
Adidas Arena (Paris) - 13 juillet 2025
La veille de la fête nationale 2025, Neil YOUNG était à Paris pour un concert évènementiel. Tout d'abord parce qu'il n'avait plus mis les pieds en France depuis presque dix ans, mais aussi parce que cette date parisienne, dernière sur le calendrier de l'Eurotour, était la seule à avoir lieu en intérieur. On passera sur le choix assez incongru de l'Adidas Arena pour accueillir le canadien en mettant quand même au crédit de cette salle une taille plus réduite que Bercy et une acoustique bien moins catastrophique que pressenti.
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Après une attente qui aura semblé interminable à cause de l'annulation (non annoncée) de la première partie du duo de “gentlemen fermiers” (sic) INSPECTOR CLOUZO et surtout d'une double programmation musicale dans la salle particulièrement pénible pour les oreilles et nos nerfs, on finit enfin par comprendre que les roadies sont en train de préparer le terrain pour le Loner et sa troupe de CHROME HEARTS. Malgré ce nouveau patronyme, YOUNG se retrouve néanmoins en terrain connu avec son backing band, puisqu'on y retrouve une version réduite de PROMISE OF THE REAL, le groupe mené par Micah NELSON (fils de Willie) et qui accompagne régulièrement tonton Neil depuis la mise en retraite progressive de son CRAZY HORSE. Le tout agrémentée par la présence du clavier Spooner OLDHAM dont les débuts de sa relation avec YOUNG datent d'il y a quarante ans (oh bordel !).
Fin de tournée oblige, Neil YOUNG n'a plus d'exemplaire propre de son traditionnel t-shirt estampillé “Earth” qu'il aura donc remplacé par un autre t-shirt noir où apparaît l'inscription “Los artists”. On est juste soulagé pour lui qu'il n'ait pas eu besoin de passer par un de ses stands de merchandising proposant des t-shirts à 45 euros l'unité. Mais je m'égare...
Neil YOUNG déboule donc armé de sa guitare acoustique sous les acclamations d'une salle où il y a peu de places vides à recenser (quelques 9 000 spectateurs tout de même !). Sans temps mort, un premier coup de massue d'entrée : Neil YOUNG démarre avec un Ambulance blues très peu courant sur scène. Les CHROME HEARTS n'en mènent pas large et accompagnent le patron avec beaucoup de révérence, c'est à peine si Micah NELSON s'autorise quelques petits leads discrets. C'est toujours mieux que Spooner OLDHAM qui traversera ce concert comme un gentil fantôme fonctionnant sur un service plus que minimum. Il faut dire que celui-ci, avec ses 82 ans, en a quand même trois de plus que Neil YOUNG !
Une fois s'être époumoné avec brio dans son harmonica et avoir conclu de façon magistrale le fabuleux morceau de clôture d' On the beach, Neil YOUNG saisit sa mythique Les Paul noire et égrène quelques harmoniques distordues. C'est suffisant pour que les fans anticipent sur un Cowgirl in the sand d'anthologie. Étiré sur plus de dix minutes (un strict minimum pour un morceau de cette trempe), la chanson n'a pas pris une ride et les solos de YOUNG sont toujours aussi déchirants et inspirés. Évidemment, on ne peut dire la même chose de sa voix : même si celle-ci tient remarquablement le poids des ans, impossible pour lui d'aller chercher les mêmes notes que sur la version studio... ce qui est assez amusant quand il clame “Old enough now to sing your name”. Quoi qu'il en soit, le temps suspend à nouveau son envol pendant que le canadien se contorsionne pour sortir des solos toujours plus stridents. Sans se quitter d'une semelle, NELSON et le bassiste Corey McCORMICK n'en perdent pas une miette, et leur joie non dissimulée de se retrouver aussi près de la légende fait plaisir à voir. Pendant ce temps, le batteur Anthony LOGERFO joue sans fioritures dans un style pas si éloigné de celui de Ralph MOLINA. Ce sera bien là le seul point commun entre les CHROME HEARTS et le CRAZY HORSE (initiales identiques mises à part) : là où la monture folle de Neil YOUNG brillait par son groove laidback, les CHROME HEARTS se montrent beaucoup plus précis et affutés.
Il faudra attendre le troisième morceau pour entendre une chanson postérieure à l'année de naissance de Micah NELSON (1990) avec un Be the rain tiré du peu populaire mais pourtant valable concept album Greendale, sorti en 2004. Ce sera d'ailleurs le seul morceau de la setlist avec une version assez balourde et interminable de Sun green (issu du même album) à dater d'après l'an 2000. Dit autrement, le quatuor n'aura donc défendu aucun des morceaux de son récent Talkin' to the trees, ce qui n'aura probablement pas ému grand monde dans l'assistance...
Si le set prendra rapidement des allures de best of, obligatoirement partiel (il en aurait fallu des heures pour contenter tout le monde), le concert nous réservera quand même quelques agréables surprises à l'image de l'inclusion dans la première partie électrique du set de When you dance I can really love et un Southern man lui aussi assez rare sur scène. Ajouté à cela les indémodables Cinnamon girl et un pétaradant Fuckin' up et on n'aura pas eu le temps de s'ennuyer une seule seconde. Il faut dire que Neil YOUNG est toujours aussi peu disert entre les morceaux (il ira quand même jusqu'à nous demander plusieurs fois si tout se passe bien) et préfère laisser sa guitare parler pour lui.
Autant être honnête, on s'attendait à ce que le set acoustique plombe un peu l'ambiance, ou du moins qu'il fasse retomber le soufflé. Ces craintes seront rapidement balayés dès un The needle and the damage done qui donne des frissons. Seul sur scène et assis sur un ampli près de la batterie, Neil YOUNG chante directement le morceau dans son harmonica. On a beau l'avoir entendu lui aussi des centaines de fois, l'effet est pourtant garanti. Revenus sur la pointe des pieds, les CHROME HEARTS accompagnent avec brio un YOUNG radieux sur l'indémodable Harvest moon, avant qu'il nous offre à nouveau deux chansons rares : un Daddy went walkin' qu'il avait composé en hommage à son père Scott puis un Looking forward plutôt agréable, tiré de l'album du même nom de 1999 sorti avec ses compagnons CROSBY, STILLS et NASH.
C'est déjà l'heure de remettre les doigts dans la prise, même si la pauvre Sun green se prend allègrement les pieds dans le tapis, s’accommodant assez mal de la seule guitare de Neil YOUNG, Micah NELSON étant parti prêter main forte au clavier à un Spooner OLDHAM dont on se demande s'il n'est pas en train de vivre ses tous derniers instants sur cette terre. On s'amuse de ce fossé générationnel, encore plus savoureux quand on se dit qu'il n'est pas impossible qu' Uncle Neil ait fait sauter le petit Micah sur ses genoux lors d'une soirée passée avec son père Willie... Pas de chance, le morceau dure des plombes et l'amusant "Hey Mr Clean, you're dirty now too” finit par perdre de son charme quand répété pour la cinquantième fois. On tue le temps en s'amusant de ce porte voix installé sur une structure rotative, comme pour bien arroser toute la foule. Et puis on s'intéresse aux pieds de micro aussi étranges que futuristes qui évoquent de drôles de tentacules. Et puis... ah non, le morceau n'est toujours pas fini. Bon les CHROME HEARTS semblent prendre leur pied, c'est toujours ça de pris.
Nouvelle déception (beaucoup plus relative) quand Love to burn prend enfin le relai alors que c'est l'épique Love and only love (lui aussi tiré du jouissif Ragged glory) qui occupait sa place en début de tournée. On ne se plaindra pas trop, surtout que Micah NELSON est parti retrouver sa guitare. La suite ne souffrira quant à elle d'aucune contestation possible. On aperçoit le fameux orgue oiseau entamer sa descente du ciel (ou du moins du sommet de l'Adidas Arena) ce qui signale inévitablement le grand Like a hurricane, qui se passera cette fois-ci très bien de l'absence de seconde guitare, merci pour lui. Micah NELSON semble devoir utiliser toute sa force pour pouvoir faire aller et venir l'orgue massif, comme s'il voulait qu'il prenne son envol vers une foule en délire, subjuguée par les solos toujours aussi agressifs du Loner. On réalise que le morceau va bientôt fêter sa cinquième décennie et que c'est peut être bien la dernière fois qu'on l'entend sur scène... Une pensée renforcée quand résonnent les premiers accords d' Old man en fin de set. Le public, lui, n'en a cure : il rugit de plaisir et chante à l'unisson. C'est dur à croire, mais on entend là un morceau qui n'avait plus été joué sur scène depuis au moins cinq ans.
Et voilà, c'est déjà l'heure de faire nos (premiers) adieux à Neil YOUNG et son groupe, qui n'a pas démérité. Mieux, sa complémentarité et sa joie d'être là nous aura particulièrement touché, confirmant que le Loner sait toujours bien s'entourer. On remarque d'ailleurs qu'Anthony LOGERFO est passablement ému et pas très loin des larmes au moment de saluer le public façon troupe de théâtre. Une fois disparus, on se prend à rêver très grand : la première partie n'a pas eu lieu, le concert a donc commencé plus tôt, c'est la dernière date de la tournée européenne... Et si le rappel dépassait sa capacité maximale de deux chansons ?
Et bien non, ça sera peine perdue. La bonne nouvelle est qu'on échappera au sempiternel Rockin' in the free world, tout comme on a très bien vécu le fait de ne pas entendre Heart of gold. C'est donc à Hey hey my my (into the black) que reviendra l'honneur de clôturer le concert. Et quelle façon de nous dire au revoir ! Complètement survolté, Neil YOUNG mène son groupe dans une version dantesque prête à faire exploser le compteur de décibels et qui le verra terminer le morceau en arrachant les cordes de sa guitare une par une. Évidemment, c'est beaucoup plus compliqué de revenir jouer par la suite... Mais c'est le cœur léger qu'on ressort de l'Adidas Arena (alors qu'il n'est même pas 22 heures ! ) conscient d'avoir assisté à la prestation magistrale d'une des toutes dernières légendes du rock, capable de finir une tournée par un concert de deux heures à quatre-vingt balais. Comme le chantait Bob DYLAN "May you stay... forever YOUNG ! ".
Éric F.
(19 septembre 2025)XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
Pour prolonger...
Neil YOUNG : Hé Hé Mon Mon !
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Photographies : Éric F.
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