Rise (Teenage Menopause Records / MUSICFEARSATAN) // par Anton Shaefer
« Quant au futur ! Le futur j'ose même pas y penser. Vide est ma vie et pourtant, je n'ai pas choisi tant le présent n'est que néant » : on pourrait croire ces mots chantés par Jessica93, mais ils ont été prononcés par le groupe NTM dans la chanson « J'appuie Sur La Gâchette », parue en 1993. Un bond en arrière de 21 ans qui nous amène à faire deux constats d'une tristesse affolante : premièrement, les titres d'NTM sont toujours autant d'actualité ; et deuxièmement, le public du rap français d'aujourd'hui n'écoute que des artistes en toc. De Kaaris à Jul, en passant par Lacrim : le rap va mal, la jeunesse aussi. Alors, il nous faut trouver d'autres vecteurs, d'autres porte-paroles, capables de produire de grandes chansons esquissant le portrait d'un monde en déclin.
Geoff, l'homme derrière Jessica93, est comme NTM originaire de Seine-Saint-Denis. Comme eux, sa musique raconte quelque chose de notre temps : par sa froideur brute, la musique de Jessica93 constitue un témoignage de notre époque désespérée. En juin 2013 sortait « Who Cares », deuxième album réussi, au carrefour entre la coldwave et le shoegaze, et qui allait alors propulser sur la France un souffle d'air glacial alors que tout le monde s'apprêtait à embrasser l'été. Ce disque, porté par un très bon accueil de la part des médias spécialisés, a créé un engouement aussi inattendu que salvateur autour du projet Jessica93. C'est donc avec beaucoup d'excitation et un peu d'inquiétude que l'on a appris, il y a quelques semaines, qu'un troisième album était prévu pour ce mois-ci. De l'inquiétude pour deux raisons : sortir deux albums dans un laps de temps court pouvaient relever de la précipitation, et surtout est-ce que ce nouvel album allait être aussi bien que le précédent ? Bon, à l'écoute de ce troisième album de Jessica93, ces questions ne sont plus légitimes. Le disque ne s'embarrasse pas de préliminaires et s'ouvre sur trois titres aussi géniaux que directs : « Now », « Asylum » et « Karmic Debt ». Et de suite, on constate que « Rise » s'inscrit dans la lignée de « Who Cares », par ses rythmes hypnotiques et cette mélancolie toute en tension. Composé de sept titres, cet album, d'une cohérence folle, est autant plombé que les précédents, mais peut-être plus profond. Les chansons transpirent le désir et l'absence, la fatigue et le chaos. « Rise », qui sort chez les labels indépendants Teenage Menopause Records et Music Fear Satan, est porté par des mélodies aussi efficaces qu'épiques, qui en font un album avec un énorme potentiel fédérateur.
Le meilleur titre de l'album, « Surmatants », surprend par sa basse menaçante : on quitte un instant la mélancolie de la coldwave pour retrouver une posture agressive, la tête haute et la guitare comme une lame bien trop affûtée pour ne pas être utilisée. Pendant pas loin de huit minutes, cette chanson sonne comme si la Faucheuse ou cet impensable que l'on nomme Dieu se tenait devant nous, nous rappelant alors que la mort est aussi simple et naturelle qu'une danse. Le résultat se révèle être proche de ce que pourrait donner un threesome entre The Cure, Godflesh et Marilyn Manson : complètement soufflant. Et puis, il y a cette magnifique pochette : une photo de tournée sur laquelle figure Goeff posant en compagnie de Nafi (Noir Boy George, Scorpion Violente, Le Chômage) devant une Citroën Visa jaune. L'image n'a rien de bien glamour, mais son intérêt réside dans le fait qu'elle est en totale opposition avec l'esthétique portée aujourd'hui par le mainstream : cette représentation à vomir du gagnant, performant et fun. Alors, bien sûr, il y aura toujours quelques pisse-froid pour dire que Jessica93 n'apporte rien de bien original, que d'autres ont fait ça avant lui et peut-être mieux... Certes, mais à trop célébrer le passé en mettant sur un piédestal des groupes aujourd'hui cultes, on oublie parfois de s'enthousiasmer pour des trucs plus actuels, ici et maintenant.
A l'instar du très bon « Benidorm Dream » de Koudlam, Jessica93 sort avec « Rise » un album majeur, excessivement ancré dans notre société actuelle. Ce disque nous renvoie à nos villes sombres, froides, propices au vice. Dehors, le monde crève à petit feu : nous observons chaque jour le risque de guerre devenir de plus en plus important, la misère croître, le découragement s'installer un peu plus tous les jours dans les consciences. Le repli sur soi, la haine, la colère et la vengeance sont autant d'indicateurs d'une société qui va mal. Et il est nécessaire que des disques puissent mettre en musique la crise qui traverse actuellement notre époque. Face à la morgue et la médiocrité de ceux qui investissent la politique, il est important d'y opposer les figures rebelles d'artistes comme Jessica93 : l'album « Rise », par son esthétique et ses mélodies, insuffle du mouvement à la raideur du cadavre de notre monde.
Geoff, l'homme derrière Jessica93, est comme NTM originaire de Seine-Saint-Denis. Comme eux, sa musique raconte quelque chose de notre temps : par sa froideur brute, la musique de Jessica93 constitue un témoignage de notre époque désespérée. En juin 2013 sortait « Who Cares », deuxième album réussi, au carrefour entre la coldwave et le shoegaze, et qui allait alors propulser sur la France un souffle d'air glacial alors que tout le monde s'apprêtait à embrasser l'été. Ce disque, porté par un très bon accueil de la part des médias spécialisés, a créé un engouement aussi inattendu que salvateur autour du projet Jessica93. C'est donc avec beaucoup d'excitation et un peu d'inquiétude que l'on a appris, il y a quelques semaines, qu'un troisième album était prévu pour ce mois-ci. De l'inquiétude pour deux raisons : sortir deux albums dans un laps de temps court pouvaient relever de la précipitation, et surtout est-ce que ce nouvel album allait être aussi bien que le précédent ? Bon, à l'écoute de ce troisième album de Jessica93, ces questions ne sont plus légitimes. Le disque ne s'embarrasse pas de préliminaires et s'ouvre sur trois titres aussi géniaux que directs : « Now », « Asylum » et « Karmic Debt ». Et de suite, on constate que « Rise » s'inscrit dans la lignée de « Who Cares », par ses rythmes hypnotiques et cette mélancolie toute en tension. Composé de sept titres, cet album, d'une cohérence folle, est autant plombé que les précédents, mais peut-être plus profond. Les chansons transpirent le désir et l'absence, la fatigue et le chaos. « Rise », qui sort chez les labels indépendants Teenage Menopause Records et Music Fear Satan, est porté par des mélodies aussi efficaces qu'épiques, qui en font un album avec un énorme potentiel fédérateur.
Le meilleur titre de l'album, « Surmatants », surprend par sa basse menaçante : on quitte un instant la mélancolie de la coldwave pour retrouver une posture agressive, la tête haute et la guitare comme une lame bien trop affûtée pour ne pas être utilisée. Pendant pas loin de huit minutes, cette chanson sonne comme si la Faucheuse ou cet impensable que l'on nomme Dieu se tenait devant nous, nous rappelant alors que la mort est aussi simple et naturelle qu'une danse. Le résultat se révèle être proche de ce que pourrait donner un threesome entre The Cure, Godflesh et Marilyn Manson : complètement soufflant. Et puis, il y a cette magnifique pochette : une photo de tournée sur laquelle figure Goeff posant en compagnie de Nafi (Noir Boy George, Scorpion Violente, Le Chômage) devant une Citroën Visa jaune. L'image n'a rien de bien glamour, mais son intérêt réside dans le fait qu'elle est en totale opposition avec l'esthétique portée aujourd'hui par le mainstream : cette représentation à vomir du gagnant, performant et fun. Alors, bien sûr, il y aura toujours quelques pisse-froid pour dire que Jessica93 n'apporte rien de bien original, que d'autres ont fait ça avant lui et peut-être mieux... Certes, mais à trop célébrer le passé en mettant sur un piédestal des groupes aujourd'hui cultes, on oublie parfois de s'enthousiasmer pour des trucs plus actuels, ici et maintenant.
A l'instar du très bon « Benidorm Dream » de Koudlam, Jessica93 sort avec « Rise » un album majeur, excessivement ancré dans notre société actuelle. Ce disque nous renvoie à nos villes sombres, froides, propices au vice. Dehors, le monde crève à petit feu : nous observons chaque jour le risque de guerre devenir de plus en plus important, la misère croître, le découragement s'installer un peu plus tous les jours dans les consciences. Le repli sur soi, la haine, la colère et la vengeance sont autant d'indicateurs d'une société qui va mal. Et il est nécessaire que des disques puissent mettre en musique la crise qui traverse actuellement notre époque. Face à la morgue et la médiocrité de ceux qui investissent la politique, il est important d'y opposer les figures rebelles d'artistes comme Jessica93 : l'album « Rise », par son esthétique et ses mélodies, insuffle du mouvement à la raideur du cadavre de notre monde.