Singing Saw (Dead Oceans 2016) – Par Nicolas Gougnot
En 1990 s’est abattu sur nos épaules un début de fin du monde civilisé que personne n’a discerné sur le moment. Cette année-là, en effet, Kevin Costner dansait avec les loups. Ce fut le moment fondateur de la mode des Kevin : n’importe quel connard se sentant cinéphile ou indien, ou les deux, affublait de ce prénom ridicule son moufflet encore innocent, mais pas pour longtemps.
26 ans plus tard, nous continuons à expier des fautes que je ne me souviens pas avoir commises. Il pleut encore et toujours des Kévin. Oui, avec un accent désormais. C’est à cause que c’est plus classe. Les Kévin sont partout, surtout dans certaines franges de la population, s’agissant d’un puissant marqueur social. C’est ainsi que je gage qu’il existe un Kévin Morbier. Des Kévin, j’en ai croisé pas mal. Aucun n’a fait preuve d’ambition particulière pour ce qui concerne les choses de l’esprit. Faisons l’expérience avec Kévin Morbier, pour vérifier mes allégations. La famille Morbier trouve son origine dans la ville du même nom, ce qui en dit long sur l’atavique absence de brassage génétique au sein de cette famille, qui a pourtant dû s’exiler à Montbéliard pour y trouver du travail dans la mécanique automobile. Après la difficile obtention d’un baccalauréat quelconque, mais surtout professionnel (le Kévin est surtout super fort à FIFA 2015 et à Call Of Duty), le jeune homme fait preuve d’une ambition démesurée en s’aventurant en BTS Transports et Prestations Logistiques. Formation proposée par un certain nombre d’établissements de la bonne ville de Valence. Pour Kévin comme pour sa famille, c’est un choc. Personne de ce noble sang n’avait franchi les frontières du sanctuaire franc-comtois depuis la guerre de Trente Ans. Tant pis, direction Valence. Un mercredi soir de désœuvrement éthylique (Kévin vient de recevoir un colis sanitaire constitué de bouteilles de Pontarlier Anis, pour désinfecter l’eau), il se met en quête d’un support musical sur les ondes hertziennes. Tournant avec mille précautions la molette des fréquences sur son vieux poste de radio, Kevin tombe sur les ondes de Radio Méga et la cultissime émission Rock à la Casbah. Laquelle diffuse précisément, c’est marrant le hasard, des fois, un morceau de Kevin Morby. Les mécanismes de l’aléatoire, mis en branle par une passion pour les camions et la logistique, viennent de mettre en contact les deux Kevin, avec et sans accent. L’instant est magique. Il flotte dans l’air comme une odeur d’ozone, signe que quelque enchantement est alors à l’oeuvre.
- Putô, c’est quô c’te merde, là, hô !, réagit alors Kévin.
Il y a 26 ans, Kevin portait des vestes à franges et encore aujourd’hui nous en supportons les conséquences. Tu as tort, Kévin Morbier. L’album de de ton presque homonyme est une vraie réussite. On s’en doutait un peu, pour être honnête, depuis Harlem River. On peut y trouver du Leonard Cohen, c’est une évidence, mais aussi reconnaître d’autres influences, conscientes ou non, d’autres parallèles qu’il serait fastidieux d’énumérer. Et on commence à reconnaître la patte du compositeur, malgré le caractère très arrangé de ce disque. Sa facilité à créer des ambiances folk mais pas chiantes, répétitives mais jamais lénifiantes. Il n’y a pas trente-six explications : soit je vieillis, soit c’est vraiment bien. Etant bénéficiaire de la jeunesse éternelle, j’affirme que c’est le deuxième élément de l’alternative qui s’impose. Singing Saw est un excellent album, à la foi cohérent et varié. Jamais monotone.
Même si je dois reconnaître qu’arrivé au bout du bout, je ressens, c’est mon côté Kévin, le putain de besoin de manipuler une tronçonneuse thermique mal réglée ou un bon vieux rotofil, sans protection auditive cela va de soi, histoire de me faire bien saigner les oreilles, pasque merde, putain, quand même.
------------------- English version by Oscar Mavioc'h -------------------------
On 1990, a beginning of end of the world has crashed on the civilised world's head and no one has noticed at this very time. This year, indeed, Kevin Costner has danced with the wolves. It's been the founding moment of the Kevin's fashion : so many assholes feeling moviegoer or indian, or both, has given this ridiculous name to his innocent kid. Innocent but not for long...
26 years after, we are still expiating mistakes that we haven't committed. It's still raining Kevins. Yes, at now, with an accent. It's because it's more hype. Kevins are everywhere, especially in some society layers, expression of a very social marker. That's why i bet that a kevin Morbier exists. I've crossed so many of them. None is particularly ambitious for the spirit things. Let's try the experience with Kevin Morbier, just to check my allegations. The Morbier family takes its origins in a town which has the same name, and that says long on the atavistic lack of genetic melting inside this family, who, however, had to move to Montbéliard to get some job in the car mechanics. After the difficult obtention of a random A-Level, but a professional one (the Kevin is stronger with FIFA 2015 and Call of duty), the young man showed some very ambition to go through a Transport and Logistics 12th grade. Cursed proposed by several schools of our good old Valence (Drôme). For Kevin as for his family, it's a shock ! Nobody from this noble blood had been further the fronteers of Franche-Comté's sanctuary sine the 30 years war. Too bad. Let's go to Valence. Where, on an alcoholic and lazy wednesday (Kevin just got a healthy package made of Pontarlier's bottles, just to disinfect the water), he tries to find a musical support on the radio. Turning the button very meticulously on his old transistor, Kevin gets the Radio Mega's frequency and cultissim Rock à la Casbah show . Which is, at this very moment, broadcasting precisely, sometimes, coincidence is fun, a track of Kevin Morby. Random mechanics, because of a passion for trucks and logistics, just created contact between those two Kevin, with and without accent. Magical moment. An ozone smell is floating in the air, sign of running on delight.
- "Fock ! Whut is that sheit, ooh ?!" So, Kevin reacts.
26 years ago, Kevin wore fringes jackets and nowadays we still pay the consequences of it. You're wrong, Kevin Morbier. Your almost namesake's album is a true achievement. We could think so, to be honnest, since Harlem River. We cross Leonard Cohen, it's an evidence, but also recognize some other influences, aware or not, others are parallel and it would be boring to enumerate them. And we start to recognize the signature of the composer, in spite of the very arranged looking of the disc. He has easiness to create folk atmospheres, but not pissfull, repetitive but not soothing. There are not so many explainations : or i'm getting old, or it's very good. And, as i beneficiate of the eternal youngness, i can truly say that the second point is the one we have to remember. Singing Saw is an excellent album, consistent and various at the same time. Never monotonous.
But, i have to recognise when i got on the end of the end, it's my Kevin's side, i fucking need to manipulate a goddamned thermal chainsaw badly set, without any auditive protections of course, just to make bleed my ears, because shit, fuck, anyway.
26 ans plus tard, nous continuons à expier des fautes que je ne me souviens pas avoir commises. Il pleut encore et toujours des Kévin. Oui, avec un accent désormais. C’est à cause que c’est plus classe. Les Kévin sont partout, surtout dans certaines franges de la population, s’agissant d’un puissant marqueur social. C’est ainsi que je gage qu’il existe un Kévin Morbier. Des Kévin, j’en ai croisé pas mal. Aucun n’a fait preuve d’ambition particulière pour ce qui concerne les choses de l’esprit. Faisons l’expérience avec Kévin Morbier, pour vérifier mes allégations. La famille Morbier trouve son origine dans la ville du même nom, ce qui en dit long sur l’atavique absence de brassage génétique au sein de cette famille, qui a pourtant dû s’exiler à Montbéliard pour y trouver du travail dans la mécanique automobile. Après la difficile obtention d’un baccalauréat quelconque, mais surtout professionnel (le Kévin est surtout super fort à FIFA 2015 et à Call Of Duty), le jeune homme fait preuve d’une ambition démesurée en s’aventurant en BTS Transports et Prestations Logistiques. Formation proposée par un certain nombre d’établissements de la bonne ville de Valence. Pour Kévin comme pour sa famille, c’est un choc. Personne de ce noble sang n’avait franchi les frontières du sanctuaire franc-comtois depuis la guerre de Trente Ans. Tant pis, direction Valence. Un mercredi soir de désœuvrement éthylique (Kévin vient de recevoir un colis sanitaire constitué de bouteilles de Pontarlier Anis, pour désinfecter l’eau), il se met en quête d’un support musical sur les ondes hertziennes. Tournant avec mille précautions la molette des fréquences sur son vieux poste de radio, Kevin tombe sur les ondes de Radio Méga et la cultissime émission Rock à la Casbah. Laquelle diffuse précisément, c’est marrant le hasard, des fois, un morceau de Kevin Morby. Les mécanismes de l’aléatoire, mis en branle par une passion pour les camions et la logistique, viennent de mettre en contact les deux Kevin, avec et sans accent. L’instant est magique. Il flotte dans l’air comme une odeur d’ozone, signe que quelque enchantement est alors à l’oeuvre.
- Putô, c’est quô c’te merde, là, hô !, réagit alors Kévin.
Il y a 26 ans, Kevin portait des vestes à franges et encore aujourd’hui nous en supportons les conséquences. Tu as tort, Kévin Morbier. L’album de de ton presque homonyme est une vraie réussite. On s’en doutait un peu, pour être honnête, depuis Harlem River. On peut y trouver du Leonard Cohen, c’est une évidence, mais aussi reconnaître d’autres influences, conscientes ou non, d’autres parallèles qu’il serait fastidieux d’énumérer. Et on commence à reconnaître la patte du compositeur, malgré le caractère très arrangé de ce disque. Sa facilité à créer des ambiances folk mais pas chiantes, répétitives mais jamais lénifiantes. Il n’y a pas trente-six explications : soit je vieillis, soit c’est vraiment bien. Etant bénéficiaire de la jeunesse éternelle, j’affirme que c’est le deuxième élément de l’alternative qui s’impose. Singing Saw est un excellent album, à la foi cohérent et varié. Jamais monotone.
Même si je dois reconnaître qu’arrivé au bout du bout, je ressens, c’est mon côté Kévin, le putain de besoin de manipuler une tronçonneuse thermique mal réglée ou un bon vieux rotofil, sans protection auditive cela va de soi, histoire de me faire bien saigner les oreilles, pasque merde, putain, quand même.
------------------- English version by Oscar Mavioc'h -------------------------
On 1990, a beginning of end of the world has crashed on the civilised world's head and no one has noticed at this very time. This year, indeed, Kevin Costner has danced with the wolves. It's been the founding moment of the Kevin's fashion : so many assholes feeling moviegoer or indian, or both, has given this ridiculous name to his innocent kid. Innocent but not for long...
26 years after, we are still expiating mistakes that we haven't committed. It's still raining Kevins. Yes, at now, with an accent. It's because it's more hype. Kevins are everywhere, especially in some society layers, expression of a very social marker. That's why i bet that a kevin Morbier exists. I've crossed so many of them. None is particularly ambitious for the spirit things. Let's try the experience with Kevin Morbier, just to check my allegations. The Morbier family takes its origins in a town which has the same name, and that says long on the atavistic lack of genetic melting inside this family, who, however, had to move to Montbéliard to get some job in the car mechanics. After the difficult obtention of a random A-Level, but a professional one (the Kevin is stronger with FIFA 2015 and Call of duty), the young man showed some very ambition to go through a Transport and Logistics 12th grade. Cursed proposed by several schools of our good old Valence (Drôme). For Kevin as for his family, it's a shock ! Nobody from this noble blood had been further the fronteers of Franche-Comté's sanctuary sine the 30 years war. Too bad. Let's go to Valence. Where, on an alcoholic and lazy wednesday (Kevin just got a healthy package made of Pontarlier's bottles, just to disinfect the water), he tries to find a musical support on the radio. Turning the button very meticulously on his old transistor, Kevin gets the Radio Mega's frequency and cultissim Rock à la Casbah show . Which is, at this very moment, broadcasting precisely, sometimes, coincidence is fun, a track of Kevin Morby. Random mechanics, because of a passion for trucks and logistics, just created contact between those two Kevin, with and without accent. Magical moment. An ozone smell is floating in the air, sign of running on delight.
- "Fock ! Whut is that sheit, ooh ?!" So, Kevin reacts.
26 years ago, Kevin wore fringes jackets and nowadays we still pay the consequences of it. You're wrong, Kevin Morbier. Your almost namesake's album is a true achievement. We could think so, to be honnest, since Harlem River. We cross Leonard Cohen, it's an evidence, but also recognize some other influences, aware or not, others are parallel and it would be boring to enumerate them. And we start to recognize the signature of the composer, in spite of the very arranged looking of the disc. He has easiness to create folk atmospheres, but not pissfull, repetitive but not soothing. There are not so many explainations : or i'm getting old, or it's very good. And, as i beneficiate of the eternal youngness, i can truly say that the second point is the one we have to remember. Singing Saw is an excellent album, consistent and various at the same time. Never monotonous.
But, i have to recognise when i got on the end of the end, it's my Kevin's side, i fucking need to manipulate a goddamned thermal chainsaw badly set, without any auditive protections of course, just to make bleed my ears, because shit, fuck, anyway.