Les Zythonautes - Portes-Les-Valence (26) - 10 Décembre 2021
Début décembre 2021, récemment mis en valeur dans nos colonnes, les Allemands francophiles The TRUFFAUTS étaient en vadrouille en France - sous, puis sur le 45ème parallèle. Ne pouvant se rendre au concert Drômois (et avec une dispense médicale en bonne et due forme), le rédac'chef du Casbah Webzine a alors mandaté l'électron libre (et correspondant local) Nestor SOCRATES, pour sa plus grande joie.
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Vendredi 10 décembre 2021. 21H.
Le correspondant local que je suis a pour mission de découvrir sur scène le groupe allemand The TRUFFAUTS, si souvent écouté depuis sa découverte en 1994, puis la piqûre de rappel effectuée par le pape du souterrain Pol DODU en 2011 (à l'occasion de la sortie de sa compilation Une chanson french que maman chantait à moi). Le band vient défendre dans une micro-brasserie Drômoise son 13ème album en 33 ans de carrière. Des mastodontes de l'Internationale Indie Pop. Mais nous y reviendrons plus tard.
La bière et la savonnette
Portes-Les-Valence, 21H. Ambiance humide et froide dans les rues qui bordent les hangars industriels, le lieu de concert est niché dans un dédale de ruelles. Ambiance western Mancunien ou Berlinois 1986 au moment de garer la Fuego sur le parking.
Portes-Les-Valence, connue des gens du coin pour ses terres arables, ses zones industrielles, ce bruit d'A7 si particulier, le dépôt de carburant tellement complexe à bloquer lors des manifs mais également pour son Train-train théâtre subventionné. Lieu d'ailleurs qui accueillait ce soir-là une comédie musicale autour de l'œuvre de Gérard MANSET, avec dans le casting une ancienne vedette d'un télé-crochet. Une nouvelle star, certes, mais ne nous méprenons pas, une nouvelle star à la belle âme décalée. Misère. En marchant dans cette ambiance particulière jusqu'à la micro-brasserie je me plais à me rappeler que Portes-Les-Valence portait le nom de Fiancey jusqu'en 1908. Deux blases, deux ambiances. Arrivé dans le temple du houblon, la sono Thomann crache la chanson Marie-Louise du groupe branché FAIRE. Ça sent la savonnette. La bière et la savonnette. Coup d'œil circulaire à la David CARRADINE , la soirée va être solitaire : trois tables de quatre personnes et deux mecs en solo. En terme de sociotypes, grosse cohérence : mon ex-pharmacienne, des agents immobiliers, un sosie d'Alan McGEE, un autre de Florent PAGNY 1995. Solubles dans le libéralisme, voire même figures de proue. Derrière le bar, un jeune couple. Elle et lui, beaux, dans le move urban, fun, cool. Entrée libre. Je mets 5 balles dans le seau à champagne. Commande passée : « une Pale Ale ultra houblonnée avec des notes de fruits tropicaux, d'ananas et de noix de coco ». De très bonne tenue. Faut le signaler.
Les 400 coups
Je m'installe à une table haute. Je suis seul, mais je suis présent, en alerte et j'essuie quelques regards amusés de la part de mes congénères startupers du soir. En effet, je dénote car je m'installe face aux musiciens alors que la plupart des zazous tristes leur tournent le dos. Et oui, car ils sont là, The TRUFFAUTS (de Nuremberg), tout proche de la scène à mon arrivée, prêts à monter. La lumière de la salle s'éteint, la compilation NRJ 2017 également. Très bon point. Faut le signaler.
Le premier titre est toujours destiné à se chauffer, mais aussi à ce que les spectateurs admirent la gueule des musicos, leurs sapes et attitudes. Ce soir, le premier titre, c'est Avant de partir extrait de leur excellent nouvel album Chez Simon, paru cette année et chroniqué dans nos colonnes par Pol DODU. Devant nous, devrais-je dire devant moi, Jean-Jacques BOUCHER à la basse et au chant, Ronald CHATEAUROUX, à la guitare et au chant également et Monsieur ACCÈLE, à la batterie. Cet étonnant batteur semble tout droit sorti d'une scène des 400 coups, surveillant d'internat ou séminariste en goguette. Son jeu va s'avérer simple et débonnaire, fluide. Un plaisir. Faut le signaler. Le lead chant se partage entre Ronald (physique à la Grant McLENNAN, doux mais ferme) et Jean-Jacques (une présence entre Chris BAILEY et Jay MASCIS). Le set joué traverse une grande partie de leur discographie, même si l'essentiel des titres se trouvent sur les albums sortis dans les dix dernières années. Trois ou quatre morceaux de la période 1986-1988 s'intercalent à merveille dans ce concert où se côtoient le meilleur de la pop australe type The GO-BETWEENS et de l'indie pop britannique (HALF MAN BISCUIT, FELT, The UNDERTONES, MOMUS, The FRANK & WALTERS, notamment).
Blanche tropicale
Ce qui fait que ce groupe soit si précieux à mes yeux et aux yeux de quelques autres, c'est la touche française qui se mêle aux références précitées. Près de la moitié du set est chantée en français, le parcours perso des deux songwriters historiques du groupe explique ce tropisme, je l'apprendrai après le concert. Leurs morceaux raffinés car détachés sont gorgés de gimmick guitare et vocaux, on peut y entendre du ANTOINE 60's, du EVARISTE aussi ou plus récemment du STEREO TOTAL, en moins gaudriole. Le mélange de tout cela est savoureux. Mention spéciale à ce titre XXL : Il fait moins 10, à l'ambiance Lou REED mix Kevin AYERS mix Nino FERRER [Un petit côté jean LELOUP aussi, non ?, NDLR]. Hypnose total malgré le son désastreux des enceintes cheap de la micro-brasserie. D'ailleurs, peu à peu, le public de ce temple de la gaudriole Happy Hour pour VRP et cadres sup en déni social, oui, peu à peu le public - sans un regard pour le groupe qui jouait pour eux -, oui le public s'est barré ! Mon ex-pharmacienne, la table des concessionnaires Talbot et leurs épouses (à la tristesse 90's), Alan McGEE. Exode post-sortie de bureau. Belle-maman demain ? Rando ? Gifi ? Nous n'étions plus que six, dont les quatre agents immobiliers (deux hommes, deux femmes, autant d'éclats de rire forcés, comme avant le premier amour physique), je me retourne donc vers le survivant, vers Florent PAGNY 1995. Sourire connivent de rigueur pendant le titre Between the lines de 1988 ; ce trou de balle est sur Youtube et écoute à fond de l'italo disco, le nez dans sa pinte de blanche tropicale. Le jeune barman au charme 20's vient lui dire de baisser. Très bon point. Faut le signaler.
Où étiez-vous vendredi soir ?
Mes applaudissements sont nourris tout le long du concert, ils sont sincères comme les regards et les mercis que je reçois des deux lead. Nous irons au bout de cette expérience unique et belle. La Nouvelle Vague pour moi tout seul. Le concert s'achève par leur premier titre enregistré en 1986 (Fanny), où nos amis allemands glissent même quelques mesures du Walk on the wild side de Loulou Ridé. Dans le public, un visage sans expression se tourne vers le band, c'est celui de Jessica de l'agence Foncia, cet air doit lui rappeler une pub. Rideau. Je décide d'éclater leur joli stand de merchandising aux tarifs débonnaires, ça ne m'étonne pas. Je leur saute littéralement dessus pour limiter un maximum le sentiment de gêne parfois naturel dans ce genre de circonstances. Les TRUFFAUTS ont offert un concert de premier choix à des fans de Kendji GIRAC ou - pire - d'ARCADE FIRE : 4 LP, 2 CD, 1 tee-shirt en cadeau Bonux. Je préfère TRUFFAUT en musique que sur écran. Nous avons bavardé un bon moment, j'ai pu en apprendre un peu plus sur leur parcours, leur francophilie et leurs tournées. Ils arrivaient de Lyon où ils avaient performé la veille, devant une poignée de gens, puis pris la route vers la micro-brasserie. Le cachet du soir leur permettra de payer l'hôtel - non pris en charge par la salle (sic).
Sodebo pop
Stoners de droite, anciens Mods, bébé rockers, protos hippies qui ne voyaient pas plus loin que le bout de vos rééditions Born Bad [liste non exhaustive, NDLR], où étiez-vous vendredi soir ? Avant que ne s'éteigne la race des seigneurs de l'internationale Indie pop, bougez-vous ! Sortez de vos périmètres de sécurité ou disparaissez ! Montez vos start-up et ne nous parlez plus de punk-rock, garage ou alors à voix basse. Les TRUFFAUTS sont repartis samedi matin de leur hôtel après un petit-déjeuner Sodebo copieux. Dignes, le cœur léger d'avoir été ensemble et d'avoir défendu une certaine idée de la pop.
Nous avons promis de nous revoir bientôt. Je leur présenterai mes amis, nous rirons bien fort de tout cela, même si je me dis tout au fond de moi que ces gens font un drôle de métier et que j'en serais bien incapable, moi, le correspondant local.
Nestor SOCRATES
Correspondant local(13 décembre 2021)
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Pour prolonger...
The TRUFFAUTS : Bandcamp
The TRUFFAUTS : site web officiel
The TRUFFAUTS. Chez Simon (TP9, 2021)
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Dans nos archives écrites :
40 Minutes très agréables avec The TRUFFAUTS par Pol DODU (07/12/2021)
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Photographies : Nestor SOCRATES
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