FIDLAR

Too (Mom + Pop Music) // Par Lucas Leonard
Fuck it Dog Life’s a Risk. Voici l’acronyme des 50 dernières années, après le célèbre L.A.M.F (« Like A MotherFucker », l’album culte de Johnny Thunders et ses Heartbreakers). Une révélation. Il n’y a pas d’autres mots. FIDLAR symbolise, depuis 2013 et la sortie de leur premier album explosif, le retard volontaire de mon entrée dans l’âge adulte. Autant dire que je l’attendais ce deuxième opus, je me languissais, végétant comme un vieux rat d’égout, gisant sur le trottoir désireux d’encaisser le coup de pompe décisif du premier mioche tyrannique qui voudrait bien me l’asséner. La marque de la claque reçue après la première écoute de « cheap beer » était encore vive sur ma joue et c’est sans appréhension que je tendais la deuxième pour hériter d’un coup de grâce que je n’ai jamais réellement reçu.
Pour couper court, un puriste de Fidlar sera vite déçu de la forme plus générique que prend ce nouvel album.

« Too » a été enregistré à Nashville en deux semaines avec, pour la première fois, l’aide d’un vrai producteur : le vétéran Jay Joyce (Cage the Elephant). Finie la ferraille sauvage et les incursions dans un coup de soleil surfabilly. On remarque dès le premier morceau, non sans un léger froncement de sourcil, le polissage du son effectué par le groupe. Une grande place est accordée aux scintillements de production, les voix sont fortement transformées et les couches d’instrumentation viennent « lécher » le son et le rendre presque trop propre pour ce style de musique, jusqu'à le faire basculer parfois dans le royaume du disque de pop sirupeuse plutôt que dans celui du punk.
Une évolution que l’on pourrait qualifier de logique et on pourrait se rendre à l’évidence que le « do it yourself » ne répond plus aux attentes d’un public élargi, mais on n’a pas envie d’y croire.
Certes, il n’y a pas deux albums identiques, mais on a le sentiment que le célèbre virage du deuxième album n’a pas été négocié comme il se doit.

L’esprit convivial, indolent et « fuck it dog » a foutu le camp pour laisser place à une prise de conscience surprenante : celle de Zach Carper. Car si on s’inquiétait de savoir qui était la tête pensante du quatuor de LA, on peut désormais pointer le lead singer du doigt, tant les textes de l’album reflètent la complainte de ce dernier et la recherche d’un chemin vers sa propre sobriété. C’est comme si l’effet festif des substances ingurgitées sur le premier album, se transformait en une énorme gueule de bois sur le second. Une remise en question bienvenue, pas aussi évidente au départ. Zach qui s’enthousiasmait de faire la fête jour et nuit, emprunte aujourd’hui le chemin de la rédemption, et à en croire les paroles d’un morceau comme « Stupid Decisions », c’est pour le meilleur. Or, le combat d’une rockstar contre ses démons toxiques est une histoire que tout bon fan de punk connaît déjà.

Malgré cela, le groupe déluré de la côte ouest n’a pas totalement disséminé son essence identitaire, « Too » contient son ensemble habituel de pépites auditives avec des riffs toujours frénétiques, imprégnés de gimmicks rock’n’roll et de sonorités acides, le tout sublimé par un valeureux Max Kuehn derrière des fûts puissants et impeccables.
On peut citer les morceaux revisités « Punks » et « West Coast », issus d’anciens EP de la bande et pourtant victimes de quelques effets de productions spasmodiques, mais bougrement efficaces. Tout comme « Drones», un des morceaux d’appel de l’album, qui se trouve être également la piste avec le moins de cloches et de sifflets post-production. Mention spéciale toute personnelle à « Why Generation » et à son refrain fantastique.

Finalement on est un peu déçu de ne pas reconnaître ce groupe qui rentre dans le rang en pondant là un excellent album générique qui ravira les auditeurs les plus indulgents et se fera une meilleure place sous le soleil des ondes radiophoniques.
Ce « Too » de FIDLAR est censé avoir davantage la tête sur les épaules, avec un Zach Carper qui aurait une meilleure estime de soi et de plus grandes choses en tête. Une sorte d’assurance assumée qui prendrait le pas sur l’insouciance originelle. Un choix qui divise au vu des contrastes avec le premier album qui définit à lui seul le terme « perfection », et qui restera éternel pour tout bon puriste. Cela n’est pas censé effrayer les fans mais, bien au contraire, à les convertir de nouveau.