La folk du nouveau monde // OS NOVOS BAIANOS

La discothèque idéale (1973) // Trésor caché #002
          Œuvre de musiciens virtuoses, cet album de l’année 1973 s’éloigne définitivement du courant tropicalia pour inventer la country brésilienne, à l’occasion d’un mélange inattendu de folk, de vapeurs psychédéliques et de samba. Une musique qui, tout en étant ouverte sur le monde, nous fait rentrer dans l’intimité d’une communauté autarcique.

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novos_baianos_2.tif_.jpg, by Bingo
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         La musique du monde, bête noire du rock critic, est un fourre-tout dans lequel se dissimulent les trésors cachés. Méprisés parce que différents, évités parce qu’inclassables, oubliés parce que victimes d’un ethnocentrisme crasse. Pourtant, les sonorités inhabituelles de la langue portugaise et des instruments exotiques ne peuvent suffire à atténuer l’évidence du chef d’œuvre.


Entre terrains

Ce qui impressionne à la première écoute de Novos Baianos F.C, c’est l’incroyable fluidité d’une musique qui ne laisse jamais la virtuosité prendre le pas sur l’émotion et le jeu. Expression d’une vie harmonieuse en communauté et d’un mode de vie alternatif, les chansons bénéficient de belles improvisations qui viennent se greffer sur des mélodies entêtantes. Tout cela a été écrit dans un garage, entre deux parties de football. Loin d’être anecdotique, la présence du terrain donne son titre à l’album et sa dimension collective, la moindre partie instrumentale étant prétexte à la réponse d’un autre membre, comme si les musiciens s’amusaient à se faire des passes. Et si les chansons semblent parfois errer au soleil et changer de direction en chemin, c’est parce qu’on ne cherche pas à aller directement au but : on prend plaisir au beau geste comme à la danse, et à la joie de construire ensemble.

Par ignorance linguistique, on ne comprend pas toujours de quoi il retourne, mais la voix légèrement fêlée de Baby CONSEULO et la douceur du timbre de son acolyte Moraes MOREIRA suffisent à nous cueillir, de même que les rythmes de samba, qui provoquent inconsciemment les réponses du corps. Prenons en exemple la chanson qui ouvre l’album : Sorrir e Cantar Como Bahia commence une bossa conventionnelle, pour être secouée par Pepeu GOMES et ses guitares savantes, qui montent et descendent jusqu’à s’apaiser dans le chant féminin et les percussions, avant de revenir le temps d’un refrain nerveux. Équivalent d’un FAIRPORT CONENTION brésilien, ou d’un PENTANGLE des tropiques, on ose même un rapprochement avec les américains de LYNYRD SKYNYRD, si ses membres avaient déménagé à Bahia pour troquer leurs Gibson sudistes contre la craviola et le cavaquinho. Partisans d’une musique populaire, aux accents traditionnels (choro, forro et samba), mais influencé par HENDRIX et la pop européenne, Novos Baianos F.C réalise l’équilibre parfait entre deux terrains de jeu, en ne reniant pas ses origines, sans tomber dans le conservatisme.
 
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Désordre et progrès

Un trésor bien caché, car très souvent éclipsé par des noms plus familiers (l’Expresso 2222 de Gilberto GIL est un proche cousin) ou par son prédécesseur, régulièrement en tête de liste des plus grands albums de musique brésilienne, l’excellent Acabou Chorare. Plus modeste, Novos Baianos FC n’a pas connu le même sort populaire. Il lui manque peut-être sa place sur une BO d’un TARANTINO filmé dans la Pampa (Alimente serait l’équivalent brésilien du Misirlou de Pulp Fiction), mais il est parfait en son genre, ou plutôt en son absence de genre. Les albums suivants échoueront à reproduire cette alchimie mystérieuse et tomberont parfois dans le cliché de la musique de carnaval, bien loin de l’intime universalité de ce disque remarquable.

Car Novos Baianos F.C est par définition un album de rock progressif. L’instrumental Dagmar qui clos le disque incarne l’éclectisme courageux d’une musique qui se nourrit du classique et des instruments du terroir pour proposer des développements audacieux et des arrangements peu conventionnels. Mais à l’inverse de l’intellectualisme du courant progressif de la vieille Europe, ces dix chansons d' OS NOVOS BAIANOS ne sont jamais égocentrées, ou désincarnées. Elles savent intuitivement harmoniser le désordre, accorder les tensions et proposer ainsi la plus belle mise en musique de la vie en groupe.


Paul MÉGLOT

(15 octobre 2021)

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OS NOVOS BAIANOS. Novos Baianos F.C (Continental, 1973)
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Pour prolonger...

À écouter de toute urgence, en prenant toutefois le temps :
     NOVOS BAIANOS. Acabou Chorare (Som Livre, 1972)
     GILBERTO GIL. Expresso 2222 (Philips, 1972
)

Si Acabou Chorare est facile à trouver sur les plateformes de streaming, ou en verison physique, écouter Novos Baianos F.C est plus compliqué. Le prix prohibitif de l’album sur Discogs en découragera plus d’un et on peut donc conseiller l’écoute de la compilation Os Novos Continental qui contient tous les titres de l’album dans le bon ordre, ainsi que ceux de l’album suivant, moins bon, mais tout de même réjouissant.

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Photographies : DR
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