Freedom Tower : No Wave Dance Party ( MOM + POP Records 2015) // Par Oscar Mavioc'h
Je suis rentré dans ce bar un peu déglingue l'autre soir. La devanture ne payait pas de mine et le gars à l'entrée ne valait pas bien plus que le crépit derrière lui. Quelques jeunes personnes embrumées dans un nuage de clopes se tenaient devant, dans un silence quasi monastique, le videur veillant les voisins avoisinants. On pourrait presque se demander ce que j'étais allé foutre là-dedans. Eh bien, comme vous et moi, j'ai suivi une paire de fesses depuis la rue, dodelinant et ayant fait mine de ne pas me remarquer. Quand je disais « un peu déglingue », je ne parlais pas que du rade. Moi aussi, j'étais gratiné.
Elle a poussé la porte du sas, ma silhouette à sa suite et nous plongeâmes tous deux et sans se connaître dans l'atmosphère suintante de ce bouge aux allures canailles. Le comptoir tenait debout, fermement accroché à ses quelques piliers, le barman, tatoué jusqu'au cou, faisait voguer les galères de ses clients sans trop sourire. Le didjé se balançait derrière sa console en passant des vinyles au son crado, la tête penchée avec rigueur et concentration, trois quatre poulettes se trémoussaient au son des Larsen méconnaissables, un punk, les bras en l'air et la crête à plat, hurlait à chaque fin de solo noisy.
La donzelle que j'avais suivie s'installa au comptoir, commanda une bière et je me posai pas loin avec une envie de cocktail. Singapore Sling ! On me servit une mélasse orange quand le didjé apparut au comptoir. Je lui braillai :
- Tu démissionnes ?
- Non, mais là je peux faire une pause de quarante minutes à vue de pif.
- Pourquoi ?
- Avec ce que je viens de balancer, le bar entier va danser sans que j'aie rien à faire...
- Et Kezako ?
- "Freedom Tower: No Wave Dance Party" , le dernier Blues Explosion.
Le gars profita de ma bouche bée pour s'éclipser et réapparut alors la jeune fille que j'avais suivie. Une voix explosa dans l'air moite.
Come on fellas ! We've got to pay respect !
Deux coups de batterie résonnèrent dans la salle et elle de lever les yeux vers moi avant de plonger sur la piste. Entraînée par la voix omniprésente et les guitares gueulardes, la musique enveloppa instantanément le corps de la jeune femme d'un rock'n'roll tonitruant qui vous dit que c'est lui le patron. Funky, la tête se balance et la batterie est glissante. Et c'est quoi ? De la guitare ou de la basse ? La jeune femme s'immisce dans le solo reptilien et Spencer lui susurre ses dissonances parfaites.
Wax Dummy, ne traîne pas et arrive droit dans le ventre de ma danseuse. Le riff est triste et la pousse à regarder sa ville et en lui crachant dessus par amour. Une musique chiennement urbaine. Les taxis jaunes sont arrivés. Ils ne quitteront plus la pièce désormais. La muse s'amuse et virevolte inlassablement au milieu du trafic. Ses hanches tournent et se bloquent sur les breaks, ses épaules se rehaussent et retombent when she Does the Get Down. La basse est dense et grasse et elle grimpe dans une bagnole pour voir si les célèbres quartiers de New-YorKKK sont toujours à leur place.
Le rock'n'roll qui suit est lourd et « clap your hands ». Betty vs NYPD. Décidément...
La rythmique la fait tourner dans tous les sens, les guitares lui ordonnent de se rouler par terre mais elle refuse. Le punk, par contre, a la gueule écrasée sur le parquet et vit une relation charnelle avec le sol. Il n'en peut plus de furie. Les filles dansent entre elles et le tempo ralentit. Il est temps de boire à nouveau.
Singapore sur le comptoir, je l'avale presque d'une traite quand retentissent des notes à la Hendrix. Sans état d'âme, tout se teinte de jaune et de rouge, à l'instar de mon cocktail. Le petit Charleston malingre caresse l'échine de ma déesse, ses cheveux sont relevés et elle respire pendant le pont impressionnant de cette chanson détonante. La reprise du thème est agressive et mon oreille suit le dôme étincelant. Nom de Dieu de merde mais je suis où là ? Quelqu'un a mis de la came dans mon verre ? Je me démantibule de plaisir, sans m'en rendre compte, je danse à proximité du bar.
Une fois lancé, je suis piégé par la musique qui m'emmène sur les mêmes boulevards avec les yeux de Lou Reed, mais quand il était enfant.
This is America baby ! We ain't got no class !
Je suis à fond. J'écoute les soli à la Keith Richards. A tel point que je tousse. Merde, la danse m'épuise. Merde... Déjà ? Je retourne m'asseoir mais, à peine le cul sur mon tabouret que je me relève aussitôt quand la musique explose et que mes épaules se raccrochent à la basse, au beat simili-disco de la batterie et à la voix de... Patti Smith ? Je suis au CBGB's et je danse avec toute la clique de Manhattan. On se marre bien et y a Joe Buck, un gars qui a l'air d'avoir fait des trucs pas cool vu comment il en parle. La guitare monte et descend. King Crimson.
Cet album est un putain de musée ! Une putain de merveille du monde érigée en l'honneur du rock'n'roll. Ce sentiment me vient sûrement ça à cause du limbo que j'improvise au milieu des gens dans le même état que moi. Bourrés. Et relativement seuls. Mais d'accord sur le fait qu'on n'ait rien entendu d'aussi bon depuis un paquet de temps.
L'explosion libidineuse du rock sournois, alliée à l'irrémédiable envie de danser, de faire une putain de fête !
Malgré tout, j'aperçois que le bar est en train de fermer. Tout le monde ne s'est pas laissé emmener. J'espère pouvoir rester jusqu'au bout de l'album et emballer cette jeune femme. Alors j'ouvre les yeux, sors mon sourire Humphrey Bogart et tombe face à face avec le punk qui me sourit. Merde !
Je regarde par-dessus son épaule et je vois le didjé se diriger vers sa console en tenant la belle par la taille. Il me regarde et m'adresse un clin d’œil. Derrière la régie, elle se baisse en laissant traîner une main sur le cul de l'emplumé qui fouille du côté de son entrejambe. A peine a-t-elle disparu que l'autre a a un frisson.
Je colle une baffe au punk et me barre sans payer. Qu'ils s'adressent à l'intendant.
Tales of Old New-York : the Rock box.
La porte du sas claque.
Putain ! Jon Spencer. Blues Explosion.
Elle a poussé la porte du sas, ma silhouette à sa suite et nous plongeâmes tous deux et sans se connaître dans l'atmosphère suintante de ce bouge aux allures canailles. Le comptoir tenait debout, fermement accroché à ses quelques piliers, le barman, tatoué jusqu'au cou, faisait voguer les galères de ses clients sans trop sourire. Le didjé se balançait derrière sa console en passant des vinyles au son crado, la tête penchée avec rigueur et concentration, trois quatre poulettes se trémoussaient au son des Larsen méconnaissables, un punk, les bras en l'air et la crête à plat, hurlait à chaque fin de solo noisy.
La donzelle que j'avais suivie s'installa au comptoir, commanda une bière et je me posai pas loin avec une envie de cocktail. Singapore Sling ! On me servit une mélasse orange quand le didjé apparut au comptoir. Je lui braillai :
- Tu démissionnes ?
- Non, mais là je peux faire une pause de quarante minutes à vue de pif.
- Pourquoi ?
- Avec ce que je viens de balancer, le bar entier va danser sans que j'aie rien à faire...
- Et Kezako ?
- "Freedom Tower: No Wave Dance Party" , le dernier Blues Explosion.
Le gars profita de ma bouche bée pour s'éclipser et réapparut alors la jeune fille que j'avais suivie. Une voix explosa dans l'air moite.
Come on fellas ! We've got to pay respect !
Deux coups de batterie résonnèrent dans la salle et elle de lever les yeux vers moi avant de plonger sur la piste. Entraînée par la voix omniprésente et les guitares gueulardes, la musique enveloppa instantanément le corps de la jeune femme d'un rock'n'roll tonitruant qui vous dit que c'est lui le patron. Funky, la tête se balance et la batterie est glissante. Et c'est quoi ? De la guitare ou de la basse ? La jeune femme s'immisce dans le solo reptilien et Spencer lui susurre ses dissonances parfaites.
Wax Dummy, ne traîne pas et arrive droit dans le ventre de ma danseuse. Le riff est triste et la pousse à regarder sa ville et en lui crachant dessus par amour. Une musique chiennement urbaine. Les taxis jaunes sont arrivés. Ils ne quitteront plus la pièce désormais. La muse s'amuse et virevolte inlassablement au milieu du trafic. Ses hanches tournent et se bloquent sur les breaks, ses épaules se rehaussent et retombent when she Does the Get Down. La basse est dense et grasse et elle grimpe dans une bagnole pour voir si les célèbres quartiers de New-YorKKK sont toujours à leur place.
Le rock'n'roll qui suit est lourd et « clap your hands ». Betty vs NYPD. Décidément...
La rythmique la fait tourner dans tous les sens, les guitares lui ordonnent de se rouler par terre mais elle refuse. Le punk, par contre, a la gueule écrasée sur le parquet et vit une relation charnelle avec le sol. Il n'en peut plus de furie. Les filles dansent entre elles et le tempo ralentit. Il est temps de boire à nouveau.
Singapore sur le comptoir, je l'avale presque d'une traite quand retentissent des notes à la Hendrix. Sans état d'âme, tout se teinte de jaune et de rouge, à l'instar de mon cocktail. Le petit Charleston malingre caresse l'échine de ma déesse, ses cheveux sont relevés et elle respire pendant le pont impressionnant de cette chanson détonante. La reprise du thème est agressive et mon oreille suit le dôme étincelant. Nom de Dieu de merde mais je suis où là ? Quelqu'un a mis de la came dans mon verre ? Je me démantibule de plaisir, sans m'en rendre compte, je danse à proximité du bar.
Une fois lancé, je suis piégé par la musique qui m'emmène sur les mêmes boulevards avec les yeux de Lou Reed, mais quand il était enfant.
This is America baby ! We ain't got no class !
Je suis à fond. J'écoute les soli à la Keith Richards. A tel point que je tousse. Merde, la danse m'épuise. Merde... Déjà ? Je retourne m'asseoir mais, à peine le cul sur mon tabouret que je me relève aussitôt quand la musique explose et que mes épaules se raccrochent à la basse, au beat simili-disco de la batterie et à la voix de... Patti Smith ? Je suis au CBGB's et je danse avec toute la clique de Manhattan. On se marre bien et y a Joe Buck, un gars qui a l'air d'avoir fait des trucs pas cool vu comment il en parle. La guitare monte et descend. King Crimson.
Cet album est un putain de musée ! Une putain de merveille du monde érigée en l'honneur du rock'n'roll. Ce sentiment me vient sûrement ça à cause du limbo que j'improvise au milieu des gens dans le même état que moi. Bourrés. Et relativement seuls. Mais d'accord sur le fait qu'on n'ait rien entendu d'aussi bon depuis un paquet de temps.
L'explosion libidineuse du rock sournois, alliée à l'irrémédiable envie de danser, de faire une putain de fête !
Malgré tout, j'aperçois que le bar est en train de fermer. Tout le monde ne s'est pas laissé emmener. J'espère pouvoir rester jusqu'au bout de l'album et emballer cette jeune femme. Alors j'ouvre les yeux, sors mon sourire Humphrey Bogart et tombe face à face avec le punk qui me sourit. Merde !
Je regarde par-dessus son épaule et je vois le didjé se diriger vers sa console en tenant la belle par la taille. Il me regarde et m'adresse un clin d’œil. Derrière la régie, elle se baisse en laissant traîner une main sur le cul de l'emplumé qui fouille du côté de son entrejambe. A peine a-t-elle disparu que l'autre a a un frisson.
Je colle une baffe au punk et me barre sans payer. Qu'ils s'adressent à l'intendant.
Tales of Old New-York : the Rock box.
La porte du sas claque.
Putain ! Jon Spencer. Blues Explosion.