JEFFREY LEWIS & LOS BOLTS

Manhattan (Rough Trade Records 2015) // par Marlene Tissot
Les voyages immobiles, c’est fabuleux. Ça te dépayse pour pas un rond. Essaie, tu verras. Installe-toi, prends ton temps. Personne ne te dira rien, le grand clinquant effréné des festivités est enfin terminé. Les guirlandes et les cotillons sont remballés, on peut oublier la course au cadeau parfait, le grand déballage de boustifaille, les tenues engoncées, les sourires forcés de tatie Georgette, la big fiesta presque imposée du jour de l’an. Tout ça, c’est derrière nous. Viens, on s’évade !

Je t’emmène aux States. Pas besoin de valise, c’est du voyage sonore – première classe, tout confort. Affale-toi sur le sofa, ferme les yeux, gratte là où ça gratte, oublie la vaisselle et laisse-toi caresser le tympan. Direction Manhattan, septième album du New-Yorkais Jeffrey Lewis accompagné ici de Los Bolts. Première escale en douceur, ambiance Velvet Underground avec « Scowling crackhead Ian ». Mais le voyage te réserve des bien des surprises, tu vas voir.

Onze titres et trois quart d’heure entre les mains d’un conteur, c’est mieux que le spa, je t’assure. Faut dire, le gars Jeffrey, il sait s’y prendre avec les histoires, c’est pas pour rien qu’en plus d’être ce song-writer étonnant sur lequel aucune étiquette le colle, il est aussi auteur-illustrateur de comics âpres et vitaminés.

Donc, je te parlais de Manhattan. Un album résolument inclassable, un mélange délicieusement foutraque et pourtant sacrément bien ficelé. On y entre en douceur, on se laisse porter par les deux premiers titres façon ballades et là, bim ! « Sad Screaming Old Man » te tombe sur le paletot, bien énervé avec son phrasé scandé. Et re-bim ! « Back to Manhattan » vient calmer le jeu avec un son feutré et des percus aux balais. Je t’avais prévenu, c’est plein de surprises ! On rencontre la voix de Caitlin Gray (la bassiste) sur « Avenue A, Shangai, Hollywood », puis on claque dans les mains sur le funky-punky « Outta town », on se marre sur « Support tour » (si on pige un peu l’english), on se secoue sur le rapesque « Have a baby » avant de finir le voyage à dos de « Pigeon », avec un spoken word posé sur une ambiance jazzy. Si avec ça t’es pas requinqué, n’hésite pas à presser sur replay.

Il y en a qui ne jurent que par les cures de détox, mais un conseil : oublie le jus de citron, si tu as envie de te clarifier les humeurs maussades, va visiter Manhattan avec Jeffrey Lewis & los Bolts ! Et s’il te prend malgré tout l’idée saugrenue de lister tes bonnes résolutions (qui finiront comme chaque année au fond du tiroir à chaussettes), ressers-toi une bonne rasade musicale (sans glaçon, c’est pas le moment de prendre froid). Allez, meilleurs vœux, hein ! (et surtout la santé).