et les murder ballads. Brrrrr...
 

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          Argh ! Quoi ??! Un groupe alternatif de Melbourne que je n'aurais jamais vu en concert ?  Est-ce possible ?!!! Oui : The VICTIM'S BALL. Par contre, depuis l'écoute de quelques-uns de leurs disques, j'ai bien accroché et les trouve fantastiques. Leur chanteur, Roberto, habite le quartier, ça tombe bien. Le type rapplique, le genre Yul BRYNNER en plus baraque, les Adidas qui scintillent et un beau tee-shirt FCK NZS. Impecc, je suis rassuré là ! On s'assoie avec deux bières pour tchatcher un peu.

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"Je prends la mort très au sérieux"

Merci d’être venu Roberto. L'histoire des VICTIM'S BALL pour commencer, s'il te plaît...
Roberto : Et bien elle est plutôt longue, mais je vais essayer de faire court. Tout a débuté quand je faisais partie de The TENTH STAGE, un groupe décrit comme steam punk. Je déteste les étiquettes et ne suis pas sûr que c'était la bonne pour nous. Je dirais plutôt que c’était un mélange de néo-classique et d'électronique, avec des influences diverses jetées au milieu. Avec John de The TENTH STAGE, nous étions beaucoup influencés par le néo-classique. Je ne pourrais jamais écrire une histoire ou une chanson sur l'amour, mais plutôt sur la mort, l'horreur, la destruction et des relations qui finissent mal… avec des fantômes !!! Quand The TENTH STAGE s'est séparé, j'ai voulu continuer dans la musique. J'aime des styles variés, punk rock, rockabilly, ska, jazz et musique classique, mais je voulais faire quelque chose de différent et qui durerait, pas seulement pour un seul disque. Je lis beaucoup sur l'Histoire et je cherchais un nom avec une connotation historique. The VICTIM'S BALL provient donc de ces soirées organisées après la Révolution Française. La jeunesse qui participait à ces réceptions avait des liens de parenté avec les nobles exécutés pendant cette période. Il y avait encore beaucoup de frictions entre eux et les gardes républicains. Donc pour The VICTIM'S BALL, je voulais utiliser des instruments médiévaux et une atmosphère cinématographique pour mieux servir les chansons. Celles-ci pourraient être présentées comme « Grand guignol » en France ou « Penny dreadful » en Angleterre. J'aime énormément ces histoires de crimes, d'horreurs, de fantômes… il y a beaucoup de ballades du XVIIIème siècle qui évoquent les potences, les bourreaux, les exécutés. Alors je voulais mélanger ces histoires avec un certain style de musique, classique au départ, mais au fil des onze albums qui ont suivi, il y a eu une évolution. Tu ne peux pas faire plus de deux ou trois albums dans le même genre. Je me laisse toujours une porte ouverte pour me permettre d'évoluer, tout en restant fidèle à notre nom.
 
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On peut donc entendre des sons et styles différents sur vos disques. Êtes- vous nombreux à composer ?
Jusqu'à récemment, je composais seul, mais cela devenait difficile, je voulais me distancer un peu du projet. Je travaillais sur un morceau puis y revenais quelques jours plus tard pour apporter corrections et améliorations, mais maintenant je préfère m'entourer de collaborateurs qui comprennent le style et le but de The VICTIM'S BALL. Mon nouveau partenaire, Dylan SCUTTI, musicien talentueux qui comprend le projet, est capable de créer un son spécifique pour chaque morceau. Habituellement, nous commençons avec l'humeur du moment. Si je veux par exemple écrire sur, je ne sais pas… tiens une personne transgenre dans un bordel de Londres au XVIIIème siècle, et bien je veux être capable de le faire ressentir ! Et tu ne peux pas écrire un tel morceau comme ça, sans l'humeur du moment… c'est un peu délicat bien sûr, il y a des gens qui n'écoutent pas les paroles ! Les miennes doivent avoir plusieurs niveaux de compréhension. Mais revenons à la musique. Là, si je veux faire une chanson sur Le fantôme de l'opéra, pourquoi ne pas introduire des instruments tels que l'orgue d'église ou une vielle à roue ? Tous les instruments apportent une certaine humeur, il faut juste choisir les bons avec soin pour chaque morceau.
 
Les sujets des chansons varient beaucoup aussi. Ils peuvent être historiques ou bien touchant le côté noir de la nature humaine. Certains sont même politiques. Qu'est-ce qui t'inspire ?
Ah ! Mes influences… pour comprendre ces sujets, il faut me connaître un petit peu. J'adore l'Histoire, je te l'ai déjà dit, mais pas en termes de dates, mais avant tout pour savoir comment les gens vivaient, mourraient, allaient au lit… Donc quand j'écoute des chansons modernes et légères sur le train-train habituel, cela m'ennuie énormément, alors qu'il y a la possibilité d'écrire des textes fantastiques sur le passé… et même des comptines !!! Il y en a des sacrément tordues, genre sur Mary COTTON, une tueuse en série anglaise du XIXème siècle. Je trouve cela formidable que des enfants puissent chanter son nom, faisant des rimes en se tenant la main. C'est ça ma passion, ce genre de ballades. J'essaye de pousser ce genre narratif. Quand tu me connais un peu, tu découvres vite que je suis très politique. Je suis contre toute dictature, très à cheval sur les Droits de l'Homme, très inclusif, peu importe tes origines ou ton genre. À cause de ça, je galère parfois pour accorder les faits historiques avec mes envies. Mais des fois ça marche très bien, comme dans Bela Lugosi ain't dead, un clin d'oeil au Bela Lugosi's dead de BAUHAUS. Bela était un anti fasciste très connu, qui avait fui son pays d'origine pour combattre le fascisme. Pour moi une telle figure ne peut jamais mourir, c'était ma raison principale pour écrire cette chanson. Je prends la mort très au sérieux. Celle que je décris dans mes chansons comme « la grande faucheuse » n'est pas sérieuse, mais j'ai très peur de me retrouver sur un lit d'hôpital, seul, avec personne autour et de m'effacer pour toujours comme ça. Donc mes sujets de chansons sont historiques, politiques, quelquefois pince-sans-rire et toujours macabres.
 
Tu es né en Italie puis a habité différents pays. Que penses-tu de la scène, ici à Melbourne ?
J'ai grandi en Italie, fin 70-début 80. Quand le punk est arrivé, tout a changé niveau musique, mais je me souviens aussi que c'était difficile pour les groupes italiens car il n'y avait pas d'indemnités chômage, comme en Angleterre par exemple, donc quand l’école était fini, si tu étais chanceux, tu allais au boulot, tu ne pouvais pas survivre en faisant de la musique. J'ai quitté l'Italie pour le Japon, puis l'Australie. En arrivant à Melbourne, j'ai trouvé une scène très robuste, avec beaucoup de groupes, des musiciens... et c'est toujours le cas 20 ans plus tard. Depuis les années 70, Melbourne a été la scène phare d'Australie. Avec des quartiers rivalisant en style et attitude, tels que St.Kilda et Fitzroy. Mais le plus important soit que cela dur toujours, sans copier les Américains...
 
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"Comme un bulldog, je ne lâche pas prise"

Avez-vous de bonne relations avec d'autres groupes du pays ?
Tout d'abord, il faut dire qu'il y a énormément de bon groupes en Australie et, trop souvent, sous estimés. Mais il y a un son australien, ça c'est sûr. Les musiciens n'essayent pas juste de copier un son américain par exemple… Nous avons de bonnes relations ici, notamment avec les groupes Gothiques comme IKON. Chris McCARTER est un très bon ami, nous avons collaboré plusieurs fois, soit pour des chansons, soit pour des pochettes. Je les ai rejoints sur scène aussi à plusieurs occasions. Mais une bonne relation entre groupes commencent avec l'amitié, donc d'habitude je traîne avec des gens que je connais, que j'apprécie. Nous sommes très heureux de partager des musiques, des scènes et même des instruments avec eux.
 
Comment envisages-tu votre futur proche ?
Tu sais avec covid19, en ce qui concerne les promoteurs, les musiciens, les groupes, les sorties, cela a beaucoup changé. De notre côté, le moral en a pris un coup, nous avons perdu deux bassistes, un batteur, un guitariste. Néanmoins, moi je suis comme un bulldog, je ne lâche pas prise. En prévision, il y a un mini festival gothique en juillet 2022, dans la cambrousse australienne et nous avons bien l'intention d'y participer, non seulement pour y jouer, mais aussi pour réaliser des posters, des tracts… pour moi c'est un rêve musical et graphique en même temps.
 
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 "Le visuel est très important pour comprendre notre groupe"

Des concerts de prévus ?
Oui nous voulons faire des concerts, mais en évitant le circuit des Pubs. The VICTIM’S BALL est très difficile à expliquer aux promoteurs. L'endroit idéal pour nous serait une église de XVIIIème siècle, avec des chandeliers, en France, où tout le monde serait déguisé. Le visuel est très important pour comprendre notre groupe.
 
Un dernier mot Roberto ?
Ahhh ! Attention cela va tourner en diatribe ! Sais-tu ce que je définis par musique de merde ? En fait, je ne dis jamais qu'une musique est merdique, à moins, bien entendu, qu’elle soit commerciale. Si tu fais de la musique dans l'intention de la vendre, ce sera de la merde. La musique a du talent. Le pire que tu puisses faire, c’est d'y rajouter une image pour la vendre, avec des paroles bidons, une belle nana, etc., etc., sans âme quoi ! Si tu es très connu, c'est que tu fais de la merde, c'est mon opinion bien entendu. Le problème de nos jours est que les musiciens ne reçoivent pas leur dû pour leurs créations. Qu’importe si tu as du talent ou que tu vendes, si tu n'as pas de grosses boites de production qui pompent de l'argent derrière toi dans le but de te vendre comme un produit Mc Donald’s, tu ne seras rien. 


 

Article et propos recueillis par Le DINGO FOU,
depuis Melbourne

(15 mars 2022)
 
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The VICTIM'S BALL. Discographie ici
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Pour prolonger...

The VICTIM'S BALL : Bandcamp
The VICTIM'S BALL : site web

Trois chansons de The VICTIM’S BALL à écouter absolument :
The Maid from Perryville
     [Some things are best left alone (2016)]
The gal with the tommygun
     [Body parts (2021)]
London Necropolis Railway
     [London Necropolis Railway and other tales (2015)]

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Photographies : DR / The VICTIM'S BALL
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