HANEKE TWINS // Post-punk 3.0

Interview (2022)
                    Notre correspondant genevois a rencontré l'une des formations les plus intéressantes du moment chez nos voisins helvètes : HANEKE TWINS. Puisse l'entretien longue durée avec Stefanos LEONTSINIS et Paschalis VICHOUDIS​​​​​,​​ les deux fondateurs du groupe, permettre aux lectrices et lecteurs de notre publication de comprendre que le post-punk 3.0 ne se cantonne pas seulement au Royaume-Uni.


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         J’ai découvert les HANEKE TWINS à l’occasion de la mise en ligne de leur nouveau EP sur le site MX3 en décembre 2021. Séduit par le son et la voix du chanteur, tout autant que par les compositions, je suis allé les voir en concert fin mars 2022, afin de voir ce que cela pouvait rendre sur scène. Après une brève rencontre, une interview fut agendée pour la semaine suivante. Le courant passant extrêmement bien, elle a duré plus de deux heures (sans oublier 1H sup pour l’apéro), dans un mélange ping-pong français - anglais spontané. En voici les morceaux de choix.

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E N T R E T I E N     ////     E N T R E T I E N     ////     E N T R E T I E N 
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Is this The end ?

Une question BABA en préambule... Les HANEKE TWINS : qui, quand, où, pourquoi, comment ? (une minute max pour répondre ! )

Stefanos LEONTSINIS : Avec Paschalis, on travaille ensemble et on a joué dans des groupes de reprises. Et puis, à un certain moment, on s’est dit : « faut qu’on écrive nos propres chansons ! ». On a alors composé cinq morceaux. On a sauté dans l’avion, jusqu’à Athènes pour y enregistrer notre premier EP. Ça nous a beaucoup plu et on a donc continué. À ce jour, on a à notre actif le mini album Astronaut (The Animal Farm, 2021) et un EP 5 titres, Haneke Twins (autoproduction, 2018). Dans deux mois [l'entretien a été réalisé le 09 avril 2022, NDLR], on va enregistrer notre premier LP. Pour le reste, on a joué dans trois pays jusque-là. C’est donc plus qu’une passion pour nous, même si on est des physiciens ou des électroniciens au départ !
Paschalis VICHOUDIS : Le nom du groupe est un hommage au réalisateur autrichien Michael HANEKE, et plus spécifiquement à son film antifasciste Le ruban blanc (2009). C’est un film de suspens étonnant, sans bande originale. Ce qui n’est pas très courant. D’habitude, il y a toujours de la musique pour ajouter un peu de tension. Aussi, pour faire simple, on peut dire que tout est parti de ce film. Il a cette atmosphère antique, ce côté sombre qui correspond vraiment à notre style. Et puis, il y a des jumeaux (« Twins » en anglais) qui ont un rôle essentiel et très subtil dans tout le film. Je me souviens que nous volions en direction d’Athènes, nous discutions au sujet du titre du EP. On est finalement arrivé au nom de HANEKE TWINS, qui permettait une comparaison avec ce réalisateur dont nous partagions les mêmes points de vue. Et puis, un jour, peut-être qu'on écrira une soundtrack !

On peut dire que vous êtes les deux leaders – fondateurs du groupe. Comment composez-vous les morceaux, aussi bien musicalement que textuellement ?

SL : Je vis à Zurich et Paschalis est basé ici, à Genève. Quand je viens pour y travailler, on rassemble les morceaux et on les joue avec le reste du groupe.
PV : D’un côté plus technique, on n’enregistre pas de musique lors de nos échanges d'idées. On écrit la musique (la partition) sur ordinateur en utilisant un système MIDI. Du coup, c’est une musique synthétique. Les idées sont échangées comme ça. Après, lorsqu’on a atteint une sorte d’accord, ça devient une chanson. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’on la joue. On la transmet aux autres membres du groupe et alors seulement, on peut répéter. Donc, c’est très... comment je peux dire ça... ce n’est pas très habituel comme approche pour un groupe de musique. Les groupes, d’habitude, se rencontrent et échangent des idées en personne, en vrai. Ce n’est pas ce que nous faisons. Par contre, pour le reste, tout suit le process standard.
SL : Si je résume, en gros : un riff, une idée, une expansion, puis les voix ajoutées dessus. Écoutes, re-écoutes puis intégration de tous les changements dans les instruments MIDI. Ensuite, pour le groupe, cela signifie nouvelles vérifications. Après avoir finalisé tous les changements, on envoie le morceau à notre producteur qui dit alors « hum ! changez ceci, un petit peu plus de cela... », et enfin, on a le morceau final... ou presque. En fait, le plus intéressant pour moi, c’est que les morceaux sont en évolution constante. Une fois qu’on a enregistré les morceaux, on les joue encore et encore et encore, si bien qu’à la fin on ajoute plein de trucs. Donc, si vous venez nous voir jouer sur scène, les morceaux ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux des versions enregistrées.

Vous travaillez tous les deux au CERN (organisation européenne pour la recherche nucléaire, à Genève). D’une manière directe ou indirecte, la recherche scientifique (pure, de pointe) a-t-elle un impact sur votre musique ? 

SL : Pour sûr, oui, parce que nos vies sont directement influencées par ce qu’on fait et notre travail au CERN. Moi, je travaille sur une des expériences qui a pour nom CMS et je développe des détecteurs, plus spécifiquement des capteurs de silicium qui sont très très fragiles et très très... au cœur du détecteur, pour, disons, l’analyse physique. Je travaille avec des particules élémentaires et spécifiquement des mesures vectorielles et des trucs comme ça, mais je ne vais pas entrer plus en détail sur les noms des particules (rires).
PV : Donc Stefanos fait essentiellement de la physique et moi, je suis ingénieur en électronique. Mon travail consiste à aider les physiciens à développer les outils dont ils ont besoin. On obtient des spécifications sur le type de processus, le type d’expérience qu’ils veulent faire et on essaie d’implémenter les dispositifs typiques des systèmes électronique qui collectent des informations afin de les transmettre ensuite pour analyse aux physiciens. Donc, en termes simples, je conçois des systèmes électroniques pour acquisition de données !

Bien que votre label (The Animal Farm) soit basé à Londres, à ce jour, vous avez enregistré vos disques à Athènes, au Dudu Loft Studio. Vos origines grecques ont-elles contribué au choix du studio ?

PV : Tout d’abord le Dudu Loft Studio à Athènes, c’est celui de notre producteur Costas VERIGAS, qui est un très bon ami et un musicien très talentueux. Il joue dans un groupe de post-rock qui s’appelle AFFORMANCE. La première fois, on est allé là parce que c’était plus facile pour lui, puisque basé là-bas. Et puis, étant tous deux Grecs, ce n’était pas un problème pour nous de voyager, de voir aussi la famille. Pour le mini album, on a enregistré au même endroit, car on était très content du EP initial, donc il n’y avait pas de raisons de changer de studio. De plus, on avait aussi un concert à Athènes à la même période, donc on a combiné les deux... Par contre, le nouveau disque sera enregistré à Genève.

Sur le plan musical, vous vous définissez comme « alt-rock / post-punk » et plus encore. Je vous cite : « nos chansons vous transportent dans les clubs underground du Royaume-Uni ». Qu’est-ce à dire ? Quelles sont vos influences musicales ?

SL : PORCUPINE TREE, A PERFECT CIRCLE, ce genre de groupes progressifs. Paschalis est plus... JOY DIVISION, BAUHAUS, très post-punk. Et cela reflète bien notre musique parce que sa voix et la basse qu’il joue reflètent une approche post-punk plus sombre. Alors que certaines des guitares sont plus progressives. C’est un mix des deux.
PV : On pourrait donner quelques noms emblématiques du post-punk, du moins de la façon dont on le comprend. Pour les années 80, on pense plutôt à JOY DIVISION et BAUHAUS, donc. En ce qui concerne les années 2000, on parle des EDITORS et d'INTERPOL. Quant aux années 2020, c'est IDLES et SHAME. Ça, c’est notre monde du post-punk, qui n'est pas du tout le même pour d’autres personnes.

Dans votre premier EP, il y a une reprise de The end des DOORS. Pourtant, vous ne les citez pas dans vos influences. Pourquoi ?

PV :  Bonne question. C’est pas facile à se connecter avec les DOORS, c’est vraiment un autre univers. Ça n’a rien à voir avec nos autres influences... Mais en même temps, on peut dire que la musique qu’on fait est influencée par le côté gothique introduit par BAUHAUS. Or, si on se penche sur le gothique, comment il est apparu, un des morceaux précurseurs, qu’on appelle pré-gothique, c’est The end. Le documentaire très sympa sur Youtube, Avant BAUHAUS : comment le gothique est devenu le gothique ? montre comment un des morceaux qui a tout changé, c’était The end, mais pas les DOORS dans leur ensemble. Seulement ce morceau [Bien qu'elle y soit présentée en Reine du gothique, le documentaire omet de dire que NICO a aussi repris ce morceau, NDLR].
SL : Et, pour nous, si on fait la reprise d’un morceau, il faut que ça soit différent. Elle doit rester connectée avec la mélodie, bien sûr. On garde les paroles telles quelles, mais le but, c’est de mettre son style dedans. Par exemple, si vous écoutez la reprise de When the levee breaks de LED ZEPPELIN par A PERFECT CIRCLE, c’est complètement différent. Et c’est là l’intérêt. Vous prenez quelque chose que vous aimez vraiment beaucoup, qui vous influence, et vous adaptez votre style dessus. Vous gardez une connexion un peu lâche, mais vous offrez votre vision et cela devient plus intéressant pour celui ou celle qui écoute. On ne veut pas juste enregistrer la même chose... En fait, il n’y a aucune chance que vous fassiez mieux que The DOORS si vous jouez exactement la même chose.
PV : Il n’y aurait aucun intérêt de refaire à l’identique, ça n’ajouterait rien. Aussi, venant de groupes de reprises, on en avait marre de faire d'exactes reproductions de morceaux. C’est fini. On ne veut plus faire ça. Aussi, les covers qu’on fait sont très différentes des versions initiales. Il y a un risque, mais on le prend.
 

"Le simple fait de parler d’un problème pourrait nous aider à le résoudre ou à changer"

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Revenons à votre dynamique premier EP intitulé Haneke Twins, sorti en septembre 2018. Une chose m’a marqué, c’est le côté très rock, très agressif en comparaison du deuxième disque, plus sombre, plus dépressif. Qu’en dites-vous ?

PV : Il y a une énorme différence entre les deux disques. Ça, c’est clair. Pour le premier EP, il faut dire qu'on n’avait pas trop réfléchi. On l’a composé en quelques semaines, puis on a pris l’avion et on est allés tout de suite l'enregistrer. Donc le style exact qu’on voulait faire n’était pas très clair pour nous. C’était un peu schizophrénique, on peut dire. D’ailleurs, il n’y a pas vraiment de connexion entre les différents morceaux. Par ailleurs, on vient d’un background de rock assez agressif. Du coup, le style de musique est naturellement agressif. On a passé beaucoup plus de temps sur Astronaut. Il est beaucoup plus travaillé, alors que son prédécesseur était plus spontané. Aussi, le nouveau disque qui sortira, on espère, d’ici la fin de l’année 2022, sera entre ces deux extrêmes. La vérité ou la juste balance, c’est vraiment au milieu. Ça devrait alors se sentir sur notre prochaine production. Grosso modo, à l’époque, on n'avait aucune expérience en matière de composition, même si on a fait des années de musique avec nos groupes de reprises. On en avait discuté une fois entre nous et il était ressorti que par analogie avec les études et le travail, jouer dans des groupes de reprises, ce serait comme faire des études à l’Université, au MIT, cela permettrait d'apprendre toute la théorie. Alors que faire sa propre musique, composer des morceaux, ce serait plutôt comme commencer son premier travail pour entrer dans l’industrie. Ce n’est pas la même chose. On a tout ce qu’il faut comme connaissances, mais leur application n’est pas du tout évidente...
SL : C’était tellement spontané avec le premier EP. Je me rappelle qu’on avait quatre morceaux à enregistrer. Je regardais Apocalypse now de Francis Ford COPPOLA et j’ai envoyé un message à Paschalis disant « Nous devons faire une reprise de The end des DOORS ». Je suis allé me coucher et au réveil, Paschalis avait envoyé une esquisse de la reprise, alors qu’on avait déjà réservé nos billets. Une semaine avant le départ on avait un nouveau morceau. Ce premier EP était définitivement très spontané.

En comparaison du dynamique premier EP, musiques et paroles du mini album Astronaut semblent beaucoup plus sombres. Où est l’optimisme, l’espoir, la bouffée d’air qui vous empêche d’étouffer ? Tout serait-il perdu ?

SL : Pour le premier EP, on s’était essentiellement consacrés à la santé mentale de la société. Nous voyions la pression que tout le monde subissait dans la vie quotidienne. Depuis, le COVID n’a fait qu’empirer cela, jusqu’à un niveau intenable. Donc, il faut parler. Discuter. Il faut aider les autres et reconnaître qu’on n'a que son prochain pour nous aider à survivre, à mener une vie normale. Le cerveau peut aller du bien au mal en une seconde. Et quand le cerveau va au mal en une seconde, il faut énormément d’efforts pour revenir au bien. Par exemple, dans leurs salles de bains, les gens se mettent face à leur miroir et se parlent. Ils entrent alors dans la boucle infernale qui se nourrit d’elle-même et devient toujours plus négative. Cela ne cesse d’empirer. Il faut donc rester ouverts. Si tu marches dans la rue et que tu vois quelqu’un en détresse, prends une minute pour juste lui demander s'il veut un café, ou juste parler, discuter. Ça peut vraiment changer la vie de certaines personnes. De nos jours, on est complètement aliénés. Si tu vas à la fenêtre et que tu prends une photo de la rue, chacun est sur son téléphone, fixant l’écran, sans voir ce qu’il y a autour. Il faudrait juste se déconnecter de cela, car ça va de mal en pis, chaque jour. Avec No way out, nous voulions aborder cet aspect de la vie.
PV : Comme on n’a pas répondu à la question initiale, à savoir « Y a-t-il un quelconque optimisme dans nos paroles ? », peut-être pourrais-je ajouter quelque chose... Pour le moment, je pense qu’on est particulièrement pessimistes, mais en admettant des choses et peut-être qu'en discutant ouvertement de ce qui se passe, on pourrait avoir un avenir meilleur. Mais actuellement, on n’est pas très optimistes et cela se reflète dans nos paroles. La première chose à faire pour résoudre un problème est de l’admettre. Admettons le problème, évoquons-le et la solution viendra peut-être. Mais si on ne l’admet jamais, cela n’arrivera pas. Donc, dans ce sens, nous sommes optimistes, parce que le simple fait de parler d’un problème pourrait nous aider à le résoudre ou à changer.
 

"J'ai grandi dans le patriarcat. J’essaie tant bien que mal de m’en sortir"
                                                                                             (Stefanos LEONTSINIS) 

Dans Astronaut, vous parlez beaucoup de prendre sa vie en main, de choisir son destin en quelque sorte, mais vous critiquez aussi très fortement le monde d’aujourd’hui, des politiques à langue de bois en passant par les réseaux a-sociaux qui tuent les véritables relations humaines et nous entraînent dans la spirale infernale de la solitude, voire du suicide. Est-ce que je me trompe ? Je pense à Speechless, River ou Stuck in a loop.

PV : Oui, on critique la société telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, avec différentes associations d’idées, différentes métaphores. Les choses ne vont pas bien. On essaie d’en parler et dans Stuck in a loop par exemple, on montre tout ce que Stefanos a décrit avant, des gens avec leurs téléphones qui ne regardent ni le ciel, ni la nature. La seule chose dont ils se soucient, c’est de savoir si on les like, je ne sais pas moi, sur Instagram, par exemple... En fait, si vous nous demandiez de décrire les thèmes de nos chansons, je dirais qu’elles traitent de questions sociales, politiques et psychologiques. C’est ça qui nous intéresse. D’autres artistes traitent d'autres aspects. On n’a pas besoin d’écrire plus de chansons sentimentales. Je pense qu’il y en a assez. Et pour River, c’est la même chose. Ça traite des difficultés qui font atteindre leurs limites aux gens. Le suicide est utilisé comme une métaphore. C’est un suicide psychologique et on ne dit pas ce qui s’est passé. Nous laissons la question en suspens. Chacun peut l’interpréter à sa manière. Mais le constat est toujours le même : la société nous amène aux limites de ce que nous pouvons supporter. C’est une réalité, c’est certain !

La question qui fâche : en lisant attentivement les paroles, on a l’impression non seulement d’une introspection de petits garçons qui refusent de devenir des hommes, mais surtout que vos textes s’attachent aux garçons, mais pas aux filles. Est-ce une erreur d’appréciation de ma part ? Où sont les femmes dans votre univers ?

PV : Ouchhh !... Je dois dire que j’ai eu peu de réticence avec cette phrase « I am a boy and I don’t want to become a man ». Mais c’est la seule qui fonctionnait. On n’a pas réussi à la modifier...
SL : Le garçon devenu homme fait référence au monde du transgenre...
PV : Je crois que c’est une très bonne question. Et elle nous tombe dessus comme ça... mais on est... on est vraiment pro-parité, égalité des sexes. Mais vous avez raison. On est cinq hommes dans le groupe, des scientifiques... (pause) C’est marrant parce que ma femme vient juste de me poser la question aujourd’hui, ce matin même. On discutait au sujet de la pochette du prochain album. Il fallait choisir entre un artiste féminin et un artiste masculin, et il semble qu’on ait préféré l’homme. Et ma femme a dit : « Mais, c’est n’est pas juste ! ». Et on a dit : « Ça n’a rien à voir avec le genre ! ». Elle n’était pas convaincue du tout.
SL : Il est vrai que le patriarcat est très très profondément enraciné chez tout le monde parce que c’est ainsi, du moins je peux parler pour moi, c’est ainsi que j’ai grandi. J’ai grandi dans le patriarcat. Donc, j’admets pleinement que j’en ai des cicatrices. J’essaie tant bien que mal de m’en sortir. On essaie de faire de notre mieux. C’est quelque chose dont on n’a cependant pas parlé entre nous. Oui, on n’en a pas encore parlé.
PV : On devrait définitivement se poser la question... C’est une promesse.
SL : Le prochain album, c'est une promesse...
PV : Ce qui est intéressant, c’est que nous essayons de soutenir activement la parité, mais cela ne ressort pas vraiment dans notre musique. Je veux dire, on le fait dans nos vies, tous les jours. On essaie d’embaucher une femme plutôt qu’un homme par exemple. Mais c’est très vrai que cela ne se reflète pas dans notre musique jusqu’à présent. Nous devons corriger cela, car ce n’est pas ce à quoi on ressemble, ce à quoi ressemblent nos personnages. Ce n’est pas nous du tout. Croyez-moi. Totalement le contraire. Mais vous avez raison, cela ne transfigure pas dans nos chansons...

De même, en douze morceaux, il n’y a pas une seule chanson d’amour. Qu’est-ce à dire ? Il n’y a plus d’espoir ou le sujet ne vous intéresse pas ? Vous êtes des scientifiques, alors ceci expliquerait peut-être cela (LOL) ?

PV : (rires) Oui ! Je pense l'avoir abordé précédemment... Dans la discographie mondiale, il y a vraiment beaucoup beaucoup trop de chansons d’amour qui parlent pour nous aussi. Je pense qu’on n'a rien à ajouter sur le sujet, même si tous on est amoureux de nos femmes, de nos conjointes, de nos enfants. Oui, je pense qu’il y a d’autres sujets plus importants à... Pas plus importants... D’autres sujets qui ne sont pas abordés et qu’on aimerait traiter. La question de l’amour est évoquée par la plupart des artistes. Il y en a beaucoup. Il y en a assez. Peut-être qu'un jour, on en écrira une aussi. Mais vraiment, il faut un peu d’équilibre. On parle d’amour, d’amour, d’amour, mais on ne parle pas de la société, on ne parle pas de politique, on ne parle pas des problèmes dans la vie. Donc, voilà, c’est une décision qui ne veut pas dire qu’on n'est pas amoureux. Tout le contraire. Dans notre vie, il y a de l’amour, on le voit, mais on trouve qu’il y a d’autres choses à dire que la plupart des artistes ne disent pas...
 

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"Si on écoute notre musique avec un téléphone portable,
     il y a une perte qualitative"
(Paschalis VICHOUDIS)

On sent une évolution aussi bien musicale que textuelle, une maturité en devenir. Qu’en sera-t-il du LP à venir ? Pouvez-vous nous en dire plus ?

PV : On va aller en studio pour enregistrer douze ou treize morceaux. On n’a pas encore décidé. Peut-être treize. On va enregistrer cette fois à Genève, à L’Usine [NDLR : centre autogéré, L’Usine est le bastion de la culture alternative à Genève et comporte plusieurs salles de concert, un cinéma, un disquaire, des studios d’enregistrement, etc.]. Il y a deux studios à L'Usine. On va faire la batterie dans celui des Forces motrices et puis les autres instruments dans l’autre studio dont on ne connaît pas le nom puisque qu’il est en train d'en changer... On va faire l’enregistrement jusqu’à mi-juin et puis on espère sortir l’album avant la fin de l’année 2022. Le label, ce sera Urgence Disk Records de Damien SCHMOCKER, alias Le BARON. On se réjouit de voir l’album dans son magasin de disques. Ce sera notre véritable premier album. Les sons, comme on l’a dit avant, seront entre ceux du premier EP et d'Astronaut. On touchera les influences des trois époques de nos références post-punk. Je pense que ça va être évident là. Je trouve que, malgré ces influences, cet album sera très personnel. Il y aura une identité très claire.

Quid des concerts ?

PV : La prochaine date, c’est le 30 avril, sur le festival Electrodark [rappel : l'entretien a été réalisé le 09 avril 2022, NDLR]. On n'a pas d’autres dates de prévues parce qu’on est vraiment concentrés sur l’enregistrement et qu’il est pour très bientôt. En mai 2022, on ne voulait pas faire de concerts du tout afin de se donner un peu de temps pour travailler sur des détails avant d’aller enregistrer. Il y aura plus de concerts à partir de l’automne. Pour le moment, on est focalisé sur l’album parce qu'un disque, ce n'est pas seulement l’enregistrement. Il y a tout un travail après... Et puis on essaie de se laisser un peu de temps pour vraiment sortir un bon produit, meilleur que les deux premiers. Un petit détail important : en fait, ceux-ci ont été enregistrés en trois jours. C’était très vite fait et j’aimerais ne pas refaire cela. Nos compositions méritaient plus de temps et on ne leur en a pas donné assez.

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HANEKE TWINS, c’est désormais un groupe de cinq personnes...
 

PV : On est cinq, c’est vrai. Les trois autres, c’est un batteur qui s’appelle Emil KOULOURIS. Il travaille aussi au CERN. Lui aussi est Grec. Le bassiste s’appelle Paul ASPELL. Il est Anglais, originaire d’Oxford. Et puis le second guitariste s’appelle Andrés DELANNOY et vient de Porto Rico. Ça fait un an qu’on est ensemble. On passe de bon moments sur les répétitions, sur les concerts et on espère collaborer longtemps.

Est-ce qu’ils sont aussi sur les albums ou seulement en concert ?

PV : Pour l'instant, c’est juste en live. Pour le premier disque, on a enregistré avec un ami batteur qui nous a aidés, sinon tous les autres instruments on été réalisés par nous deux. Pour le deuxième, nous avons intégré d’autres musiciens qui ont finalement décidé de faire autre chose après. Maintenant, les autres membres du groupe (en concerts) vont venir enregistrer avec nous. Les compositions restent encore notre travail à tous les deux, mais peut-être que dans le futur, ils y participeront aussi. En tout cas ils vont être là pour l’enregistrement du nouvel album.

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"Un appel au réveil"


Quand j’ai découvert votre travail sur MX3, ce qui m’a le plus plu, c’est la séparation des guitares (une très claire, l’autre saturée) sur deux canaux distincts. C’est pour moi, une partie importante de votre son, avec la voix grave de Paschalis. Votre marque de fabrique en somme. Qu’en pensez-vous ?

PV : C’est vraiment intéressant d’entendre la séparation, de fermer les yeux et de visualiser le groupe. C’est une sensation presque visuelle, on dirait. Mais il faut fermer les yeux. Et puis ça ne ressort pas avec les téléphones portables, des trucs comme ça. Il faut des écouteurs. Mais ça ajoute quelque chose cette image stéréophonique. Cependant, c’est compliqué. Je comprends que la plupart des artistes, en général, font une condensation, une compression pour avoir tout au centre, parce que peut-être ça ressort mieux dans certains appareils. Si on écoute notre musique avec un téléphone portable, il y a une perte qualitative. Pour ceux qui écoutent notre musique, vraiment, ça vaut la peine de mettre des écouteurs, ça ajoute quelque chose. C’est presque comme un concert. Ça donne une information visuelle. Et au niveau des guitares (une très claire et l’autre avec un peu plus de gain), oui, elles sont séparées. C’est très facile à appréhender et c’est fait exprès. On veut avoir des mélodies très claires, pour distinguer ce que chacun joue. C’est notre but en fait. On adore ça, alors que très souvent les trucs sont très mélangés. Les résultats peuvent être magnifiques, mais c’est difficile à savoir qui joue quoi. Nous, en fait, on a rien à cacher. Tout est évident. C’est notre style de mixage et puis aussi notre producteur Costas adore ça. Il aime donner une sensation de live à notre musique.

Souhaiteriez-vous ajouter quelque chose de plus sur HANEKE TWINS ?

SL : Oui, on veut !... En se basant sur l'une de vos remarques, après que l'on se soit mis d’accord avec Paschalis, bien entendu, on promet que le prochain album aura beaucoup plus de présence féminine. L'un des morceaux évoquera très certainement Ann HANSEN, une anarchiste canadienne, fondatrice du Direct Action Group qui révèle un certain nombre de facteurs qui détruisent l’environnement. Donc on peut définitivement lui dédier une chanson, on travaillera assurément là-dessus. Aussi, merci pour ce commentaire sur les femmes, c’est très très précieux.
PV : C’est un appel au réveil ! Nous pensons que nous sommes ouverts... nous croyons que nous le sommes, mais cela ne se voit pas. Cela ne s’affiche pas et donc, nous devons corriger cela. Merci beaucoup pour ce commentaire...

You are welcome ! Ce n’était pas une critique, juste un ressenti. Merci à vous.

SL : C’était très très utile. Nous n’aimons pas les commentaires positifs. Nous aimons ce qui permet de nous améliorer. Donc, avec cette chanson, nous ne pouvons qu'évoluer en bien. Donc merci pour ça... C’était très intéressant. J’ai vraiment vraiment apprécié.
PV : Et merci de nous avoir invités. C’était un grand plaisir.
 

Article et propos recueillis par GROTOTORO

(alias Christophe Chazalon - Genève, UniBastions – B107, 10h-12h, le 09/04/2022)
(17 juin 2022)

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HANEKE TWINS. Astronaut (The Animal Farm, 2021)
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Pour prolonger...

HANEKE TWINS : Bandcamp
HANEKE TWINS : site web
HANEKE TWINS sur MX3

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Photographies : Christophe CHAZALON, Bandcamp, DR.
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