« Preachin'Songs » (2018) // Par Yvan Shintu - L'Oreille de Moscou !
Pardonnez nous d'emblée cet argument simpliste, mais sur la carte des musiques amplifiées dites "Rock" on placerait bien les Preachin'Songs, nouveau Lp studio de l'Electric Bazar Cie (E.B.C.), exactement entre les monstrueux ramponneaux garage du Reverend Beat-Man et le psychobilly revêche et lubrique d'un autre apôtre gominé, le Reverend Horton Heat.
Ce qui grosso modo ne nous engagerait à pas grand chose, il y a entre ces deux extrémités suffisamment de place pour y rajouter quelques nuances : par là les incantations blues hantées, et par ici les prêches de bastringue aux effluves houblonnées. Ce serait facile, la chronique serait bouclée, mais ce serait sans compter la musique aux mains baladeuses de cette clique de doux dingues qui réussit avec ce disque un authentique exploit : allier la rage froide du premier avec la force sensuelle et moite du second en envoyant ce joyeux bordel se crasher contre une funk ivre et une afro-punk aux relans poly-rythmiques épileptiques.
E.B.C.; donc, une troupe aux goûts sûrs et pluriels. De là à se dire que quelques-uns des billets amoureux que vous avez vu passer au sujet de la musique des Tom Waits, Screamin'Jay Hawkins, Fela Kuti ou encore James Brown étaient, en fait, destinés à ces Preachin'Songs pandémoniaques, il n'y a qu'un pas, qu'on vient avec allégresse de franchir à pieds joints !
Voici le nouveau bébé de l'EBC ! Comme on crie auberge espagnole, et surtout pas maison close : l'ouverture d'esprit de ces garçons est remarquable. Issus de leur spectacle "Rock'n'Roll Is Your Mission" tourné deux ans sous chapiteau, les dix morceaux de ce cinquième album nous le hurlent à chaque écoute.
Du coup, la belle liberté que s'octroient nos quatre prédicateurs défroqués - Etienne Cras (Chants, guitares), Guillaume Le Guern (Sax, clarinettes), Jo Caserta (basse, orgues), Rowen Berrou (batterie, percussions, choeurs) - brouille les pistes, entremêlant une somme faramineuse d'influences : on en a déjà cité quelques-unes, dites-vous bien qu'il y en reste tout autant.
A la clé ? Et bien ma foi, un bon coup de saton aux culs empaillés des diktats effrayants encore propagés par quelques gardiens de chapelle décatis. Bien au chaud dans leur tour d'ivoire, ces branques, rigoristes d'un rock consanguin, ont trop souvent pris en ligne de mire le travail d'artistes comme EBC. Du haut de leurs ricanements incultes et de leur aveuglement bigot et rance, ces pisse-vinaigre ne sont pas même foutus de voir que jongler ainsi à huit mains du rock vaudou du Gun Club à l'afrobeat hédoniste d'Africa 70' en passant par la No-Wave psychotique de James Chance est d'une part une sacrée performance. A ce titre, le boulot de synthèse de Julien Le Vu aux manettes est une fois encore énorme. Il faut pouvoir retranscrire sur disque autant d'énergie et d'idées frappadingues. Chapeau bas !
D'autre part, c'est la seule et unique façon de faire perdurer l'esprit d'une musique qui se veut vivante. Vivante, oui. Et en rab, ici, bancale, furieuse, joyeuse, hallucinée, possédée...
- "Rock'n'Roll Will Make You Sane !!".
Celui d'Electric Bazar Cie, ouh puté ! Ouais !!!