Gonzai Beach Party

C’est l’amour à la plage // par Lætitia Lacourt

Gonzaï Beach Party | La Plage du Glazart – Paris | 16 septembre 2014

"On iraaaa où tu voudras quand tu voudraaaas..." Vous savez, nous n'avons jamais été aussi heureux que ce soir là. Nous marchions sur une plage, celle du Glazart, c'était l'automne, un automne où il faisait beau, une saison qui n'existe presque plus à Paris et qu'on appelle l'été indien. C'était une Gonzaï Beach Party et du coup, personne ne ressemblait à une aquarelle de Marie Laurencin. Mais on se souvient très bien de ce soir d'automne, même une semaine après et on se souviendra sans doute encore pendant un an, pendant un siècle, pendant une éternité des concerts de Burnside XI et de Son Of et ce, même lorsque le rock sera re-re-re mort et enterré. Au programme de cette carte blanche donnée à Gonzaï, deux rois et une palanquée de valets. Revue de détail puisque ce soir-là il n'y a que ça qui comptera :
Le roi de cœur rentre sur scène à la tombée de la nuit. Théophile Paris aka Burnside XI enlève son bonnet rouge (c'est l'été indien, rappelez-vous) et ouvre le set avec la délicieuse « Serotonin blues ». Les fidèles notent immédiatement un changement de taille. Il faudra désormais compter avec Alessandro à la batterie : « C'était une évidence. On jouait ensemble gamins, on vient de Châteauroux tous les deux, on attendait le (bon) moment » confie Théophile. Le one man band nous avouera dans les loges en avoir marre d'écumer les scènes seul depuis plus d'un an et aspire à développer d'autres émotions. Les nôtres aussi par la même occasion : ils enchaînent avec « Fuzz Moustache » et « For a little while » et force est de constater que ce gamin est un Apollon. Oui, un Apollon, un jeune dieu du chant, de la musique et de la poésie qui nous embarque dans son sanctuaire garage blues sans difficulté. Le duo fonctionne bien, y compris sur « Disintegrate » enregistrée avec Jake Berry, le batteur de Nerve City. Les deux potes en profitent pour jouer plusieurs titres inédits : « Molly's arms », « Cold Blood », « Dive Young » laissant présager une bonne nouvelle. « On rentre en studio en novembre pour enregistrer 5 ou 6 morceaux et on partira en tournée en Suisse, Italie, France, Allemagne, Angleterre » ajoute Burnside XI. Le tout, plus jazzy et plus bluesy, devrait voir le jour début 2015, sans doute sur plusieurs labels et toujours avec le daron de Théophile côté arrangements. 
C'est au tour du roi de pique de montrer son jeu. Arnaud Mazurel est, ce genre de type, fragile comme un château de cartes, aussi fascinant que troublant, aussi mystérieux qu'attachant. Sur scène, il est Son Of, entouré de Nico à la batterie, Greg à la guitare et de Ben à la basse. Si Son Of est le nom de la seule chanson que sa mère lui ait apprise, c'est aussi un des titres de son ancien groupe, Jack the Ripper, qui a officié de 95 à 2008. Rien ne se perd, tout se transforme et l'alchimie reste la même : en live, la voix torturée, le chant possédé, le corps électrifié d'Arnaud Mazurel viennent vous sucer la moelle et retourner la cervelle. Et ça réunit autant de sentiments contradictoires ou connexes comme l'amour et la violence, la rage et la poésie, la douceur et la haine. Ravisseur aux pieds nus, Arnaud Mazurel est mal rasé, les tiffs pas coiffés, le futal de costard noir froissé, la chemise noire mal boutonnée : on développe le syndrome de Stockholm, on s'attache à jamais, pris en otage par autant de mélodies dans le chaos. « It Was summer », « Doberwoman », « Dracula »... retournent les tripes, parlent aux écorchés et ordonnent le mouvement furieux de votre nerf sciatique. Ne cherchez pas d'EP ni d'album : « Je n'ai pas envie de mettre en boîte une démo, de faire du garage et de la reverb, de défigurer le son et de faire du rétro comme les White Stripes. J'ai peur d'affronter le sarcasme d'un grand label. On pourrait produire nous-mêmes, mais le son est fantasmatique et les gens trop pragmatiques. »
Ne cherchez pas des dates de tournée : « J'ai besoin de l'énergie du public. J'ai besoin qu'il y ait de l'âme. Cette plage, ça m'a foutu les jetons. J'adorerai que tout le monde danse, qu'on trouve notre propre choré, que nos corps s'expriment d'une façon particulière ».
Vous l'avez compris, ce type fonctionne à l'instinct, aux sentiments et à la lueur. Comme celle dans ses yeux lorsque les premières notes de G.l.o.r.i.a de Van Morrison période Them s'élèvent sur la Plage. Roger de Lille, le DJ, a pris le relais. « Tu vois, cette voix grésillante et compressée, j'aimerais retrouver cette origine ».
On ne s'inquiète pas, on n'en est pas loin.