King Gizzard & The Lizard Wizard / Oh Sees / OCS

5-2 : LE match de 2017 sur Flightless et Castle face // Par Nicolas Gougnot

- Nous voici donc ce soir pour assister à la rencontre opposant deux poids lourds du rock’n’roll mondial, une sorte de finale avant la lettre pour deux équipes parmi les plus prolifiques de la compétition.

- Oui, effectivement, Thee Oh Sees sont tenants du titre, qu’ils vont devoir défendre face à un collectif d’outsiders, que l’on n’attendait pas forcément il y a encore quelques années à ce niveau, les Australiens de King Gizzard & The Lizard Wizard, facilement reconnaissables à leurs pochettes bariolées.

- En matière de bariolage, les Californiens ne sont pas en reste non plus…

- C’est vrai, vous avez raison, nous assistons à un véritable festival de couleurs sur le terrain.

- Avant que la rencontre ne débute, il faut préciser que Thee Oh Sees ont considérablement renforcé le secteur défensif depuis quelques saisons, coach John Dwyer ayant remplacé les anciens cadres au profit de deux batteurs centraux, ce qui a tendance à resserrer considérablement les espaces. Le jeu à une touche de clavier a par exemple disparu, au profit d’un jeu un rien brutal, basé sur une défense agressive, certains n’hésitant pas à tacler au niveau de la carotide, et sur un jeu à l’anglaise, à l’ancienne : un bon vieux kick and run après une rugueuse récupération de balle.

- Oui, tout à-fait. A l’opposé, King Gizzard mise sur les ailiers, multipliant les longues courses vers l’avant, proposant un jeu beaucoup plus aérien et complexe. Ce sont eux, désormais, les Brésiliens du rock. Jongles, passements de jambes et autres fantaisies !

- Je vous interromps un instant pour signaler que l’arbitre vient de siffler le début de la rencontre !

- Effectivement, et les King Gizzard se ruent immédiatement en direction du but adverse. On sent qu’ils ont l’envie d’en découdre et de déboulonner les tenants du titre. Oh ! Attention à cette attaque dans l’axe !

- Oui ! Nous sommes à peine le 23 février 2017 et King Gizzard dégaine le premier ! C’est l’ouverture du score avec Flying Microtonal Banana !

- C’est extraordinaire ! Une action toute en circonvolutions orientalisantes et, tels des cobras royaux en Inde, leurs adversaires, pourtant extrêmement dangereux, sont mis au pas, hypnotisés, comme paralysés, et ne peuvent réagir à la frappe nucléaire qui conclut ce mouvement collectif d’une intelligence rare.
King Gizzard a frappé fort, mais Oh Sees ont encore du temps pour revenir dans la partie. Ils en ont le potentiel et semblent d’ailleurs pouvoir parvenir à la mi-temps sans plus de casse.

- Nous sommes effectivement dans les arrêts de jeu avant la pause et les buteurs australiens restent muets. Oh ! Mais attention justement à cette attaque ! Un concept album à deux narrateurs, dont les interventions sont entrecoupées de décharges électriques tantôt syncopées, tantôt frontales, de guitares tranchantes et de stridences d’harmonica, le tout supporté par une section rythmique toujours aussi solide. Nous sommes le 23 juin et King Gizzard mène désormais 2-0. Et l’arbitre siffle la mi-temps ! Nous nous retrouvons dans un petit quart- d’heure pour la seconde partie de ce match qui restera dans les annales.

- Nous assistons effectivement à ce qui semble être à une prise de pouvoir des Australiens sur le rock mondial.

- Reprise du jeu et King Gizzard accroît sa domination, monopolisant le ballon. Une possession écrasante, qui finit même par nuire au spectacle. C’est véritablement un match à sens unique ; les Australiens se baladent dans la défense californienne, cédant presque à la facilité jazzy dans des combinaisons extrêmement complexes, manifestement travaillées à l’entraînement, pour conclure avec un but annoncé. 3-0 avec Sketches of Brunswick East. Si vous voulez mon avis, le match est plié.

- Je vous interromps, on m’informe dans l’oreillette que Metz (Strange Peace) et Unsane (Sterilize) ont fait match nul 1-1 et que Sapin, avec III,  a remporté le derby breton, ce qui n’empêche pas Cannibale, pour son No Mercy For Love, de remporter le titre honorifique de champion d’automne, après leur match nul chez les Parisiens de Frustration. Excusez moi pour cette parenthèse.

- Vous avez eu absolument raison de nous faire partager ces informations, importantes pour la suite de la compétition. Nous verrons le reste des résultats à la fin de la rencontre.

- Ooooooooooh ! Alors que l’on ne l’espérait plus, le match est relancé ! Réduction du score à 3-1 pour Thee Oh Sees, qui balance Orc dans la lucarne adverse ! La Mannschaft californienne, celle qui a pu nous faire succomber aux sirènes de son garage énergique n’est plus ce qu’elle était, mais elle a tout de même de beaux restes !

- Oui, c’est vrai, d’autant que ses prestations scéniques semblent faire l’unanimité, l’énergie de Dwyer et la doublette percussive se révélant d’une énergie monstre.

- Ha là là, ce son massif et compact, c’est beau comme une charge de Panzers dans les plaines d’Ukraine !

- On peut considérer que Oh Sees ont sauvé l’honneur. De là à sauver le match et, plus globalement, leur saison, il y a un pas que je ne franchirais pas. Un baroud d’honneur dans une rencontre dan laquelle ils sont totalement dominés par des jeunes plus affamés, voilà tout… Mais… mais…

- Ouiiiiiiiii ! 3-2 ! Juste après l’engagement, alors que Dwyer vient juste de faire entrer Brigid Dawson, que l’on n’avait plus vue titularisée depuis un bon moment et qui, dès son entrée en jeu, se montre décisive sous des dehors de fragilité ! Quel coaching du Beckenbauer du rock ! Memory of a Cut Off Head relance agréablement un match qui devient haletant !

- Nous sommes pourtant loin des déflagrations soniques de Oh Sees, de la transe sonique qui a été leur marque de fabrique il y a encore quelques années, quand ils jouaient à leur meilleur niveau. OCS renouent là avec une de leurs très vieilles habitudes, qui consiste à sortir un disque acoustique, de d’aucuns n’hésiteraient pas à qualifier de folk, pour endormir la défense adverse. Et c’est vrai que les efforts consentis par King Gizzard & The Lizard Wizard en début de rencontre, ces longues courses vers l’avant, n’ont peutêtre pas permis aux Australiens de conserver toute leur lucidité. Il n’en faut pas plus à un renard des surfaces tel que John Dwyer pour glisser une nouveauté sur la platine. Les Oh Sees vont-ils disposer des Aussies contre le cours du jeu?

- Ha ha ha ! Hé bien non ! Dans ce match fou, un corner tiré du Polygondwanaland, lancé comme un gigantesque jeu de mots, remet les Australiens dans le bon sens. L’action avait commencé par une très longue phase de jeu de près de dix minutes, une sorte d’acidpost-garage épique, enchaîné avec des titres plus calmes, plus anecdotiques, sauf à être inconditionnels de la mise en place de boucles syncopées, émaillées d’apparitions fugaces de phrases musicales  sonnant très worldmusic telles cette kora sur le morceau éponyme. Oh Sees n’ont pu que dégager en corner pour se ménager une pause.

- Il est vrai qu’une telle possession de balle use l’adversaire, indiffère parfois l’auditeur, mais permet aux Australiens d’assommer la concurrence par une présence permanente face au but et balle au pied. Il manque toutefois la capacité à la fulgurance électrique qui nous fait tant aimer ce groupe. Ce qui ne les empêche pas de signer là une victoire large, totalement indiscutable, sur des adversaires qui restent redoutables, bien que n’étant plus que l’ombre de ce qu’ils ont été.

- Nous attaquons le temps additionnel, qui ne devrait pas être très long, le rythme du match ayant été véritablement soutenu cette année… mais attention à cette dernière attaque de King Gizzard, qui trouvent encore l’énergie de jouer vers l’avant ! Hé oui !!!! le 31 décembre de la partie, la partie n’est pas terminée et pour la cinquième fois, les musiciens des des antipodes poussent un album au fond des filets ! 5-2 ! Oui, décidément, cette rencontre restera dans annales.

- Nous terminons ce direct en vous signalant les exploits de Idles, très très efficaces avec Brutalism, qui se pose en prétendant à des places d’honneur en matière de postpunk/noise, et de ISS, qui, avec Endless Pussyfooting, balance 14 titres  de punk electrobeats à l’anglaise à grands coups de saton dans la face d’une Europe terrifiante d’embourgeoisement. A noter enfin que les Russes de Utro, avec Third Album,  remportent pour leur part la poule coldwave et assimilés et Pretty Lightning (The Rythm of Ooze) celle du blues de sales drogués dégénérés.


Les buts de l'année 2017 : 
King Gizzard & The Lizard Wizard, Murder Of The Universe 
King Gizzard & The Lizard Wizard, Flying Microtonal Banana 
King Gizzard & The Lizard Wizard, Sketches Of Brunswick East 
King Gizzard & The Lizard Wizard, Polygondwanaland 
King Gizzard & The Lizard Wizard, Gumboot soup 
Oh Sees, Orc 
OCS, The Fool