Ecouter La battue, 4ème album de Les MARQUISES paru en juin 2020, c’est comme entrer dans les ordres. Ici, pas d’église mais un univers à la croisée du fantastique, de l’étrangeté et de l’innommable. Pas de prière mais une musique électronique, pop-rock aux allures tribales qui nous amène aux frontières de la transe. Pas de Bible mais un chant de l’intime. La musique de Jean-Sébastien NOUVEAU et de Martin DURU nous happe tout entier.
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Avant d’écouter un disque, on le tient entre les mains, on le touche, on scrute sa pochette. Celle-ci nous interpelle immédiatement.De l’enfant à l’adulte
On y voit un homme, de face, sorte de Penseur de RODIN, au visage à demi-masqué (prémonitoire ? ) par un amas minéral difforme. L’or et la boue. Une sorte d’alchimie monstrueuse. Cet artwork, oeuvre de l’artiste Vergine KEATON prend le contre-pied de celui du deuxième album (Pensée magique).
[ Pensée magique. Ici, d'Ailleurs, 2014 ]
L’enfant, de dos, avec cette minéralité dans ses cheveux dorés a donc grandi. Du temps a passé. Jean-Sébastien NOUVEAU admet que « d’un point de vue personnel (…) les difficultés de l’enfance demeurent chez l’adulte, différemment, mais on en est toujours habité » (revue PERSONA, numéro 13, automne 2020). On est toujours le fruit de son enfance. Le décor est-il planté ? Pas tout à fait.
La traque
À la lecture du titre de ce quatrième album et à la vue de la pochette de son prédécesseur (A night full of collapses), on peut être tenté de penser que Les MARQUISES soient obsédés par la chasse. Que leur oeuvre soit une ode à cette pratique préhistorique. Que nenni. Rassurez-vous, le doux lyonnais Jean-Sébastien et le philosophe parisien Martin n’ont rien de commun avec votre grand-père ardéchois, chasseur impénitent.
[ A night full of collapses. Ici, d'Ailleurs, 2017 ]
Mais alors, pourquoi ce titre ? Parce-que la battue est une traque au cours de laquelle la bête est repoussée par des cris vers les chasseurs embusqués. Parce-que la bête est encerclée et achevée. Comme ce qui se joue dans cet album. À la différence que c’est l’homme qui est la proie. Le rythme est donc puissant.
Le chant de l'intime
Cheminons ensemble dans ces 40 minutes de musiques entrelacées. L’ouverture est instrumentale : Bare land avec ses orgues électroniques, c’est la corne qui lance la battue dans la forêt. Les sept autres titres miment la traque, la violence et la mort. La rythmique tribale de la batterie nous emporte, les boucles électroniques répétitives comme dans White Cliff expriment les battements d’un coeur au ralenti. Peu à peu le chasseur devient la proie. Les émotions et les souvenirs de l’homme sont rabattus et se retournent contre lui. Qu’en faire, sinon de la musique ? Laisser écouler ce qui est en nous, s’y perdre pour mieux s’en libérer. Le dernier titre ferme la boucle : retour à l’instrumental avec Once back home, retour au calme. Cet album est une oeuvre qui offre différents tableaux. Oeuvre intense et intimiste, mélancolique et ensorcelante. Elle charme et nous file des frissons tout le long de l’échine. À l’image des clips réalisés par Nick UFF (qui a eu carte blanche) pour les titres La battue et Shape the wheel, hommes et animaux se déforment, se mélangent, se métamorphosent au milieu de références mythologiques, bibliques ou contemporaines. EMPÉDOCLE, vieux philosophe grec, pourrait nous dire que ces images, ces musiques, ces chants illustrent le principe dualiste de la vie : naissance et mort, croissance et décroissance, ordre et désordre. Mais son pote moderne, Gaston BACHELARD rétorquerait que « la destruction est plus qu’un changement, c’est un renouvellement » (in La Psychanalyse du feu). Car oui, La battue est l’album du renouvellement et de la liberté pour Les MARQUISES - et l’album le plus étonnant et terriblement beau que j’ai écouté ces dernières années. À vous de tenter l’expérience !
Le Cri de la Mouette
(24 septembre 2021)
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Les MARQUISES – La battue (Les Disques Normal, 2020)
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Pour prolonger...
Les MARQUISES : Head as a scree (vidéo-clip)
Les MARQUISES : Facebook, Soundcloud et site web
EMPÉDOCLE dans L'Encyclopaedia Universalis
Jacques BREL : Les Marquises
Dans nos archives sonores :
Chronique de bingO dans Rock à la Casbah #723 (17/02/2021)
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Photographies : Lise DUC, bingO
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Montages : bingO, d'après BREL / BARCLAY
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