JE T'AIME, moi non plus

Chronique (2022)
          Notre chroniqueur Suisse aime le groupe français JE T'AIME qui aime The CURE. Avant de rentrer dans la canicule estivale, un peu de froideur fera du bien à tout le monde...
 
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          D’une manière générale, un critique musical cherche très souvent la fraîcheur, la nouveauté, le son pas encore entendu, détonant, il espère trouver la pépite, la rareté, le futur, voire être le découvreur du groupe de demain. Et, à défaut d’être très réaliste, cela stimule au moins son imaginaire et sa soif de découvertes. Mais comme tout humain normalement constitué (et le critique musical en est un d’humain, les AI peuvent aller se rhabiller), il apprécie aussi les lieux communs, les sons connus et chéris, les « madeleines de Proust » ou autres résidus persévérants des temps anciens de son enfance qu’il refuse de perdre comme autant de moments de bonheur inaliénables. Ainsi va la vie ! On a tous nos péchés mignons.
Aussi, lorsque, par hasard, au détour d’une écoute Bandcampienne d’usage recyclage, nous sommes tombés tout en douceur et surprise sur les Parisiens de JE T’AIME (nom évocateur s’il en est ! ), pour sûr, on était bien Du côté de chez Swan. La machine à remonter le temps était entrée en action et nous avait propulsés plus de trente ans en arrière, mazette. Fzzzzzip ! Le ventre avait fondu, les cheveux avaient repoussé, les verres à voir avaient disparu, on était jeune et presque beau. Formidable ! Et quand bien même le groupe avait revendiqué une recherche estivale 2019 assidue en quête de nouveaux sons, qui s’était traduite par un premier LP, Je t’aime, un « poponyme » (gare à bingO ! ) mélange de nu-Wave et d’électro, nous, on était entré, avec ce second album du nom de Passive, dans la plus pure et absolue New Wave des années 1980. Quel bonheur ! (pour celles et ceux qui aiment la New Wave, cela va de soi !)
 
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Nos nouveaux amis de JE T’AIME, parce que bien sûr, dans ce cas-là, on se transpose immédiatement en fan(à tiques), aux cheveux hirsutes et noir de poussière gothique des volcans infernaux, nos nouveaux amis, disais-je, nous étant devenus cher, on se dit pourquoi pas, après tout, une petite critique d’amour pour le bonheur de dire et qui sait ? Malheureusement, la quête d’informations pour en savoir plus sur ces créateurs terrestres d’un autre loops de temps se heurta rapidement au presque vide de la Toile. Quelques éléments éparses sur le site officiel du groupe nous apprirent cependant que dBOY programme les machines, joue du synthé, de la guitare, de la basse et chante, alors que CRAZY Z, fait de même, mais ne chante pas ; et TALL BASTARD se cantonne, lui, à la guitare et à la basse. Plus encore, le trio sans batteur explique qu’après un bon accueil de leur premier single The sound in spring par le public, ils ont décidé de traverser La Manche, en quête de sources, de roots et peut-être de bière, pour finalement aboutir, en 2019, à un « son hybride Post-Punk Cold Wave, rappelant la grande époque de la Mancunian Factory et imprégné de relents des Smiths ». Oublié les SMITHS avec un « s », le webmaster du groupe a confondu MORRISSEY avec Robert le chevelu !
 
Nous, fin connoisseur, on sourit alors un peu, car niveau son, nos Frenchies n’apportent pas grand-chose de nouveau au final, ce que confirme très largement, le second album du groupe, Passive, sorti en février 2022 chez Manic Depression Records et Icy Cold Records, du moins la première partie du double album initialement prévu, car la seconde se fait attendre. Sortira-t-elle ? Sortira-t-elle pas ? On sait pas et on s’en fiche. La première partie est parfaite pour les oreilles nostalgiques. Aussi, pour faire simple, on pourrait dire sans hésiter que JE T’AIME, ce sont les descendants directs et légitimes du couple britano-turc The CURE – SHE PAST AWAY. On aurait pu prendre les SISTERS OF MERCY, mais on aurait fini par croire qu’on ne connaît que ce groupe, alors... Peu importe ! La voix du chanteur dBOY résonne férocement comme celle de Robert SMITH (le chevelu mentionné plus haut), chantre emblématique et pilier du groupe de Crawley, fondée en 1978, en particulier telle qu’on l’entend dans les premiers albums post-punk de The CURE, Seventeenth seconds (1980, et son célèbre single A forest) ou Pornography (1982). Quoi que héritée de SHE PAST AWAY, comme sur le single Durdu Dünya ou Ritüel, plus caverneuse que celle de SMITH, la voix de dBOY est profonde et plaintive, mais cependant limpide et claire. Or, l’héritage thecurien, qui trahit le plus la filiation directe, c’est surtout la guitare basse mélodique, piquée sur le modèle du jeu de Simon GALLUP, de The CURE, et le son des guitares si typique de Robert SMITH. Il suffit d’écouter Marble heroes de JE T’AIME pour s’en convaincre : un mix parfait entre Love song et Pictures of you, tous deux tirés de l’album Disintegration (1989).
Pour le reste, qu’en est-il des paroles ? Les femmes, les femmes, les femmes, bonnes, belles, cruelles, viles ou faciles, un beau garçon aussi, et l’amour impossible d’Elle qui aime sans aimer ou n’aime pas tout en aimant (Dirty tricks, Cold, Give me more kohl, On the phone), la solitude encore (Lonely days, Stupid songs) ou enfin l’échec d’une vie, d’une relation, de la quête ultime (Unleashed, Cold, Blood on fire, Marble heroes). Du Dark-New Wave, et un chouilla de Gothique pour sûr, de la mort, de la souffrance, des araignées et des maîtresses payantes ou libérées dans des châteaux pas toujours hantés, mais avec des cachots de souffrances sadiques… Quoi qu’il en soit, quel que soit le morceaux, JE T’AIME nous entraîne dans les méandres du Styx, dans les cercles dantesques de l’enfer amoureux et d’une vie qui s’égare, ne sait plus où aller, s’achève presque.
 
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On notera encore un élément supplémentaire d’excellence chez ces Parisiens un tantinet lazzy que je te sors un album tous les 3 ans et encore incomplet : trois vidéo-clips efficaces et simplement beaux, tel le très léché Another day in hell, une triple déambulation Black & White dans les rues de Paris totalement désertes en temps de restrictions covidiennes. Qu’il est bon parfois d’enfreindre la loi pour créer ! Avec Give me more kohl, on replonge dans les années 1970-1980, entre Punk et New Wave, dans les boîtes de nuit de l’Hexagone. Nostalgie, nostalgie quand tu nous tiens… Enfin, Stupid songs reprend les codes actuels du vidéo-clip, plongeant dans les bas-fonds des quartiers chauds de la Capitale, le tout en version karaoké, pour toutes celles et ceux qui souhaitent apprendre l’anglais, autant en profiter !

En conclusion, JE T’AIME n’apporte rien de nouveau sous le soleil, ok, c’est dit ! Mais au moins, il nous replonge dans le bonheur des années rebelles de notre jeunesse (désolé pour la nouvelle génération qui est en train de la vivre cette jeunesse ! ) et ce, pour le meilleur, car au final, le bonheur de l’écoute est là et n’est-ce pas là ce qui compte ?


 

Grototoro

(Genève, 10 juin 2022)

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JE T'AIME. Passive (Icy Cold Records / Manic Depression Records, 2022)
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Pour prolonger...

JE T'AIME : site web officiel
JE T'AIME : Bandcamp

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Photographies : DR / Bandcamp / Je T'aime
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