Pour rencontrer et interviewer le groupe noisy punk VALSE NOOT,
un de nos courageux correspondants n'a pas hésité à partir à Brest en vacances d'Automne.
Preuve à l'appui : ses belles photos de la ville.
Ce papier est publié le jour même où VALSE NOOT se produit sur scène à la soirée Boxon du remarquable Festival Invisible, à Brest.
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Brest, c’est loin.
Brest, c’est moche.
Brest, c’est le port d’attache de VALSE NOOT, qui pratique un punk-noise de haute volée, dont l’album Utter contempt, sorti en janvier 2021, figure en tête de mon best of personnel pour l’année.
À l’oreille, les VALSE NOOT pourraient être originaires de Chicago, New York ou Minneapolis. Ben non, en vrai, les types sont brestois.
Ça tombe bien, Brest, j’y suis allé en vacances. J’ai donc saisi l’occasion d’y rencontrer David et Vincent, respectivement guitariste et batteur du groupe, qui ont consacré deux heures à un entretien riche et désordonné. J’avais, pour l’occasion, enfermé mes onze compagnes et compagnons de vacances dans une pièce en laissant tourner Utter contempt, les chargeant de rédiger chacun une question à poser au groupe. Ces gens n’étaient pas préparés à une telle expérience, mais s’y sont prêtés de bonne grâce, hormis deux adolescentes qui ont filé sans demander leur reste dès le premier morceau.
L’occasion d’évoquer les influences, le rapport à Brest, à la géographie, à l’identité, à la mer, au babyfoot, la colère, la science-fiction, Johnny, les bandes-dessinées, l’Eurovision... avec ces très sympathiques garçons flanqués du double patronage des Saints Erwann et Coreff Triple. Qu’ils en soient une nouvelle fois remerciés
J’ai rencontré deux hommes très doux, ouverts, curieux, patients, tolérants, même vis-à-vis de mes remarques parfois déplacées. En totale rupture avec la rage, la violence qui animent leur musique. Bien loin du mépris souverain pourtant annoncé.
Il faut donc bien dissocier l’œuvre de l’artiste !
Les jours suivants, j’ai regardé Brest autrement.
Finalement, Brest, c’est pas si moche que ça.
J’y retournerais bien.
Mais c’est loin, quand même….
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E N T R E T I E N //// E N T R E T I E N //// E N T R E T I E N
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"Entre Starship Troopers et Terminus"
La première question est de Capucine, qui a 12 ans : Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la musique ?
Vincent (LEROY, batterie) : Moi, c’est mon pote de collège, Emile, qui faisait du saxophone à l’école de musique, c’était un petit peu mon héros. C’était mon meilleur pote. Il avait les cheveux longs, tout ça, et puis on est allés au lycée ensemble. On a fait la seconde ensemble, puis il est parti un peu en sucette, donc on s’est séparés, mais j’avais gardé ce truc : je trouvais super chouette de faire de la musique. Il faisait du jazz, il m’a fait découvrir plein de musiques. Parce qu’avant, j’écoutais que de la merde : GOLDMAN, Michèle TORR, des trucs comme ça.
David (VRIGNAUD, guitare) : Ah ouais, quand même ! Ça craint de te parler, en fait !
Vincent : Hé ! J’étais en sixième, cinquième ! Du coup, j’ai trouvé super d’être musicien et je me suis dit : « Tiens, je vais faire de la batterie » et, coup de bol, mon cousin est venu me voir : « On cherche un batteur ». « Bon ben, tu me laisses un an, je me prépare et c’est bon ». Je suis devenu musicien comme ça.
David : Pour moi, je pense que c’est plus le phénomène de mode qui a joué. T’écoutes NIRVANA, SILVERCHAIR et tu es là : « Putain, SILVERCHAIR, ils sont super jeunes et ils peuvent le faire, tiens on va essayer de faire pareil », et du coup j’ai commencé les cours de gratte avec Flo, notre bassiste. On se connaît depuis qu’on est tout petits. C’est un truc de mimétisme. Tu veux faire ta rock star, tu prends le manche à balai, t’es devant ta glace et ta mère t’appelle parce ce que tu dois bouffer, tu l’entends pas, elle ouvre la porte, tu te tapes la honte et tu achètes une vraie guitare après ça !
[On parle ensuite de basse de malade, de LIGHTNING BOLT en concert à La Villette, des limites physiques des organismes soumis à une telle expérience et d’une chouette photo prise du toit d’un bâtiment ayant servi de refuge]
D. : À notre goût, on ne répète pas assez, du fait des situations familiales, du boulot. Là, on n’a pas le choix : on a un concert à La Carène, pour le Festival Invisible [VALSE NOOT joue le 19 novembre à la soirée Boxon, en compagnie, entre autres, de GONTARD et de SISTER IODINE] et c’est super cool. C’est un super festoche, on y a déjà joué une fois, c’était il y a 8 ou 10 ans.
V. : Non ! Ça fait pas dix ans qu’on y a joué !
D. : Je te jure, je suis tombé sur un anniversaire Facebook il n’y a pas longtemps, ben ouais, on est des vieux…
Vous êtes un vieux groupe, en fait !
D. : Ben ouais, mais on fait tout au ralenti ! On répète au ralenti, on compose au ralenti, on cherche des concerts au ralenti.
V. : On arrive à faire des trucs, mais faut être patient !
D. : On n’est pas lents d’esprit, mais les trucs qu’on entreprend mettent du temps à se mettre en place.
V. : La vie à côté fait que bon…
D. : Ha bah oui, on n’est pas des jeunes de vingt ans…
V. : Et pis c’est pas notre métier !
D. : Faudrait qu’on fasse une putain de grande tournée et puis après je pourrai crever tranquille. Je demande pas grand-chose, hein, rien qu’une fois, une tournée de dix jours, faire un bon tour de France, on a un label en Italie, donc peut-être faire une date ou deux en Italie…
V : La Belgique !
D. : Ah ouais, ça serait cool ! Une fois, quoi ! Le chanteur a acheté un camion, en plus ! Plus besoin de location !
V. : Ouais, on est équipés compète, là.
D. : Petit aparté - il faut savoir que Vincent joue dans le meilleur groupe brestois qui existe au monde.
V. : Mouais…
D. : Les BLOUSONS. Meilleur groupe de Brest. Au monde. C’est une espèce de rockabilly moitié noisy avec des paroles un peu cons, mais on touche à quelques vérités.
V. : Ah oui, c’est bien écrit.
D. : Leur dernier tube, c’est Du gasoil plein les yeux. Contrebasse, guitare, batterie, chant et synthés. On sent les fans de Dick RIVERS et de JESUS LIZARD. Moi, je suis un groupie des BLOUSONS.
V. : On est en pause, là. Deux ans avec le Covid. On n’a pas joué depuis deux ans, deux ans et demi.
"Moi, Président de la République, flipper-fléchettes dans tous les bars ! "
Amiel vous demande : C’est qui le plus fort au babyfoot ?
V. : Certainement pas moi, je suis gaucher. Les gauchers ont toujours été, je trouve, complètement oubliés par le monde du baby foot. J’aimerais bien qu’il y ait des babyfoots pour gauchers. Quand j’étais petit, j’étais tout le temps très nul, donc j’ai arrêté le baby très rapidement.
D. : Les absents ont toujours tort, donc je pense que c’est Flo, le bassiste. De nous quatre, c’est lui qui connaît le mieux le monde des bars.
V. : Peut-être que Def [David BOUGARAN, le chanteur-claviériste, NDLR] a taquiné le babyfoot ?
D. : Son côté kéké ?
V. : Ouais, je le vois bien faire des trucs, là, avec les bras à moitié croisés. À aller dans les bars à la sortie du lycée, sur son cyclo, avec sa clope : « Hé, on va se faire un baby, les potes ? ». Moi, je suis nul. Je ne peux jouer que goal, avec juste un bonhomme sur la barre.
D. : Je suis une merde au baby. Je taquine un peu les fléchettes. Enfin… c’est un bien grand mot. J’arrive à toucher la cible. De tous les trucs de bars, ouais, c’est les fléchettes que je préfère de loin.
V. : Le flipper…
D. : Je retire ce que j’ai dit : le flipper, putain ! Grave, au Petit Minou, leur flipper Kiss, là ! [Le P’tit Minou, bar-café concert qui a fonctionné de 2016 à 2018] Flipper- fléchettes dans tous les bars, fuck le babyfoot ! Moi, Président de la République, flipper-fléchettes dans tous les bars ! J’ai un programme !
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Anne vous demande quel est le dernier livre que vous ayez lu, pour avoir une niaque pareille.
D. : Moonriver, la bédé de FabCaro. Je n’avais pas trop aimé ses machins Openbar, ses histoires courtes sur une page, j’étais un peu moins fan, et là j’ai trouvé ça marrant, cette espèce de thriller. C’est une enquête sur une actrice de films pour adultes qui se retrouve avec une bite tracée au marqueur sur la joue, elle est traumatisée et il y a une enquête là-dessus. C’est carrément absurde et vraiment, vraiment drôle. Et j’ai lu un autre truc avant : Underground – Rockers maudits et grandes prêtresse du son, d’Arnaud Le GOUËFFLEC.
Vincent (qui chuchote) : Y’a notre nom marqué dessus !
D. : Ouais ! Je l’ai vu après l’avoir acheté ! Ouah ! Quelle surprise ! Super bien !
V. : Que des biographies de musiciens plus ou moins connus. Il y en a qui sont quand même très connus…
D. : … et qui surtout ont une ligne de conduite bien droite. C’est un gros bouquin et c’est franchement super bien. C’était paru dans La Revue Dessinée avant. Et même toujours en fait. C’est vraiment cool, tu apprends plein de trucs, il y a plein de références, même si tu ne connais pas les mecs, ça donne carrément envie.
[Je consulte le livre en même temps, et c’est vrai que ça fait carrément envie. Je vais l’acheter, tiens ! ]
D. : Donc dans ce livre, Underground - Rockers maudits et grandes prêtresses du son, y'a mal de biographies, de mecs et de nanas, et même de groupes. Les dessins sont top. Dans La Revue Dessinée, le format est petit, là le format est plus grand, les dessins sont balèzes. Et c’est super bien documenté. Et Arnaud LE GOUËFFLEC, c’est celui qui a fait notre euh… biographie…
Parce que vous avez un biographe ?!?
D. : Bien évidemment !
V. : Il nous a fait un petit texte pour la sortie de l’album…
D. : … et c’est lui aussi qui s’occupe du Festival Invisible à Brest. C’est pour ça qu’on est très content d’y retourner, d’y retrouver toute la clique et Arnaud fait du très bon boulot.
V. : Il fait plein de trucs bien : il fait de la musique, il est scénariste de BD…
[Un léger dérapage de ma part s’ensuit sur les noms bretons, cela restera fort heureusement en Off]
Breizh SF
V. : Je lis beaucoup de science-fiction. Là, j’ai lu Shangri-la, c’est une BD du Label 619. J’ai oublié le nom de l’auteur et du dessinateur, c’est celui qui vient de sortir Carbone et Silicium chez 619 [Mathieu BABLET, NDLR]. Et puis j’ai eu un petit accident, je me suis pêté l’épaule et pendant que je glandais à la maison, j’ai lu La Horde du Contrevent d’Alain DAMASIO. J’adore DAMASIO. Je lis surtout la SF en BD, mais j’en ai entendu parler et j’ai trouvé ça super.
D. : C’est SF Blade Runner ou plus sur Black Mirror un peu anticipation ? Ahah ! Question piège !
V. : La Horde du Contrevent, on peut dire que tu es sur une autre planète, à L’Incal ou à la Dune. Les Furtifs, ça se place plus dans un monde actuel. C’est plus anticipation. Je ne l’ai pas encore lu, il faut que je le lise. Mais en fait, je suis un grand fan de comics. Je suis tombé dedans tout petit.
D. : Chez lui, il y en a partout, c’est un truc de dingue !
[En Off, suivra un débat portant sur le comparatif bandes-dessinées/disques et le plaisir qu’ils offrent lors des déménagements. La BD se défend bien, mais le vinyle l’emporte haut la main]
Anne, décidément très portée sur les passerelles entre les arts, vous demande à quel film de SF vous associez votre musique. Quand elle a entendu votre album, en tout cas pour le premier morceau, ça lui a fait penser à des paysages, à des costumes de science-fiction, sans qu’elle puisse être plus précise.
D. : Franchement, j’y connais rien en SF, mais je ne sais pas pourquoi, ça me fait penser à Starship Troopers. Un petit côté chaotique et bourrin, avec un je ne sais quoi de…
V. : Je partirais bien aussi sur un truc un peu baston.
D. : Et puis en même temps, ça ne se prend pas trop au sérieux.
V. : Mais il y a un message derrière quand même.
D. : Ou Total Recall ? Mais ça, c’est parce que je pense aux trois nichons…
V. : Et en film de science-fiction français, qu’est-ce qu’il y a eu ?
D. : La Soupe aux choux ?
V. : Mouais… ou Terminus.
D. : Terminus ?
V. : Je vous conseille de voir Terminus avec Johnny HALLYDAY. Il est dans un bus qui parle. Le bus a une bouche énorme.
D. : C’est quoi ? Une espèce de Christine à la française ?
V. : Nan, c’est une espèce de Mad Max et Johnny est blond platine, avec une espèce de main mécanique. J’avais emmené mes parents le voir au ciné à l’époque, à Noël, juste avant le réveillon, oh mais quelle horreur ! Quelle erreur surtout ! Ouais, Terminus avec Johnny HALLYDAY [Un nanard flamboyant, à découvrir absolument, NDLR] !
D. : Ouais, on est un mélange entre Starship Troopers et Terminus !
"Des copieurs, comme tout le monde"
Les questions sur les références, les influences. Il fallait s’y attendre. Vincent, qui n’écoute presque pas de rock, vous demande si vous aimez dEUS. Il y a retrouvé la même tension. La tension, la violence vont revenir beaucoup au fil des questions.
V. : Je connais dEUS, oui, deux-trois morceaux. Il y avait des trucs assez répétitifs, un violon, un petit truc en plus. Ce que j’ai entendu me plaisait. Mais on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’une influence, ou alors refoulée.
D. : Je connais de nom. Mais en groupes belges, on préfère La JUNGLE ou EXPERIMENTAL TROPIC BLUES BAND, des trucs comme ça.
V. : SOULWAX. Pour l’album, c’est surtout David qui apporte les influences à travers son jeu de guitare. Avec Def.
Def, c’est le chanteur ?
V. : Chanteur-claviériste. Houlà ! Chanteur avec des synthés plutôt, parce que claviériste, ça fait un peu pompeux.
D. : Ouais, il joue avec un seul doigt.
V. : Deux doigts parfois !
D. : Bon, en influence pour cet album-là, il y a eu beaucoup de DAUGHTERS, je suis un gros fan, et à fond un groupe anglais qui s’appelle USA NAILS. C’est super bien, carrément !
V. : USA NAILS, ouais !
D. : C’est des petits fils ou neveux de JESUS LIZARD, en plus punk, un peu plus noisy. Grosse influence avec DAUGHTERS. Et les SWANS aussi, mais on n’a jamais réussi à faire de grandes euh…
V. : … musiques chamaniques…
D. : … ouais, chamaniques et transe comme ils arrivent à faire. Mais SWANS, USA NAILS et DAUGHTERS étaient les trois groupes que j’écoutais à fond au moment de composer cet album et je pense que ça s’entend un petit peu. Je trouve que c’est assez personnel, quand même. On y retrouve la grosse basse noise, mais aussi la guitare qui me tirait des gouttes dans les années 90.
D. : Quand on avait joué avec The DITCH, le groupe de Lyon.
V. : De Saint-Etienne ? Clermont ?
Ouais, vers là-bas, quoi. Saint-Etienne, Lyon, tu ne peux pas dire que c’est la même chose !
D. : Siii !
V. : Ah non ! Alors là, tu te fais taper dessus, t’es fou toi !
D. : On n’ira jamais jouer là-bas, on s’en fout !
Les gens qui vont te lire sont tous de là-bas, t’es malade !
[Hey Nico, grâce à l'internet, les lecteurs du CASBAH WEBZINE proviennent du monde entier ; Point géographique : le webzine a pour base Valence, dans la Drôme, le plus beau département du monde, mais on n'est pas chauvins, NDLR]
D. : Ah ouais, c’est vrai !
V. : Ah non, faut surtout pas dire ça !
D. : Ils sont de la région lyonnaise, ça te va ?
Là, tu vas perdre tout le public de St-Etienne.
D. : On s’en fout. Ils écoutent de la musique à St-Etienne ? The DITCH, c’est le premier groupe à nous dire qu’ils nous trouvaient des influences un peu BÄSTARD. Le type de ZËRO avait fait une interview pour The DRONE et disait qu’il ne fallait pas se leurrer, on est tous des copieurs de tout le monde et lui le disait ouvertement. Nous c’est pareil, de toute façon, tu n’as pas le choix. Il y en a qui inventent, mais ils sont ultra rares. Depuis le blues, c’est que des gens qui ont pompé des trucs et nous on pompe aussi. On est des copieurs, comme tout le monde.
Bruit acide, citronné
De mon point de vue, ce n’est pas l’originalité qui vous caractérise, c’est simplement ce qu’il fallait faire à ce moment-là, c’est entré en résonnance avec ce que j’avais envie d’entendre. J’écoute beaucoup les nouveautés noise machin truc, et souvent ça me fait chier. Quand je vous ai écouté, j’ai tout pris en pleine tronche ! Et c’est un vrai compliment.
D. : C’est gentil ! Comme ils le disent dans Perte et Fracas, la scène rock noise française, elle est bien cadrée, balisée.
Pourtant, DEWAERE, ils sont catégorisés noise rock, comme vous, ils sont de Saint-Brieuc, ce qui de mon point de vue n’est pas très loin de vous, et ce n’est pas la même musique !
D. : Ouais, c’est sûr, mais DEWAERE a quand même une base musicale, ce n’est pas que ça ressemble, ils ont leur identité, ils penchent plus vers METZ, du noise un peu ricain, et c’est la voix qui fait toute la différence. La voix, c’est super bluffant. La première fois que j’ai entendu ça, ouaaah… tu ne t’y attends tellement pas.
V. : C’est un crooner. S’il chantait sur une bande, il ferait un carton. Il avait pas fait ça, à Binic, au camping ?
D. : Si, il avait juste son Iphone branché sur une enceinte et il chantait dessus, de la musique de crooner, des trucs à la SINATRA. Pour revenir à la scène française, je trouve que tous les groupes ressemblent à des trucs genre UNSANE et que nous on est plus bourrins que ça.
Je vous trouve beaucoup plus tranchants, beaucoup moins gras. Beaucoup plus incisifs, plus maigres au niveau de la guitare. Vous avez tué la mélodie, en fait. C’est acide, c’est du jus de citron. Rien à voir avec UNSANE. Eux, c’est du gras de jambon.
D. : C’est justement là que je voulais en venir. Quand je lis NewNoise, les chroniques de disques et que j’écoute les groupes catégorisés noiserock, je vais tomber sur des trucs qui vont ressembler à UNSANE, très lourds, avec cette basse bien caractéristique. Nous, on ne fait pas du metal, ça reste de la noise ou du punk noise, mais rock aussi. Mais ça c’est la faute de DAUGHTERS, ces trucs de guitares. J’aime brancher toutes mes pédales en même temps aussi.
Ça marche, en tout cas !
D. : Ben tant mieux, c’est que j’ai acheté les bonnes !
Puisqu’on est sur les influences, Raph, lui, dit que vous lui faites beaucoup penser à QUICKSAND.
D. : À quoi ? [On écoute quelques secondes de Slip, de QUICKSAND]. Il y a un bon son de basse quand même. Mais je trouve ça trop gentillet. Le chant comme ça, je peux pas !
"Ça casse les oreilles et les burnes, le biniou ! "
Une question de Christelle : Pourquoi n’avez-vous pas de son breton dans votre musique ? Un peu de biniou pour atténuer toutes cette violence…
V. : Ah ah !
D. : Parce qu’on préfère laisser ça à…
V. : … ceux qui savent !
D. : Et aussi parce que ça casse les oreilles et les burnes, le biniou. C’est horrible comme truc.
V. : C’est abominable !
D. : Et pourquoi ne pas boire que du chouchen aussi pendant qu’on y est ?
V. : Dans toutes les musiques dîtes actuelles, tu ne retrouves pas beaucoup les instruments tradi. Quasiment nulle part, même. La musique tradi, en Bretagne est quand même encore assez dynamique, il y a plein de petits groupes, il y a toujours les fest-noz, les concerts, des petits festivals.
D. : Il y a une identité forte quand même. Après, même si on ne va pas en mettre dans notre musique, parce que chacun son truc, je trouve ça plutôt bien. On ne va pas aller non plus aux côtés des indépendantistes, je crois qu’il n’y en a plus beaucoup, mais je trouve bien qu’il y ait des gens qui se cassent le cul pour continuer à faire vivre ça, parce que mine de rien, c’est vachement important.
V. : Il ya une chanteuse, Perryn BLEUNVEN, qui est prof je crois, peut-être même en école Diwan, donc elle est parfaitement bilingue, elle fait de la musique depuis très longtemps, elle est chanteuse, elle chante super bien, elle a joué dans pas mal de groupes de jazz, des trucs comme ça, et là, elle a monté un projet [EMEZI], avec une autre nana, elles font de la pop chantée en breton, mais de la pop comme celle que tu entends, voire même du hip-hop, elles produisent une musique hypermoderne, avec boîte à rythme et samplers.
D. : Ben ouais, c’est bien la culture bretonne, mais…
V. : … c’est pas notre truc, c’est tout.
"À Brest, on est au bout. Au bout du bout"
Et le rapport à la ville de Brest ? Est-ce que ça nourrit votre musique de vivre dans une ville dont le patrimoine est satellisé [Brest a été totalement détruite pendant la Seconde Guerre mondiale], il n’y a plus rien. C’est quand même, sans vouloir être insultant, une des villes les plus laides que je connaisse.
D. : Avec Le Havre, s’il te plaît ! Brest, ouais, Brest… La ville a été reconstruite vite fait, c’est gris, c’est pas ricain, mais ça se voulait ricain, les grandes lignes droites, les rues perpendiculaires, …
V. : Mais il faut être honnête, hein, je vis à la campagne, à côté de Brest.
D. : Et on est tous issus de la campagne, et il n’y a que moi qui vis à Brest. Mais mine de rien, à Brest, il y a tout le temps un endroit où tu vois un bout de mer et c’est super cool. Ça aère. Et pourtant je n’ai pas le pied marin. Brest, c’est pas très grand, et autour il y a la mer. Et la ville ne me semble pas si oppressante que ça. Et Brest c’est assez vivant.
V. : Le truc, c’est qu’on est au bout. Au bout du bout.
D. : En tant que groupe, d’ailleurs, c’est galère. Pour faire des choses, on est obligés de plus se bouger le cul que les groupes des autres villes.
V. : Il y a plus de route à faire, ça c’est clair !
D. : Pour aller ailleurs, tu as direct deux heures et demi de bagnole. Et c’est pareil pour les groupes qui viennent ici. Mais s’y j’y réfléchis bien : le temps, la ville… Je pense qu’on ferait des trucs encore plus bourrins si on habitait dans le Sud de la France, avec ces mecs fans de JUL, qui sont bronzés, des gens de la téléréalité.
V. : Tu serais peut-être comme eux, David, t’en sais rien !
D. : Hein ?!? Je croyais qu’on était potes !
Deux hommes en colère ?
Question de Vincent : La tension de vos morceaux reflète-t-elle une urgence ou une colère ?
V. : Les deux mon capitaine !
D. : Ah carrément ! Ce qu’on voulait faire pour cet album, par rapport aux précédents, on voulait moins faire de branlette, avoir un truc plus direct, plus brut. Def, le chanteur, n’arrêtait pas de dire : « Il faut que ce soit tendu, là c’est pas assez tendu ». C’était vraiment un truc qui le travaillait. J’étais assez OK avec lui.
V. : Peut-être pas une urgence. Mais la colère, ouais.
Colère à propos de quoi ?
V : C’est à propos d’à peu près tout, le monde qui nous entoure. Quand tu vois tout ce qui se prépare, on ne sait pas, bref, les perspectives ne sont pas géniales. C’est désespérant, un peu. La colère, c’est parce que c’est la merde, mais tu ne trouves pas de solution.
D. : Je trouve qu’il y a, dans cet enregistrement, une urgence qu’il n’y avait pas avant, c’est plus speed, c’est plus brut, c’est plus rentre-dedans. Même si on est assez lents à composer, celui-là on l’a plus travaillé tous les quatre et ça a été plus vite qu’avant. Sûrement parce qu’on était d’accord sur où on voulait aller tous les quatre.
Timothée, mon fils, vous pose la question la plus directe à propos de la violence, qui revenait indirectement dans les réactions de mes co-vacanciers : Pourquoi la violence ?
V. : Il n’a pas tort.
D. : Parce que ça fait du bien. Ça va être bateau ce que je vais dire, mais on est tous pas contents, là, c’est sûr, et quand tu fais de la musique bourrin, tu te sens bien, après, ça fait du bien. C’est un peu du sport.
V. : Ça calme de faire de la musique violente. Le fait de jouer vite, de jouer fort, l’aspect technique sur nos instruments, les breaks à la con, le fait de casser le rythme, tu es tendu dans ton jeu, il faut que tu soies concentré, c’est violent, tout ça t’amène, un peu comme le sport, à être épuisé à la fin de la répétition ou du concert et ça fait du bien !
V. : Moi, derrière la batterie, j’ai toujours envie de taper comme un sourd. Il y a ce côté défouloir. Ça permet de canaliser la colère.
D. : Ça fait partie de notre culture aussi. On a tous écouté un peu tous les mêmes groupes de rock quand on était plus jeunes.
V. : Même si j’écoute plein de trucs, de la techno, des trucs calmes, tout ça, quand il s’agit de jouer, depuis toujours, je veux que ça fasse du bruit !
Ma compagne, Julie, vous demande : Et sinon, si vous avez des groupies ?
D. : Oui !
V. : On a un fan sur Facebook, Bi Boune, qui vit en Normandie je crois et ne nous a jamais vus en concert et qui nous demande à chaque fois quand on va passer le voir. Il nous suit depuis le tout début, depuis le premier EP qu’on a sorti.
D. : Grosse dédicace à Bi Boune !
V. : Sinon, on a nos copains, mais comme c’est nos copains, on ne peut pas les compter comme des groupies.
D. : Les groupies, c’est pour le prochain album, on va faire un concept album de glam-rock, on sera tous avec des leggings panthère…
V. : … des chaussures à semelles compensées…
D. : … moi, je vais me laisser pousser les cheveux…
[On en vient ensuite à évoquer Les CORBEAUX, groupe de Quimper, et un groupe noise/post-truc 90’s grenoblois, VIRAGO, au chant francophone]
Raph, qui est très taquin, vous demande si vous êtes prêts à représenter la France à L'Eurovision l’année prochaine.
V. : Carrément !
D. : Carrément ! Par contre, je veux que ce soit Nelson MONTFORT et Philippe CANDELORO qui soient les commentateurs.
V. : Euh… Déjà, si on joue, estime-toi heureux !
D. : Nous, on joue n’importe où, n’importe quand, tant qu’on nous propose ! On ne cherche pas assez et on voudrait qu’on nous propose plus, donc L'Eurovision, ouais. Et ma mère serait fière ! Il ne faut pas oublier Maman !
Et puis Marinette, qui trouve sa question super nulle, elle prépare Sciences-Po, donc elle est habituée aux questions super nulles : Quels projets pour la suite ?
D. : Des concerts. Plein. Ce serait bien. L’Eurovision, évidemment. Une de nos chansons à N’oubliez pas les paroles, l’émission de NAGUI.
V. : J’aimerais bien qu’une de nos chansons soit sur la bande originale du dernier film qui va tout éclater au box office, pour pouvoir me payer des petites vacances, pas éternelles.
D. : Alors moi j’aimerais bien dans un film de Gaspard NOÉ.
D. : Nan nan ! Nan nan ! Gaspard NOÉ, ça gagne pas assez de thunes ! Il faut ramasser de la caillasse !
Messieurs, je vous recadre tout de suite : il s’agit de vos projets, pas de vos rêves !
V. : Ah… Alors des concerts. Rénover ma baraque. Peut-être un autre album.
D. : Ça pourrait être bien de sortir un 45t. entre les deux !
Article et propos recueillis à Brest même
par Nicolas GOUGNOT
(19 novembre 2021)
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VALSE NOOT. Utter contempt (Atypeek Music / Ideal Crash /
Vollmer Industries / Super Apes / French Wine records, Offoron Rex Records, 2021)
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Pour prolonger...
VALSE NOOT : Bandcamp
Les BLOUSONS : Bandcamp
Dans nos archives écrites :
Chroniques Schnouffiennes
Chapitre 2 : Pendant ce temps-là, dans le futur... (15/03/2022)
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Photographies : Nicolas GOUGNOT
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Soleil de Brest